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Le billet du Recteur (n°3) - "Lutte contre l'essentialisation : regards sur la place des musulmans en France"



Au sein des débats actuels, marqués par des sondages souvent biaisés à l'encontre des musulmans de France, certains persistent à affirmer que tous les membres de notre communauté de foi sont assimilables à des islamistes. Ce discours généralisé s'étend même jusqu'à moi : je me retrouve curieusement pris pour cible dans une campagne virulente, où chacune de mes actions est affublée du qualificatif d'islamiste, une allégation qui me rattache de façon absurde aux « frères musulmans ».

 

Dans ce contexte, il est essentiel de rappeler sobrement un ouvrage que j'ai publié en septembre 2021, intitulé Le Manifeste contre le terrorisme islamiste. Dans cet écrit, j'exprimais : « L'objectif quotidien qui m'anime est d'offrir aux fidèles musulmans un lieu de dévotion digne et de défendre une image : celle d'un islam apaisé, serein et fraternel. Celui que mes aïeux m'ont enseigné, et non pas celui que des individus malveillants cherchent à diffuser pour pervertir, notamment, la jeunesse. Je le certifie : non, l'islam n'engendre pas de violence, et ce manifeste fournira davantage les arguments théologiques. »

 

Il est impératif de souligner la nécessité de faire la distinction entre les termes « musulman » et « islamiste ».

 

Le musulman est une personne pratiquant l'islam, une religion monothéiste abrahamique basée sur le Coran et la tradition prophétique. La diversité des interprétations au sein des musulmans est incontestable. La majorité pacifique des musulmans dans le monde vaquant à leurs activités quotidiennes sans chercher à imposer leurs convictions témoigne de cette diversité. Même les pratiquants les plus rigoristes, s'adonnant à leur foi de manière verticale, demeurent dans la sphère des musulmans tant qu’ils n'imposent pas leur rite à autrui.

 

En revanche, le terme « islamiste » désigne ceux qui, par une interprétation erronée des préceptes islamiques, cherchent à appliquer leurs principes à la gouvernance politique et sociale d’un pays, en étant souvent impliqués dans des mouvements politiques plus radicaux.

 

Dans Le Manifeste contre le terrorisme islamiste, je soulignais : « Considérer les musulmans uniquement comme des « coupables » relève de la malhonnêteté intellectuelle et d'une vision orientée. Si les islamistes sont coupables, les musulmans sont souvent leurs victimes, tout comme les autres membres de la communauté nationale. »

 

Dans le même souffle, il est fondamental de rappeler que chaque religion et chaque dogme peuvent engendrer des dérives qui mènent l’être humain vers l’ombre, avec des extrémistes radicaux qui exploitent et déforment la foi à des fins politiques et sociales. Cependant, il est crucial de souligner que cette réalité ne doit pas entraîner une extrapolation hâtive et inappropriée en associant la totalité d'une religion à ces actes extrêmes. C'est une pratique qui ne fait pas justice à la complexité des croyances et des traditions religieuses. Plutôt que de stigmatiser l'ensemble d'une communauté par le nom de sa religion, il est plus judicieux d'utiliser des qualificatifs précis pour décrire les actes et les idées extrémistes, évitant ainsi toute généralisation abusive qui tendrait à définir toute une foi par les actions marginales de quelques-uns. Une telle nuance est essentielle pour maintenir un dialogue respectueux et éclairé sur la diversité des croyances et des pratiques religieuses.

 

Par ailleurs, tout en réaffirmant mon engagement naturel et avec une conviction découlant de mes préceptes musulmans contre le terrorisme, j'assume pleinement ma responsabilité dans cette démarche. C'est dans cette perspective que j'invite chacun, quel que soit son horizon spirituel, à adopter une posture similaire. Il est impératif d'éviter que notre pays ne sombre dans les méandres de l'extrême droite, une menace qui est considérée par les services de renseignement comme un péril émergent. Selon le dernier rapport d'Europol en 2022, la France représentait 35 % des interpellations réalisées en Europe en lien avec le terrorisme d'extrême droite, une proportion qui avait atteint 45 % l'année précédente. Cette réalité appelle à une vigilance collective et à un engagement sans faille pour préserver notre société de tout extrémisme, qu'il soit d'origine pseudo-religieuse ou politique.

 

Dans notre société plurielle, il est essentiel de ne pas généraliser l'ensemble de la communauté musulmane en utilisant des termes tels que « islamiste » de manière indiscriminée. La majorité des musulmans de France ne soutient ni le terrorisme ni l'extrémisme et s'y oppose fermement. Ce sont des citoyens consciencieux accomplissant leurs devoirs quotidiens avec dévouement, demeurant sereins face aux attaques haineuses dont ils sont l’objet.


À Paris, le 23 janvier 2024


Chems-eddine Hafiz

Recteur de la Grande Mosquée de Paris


 

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