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Une Histoire

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Le 19 octobre 1922, à 14 heures, la première pierre de la Grande Mosquée de Paris était solennellement posée, inaugurant la destinée riche en évènements d’une institution qui demeure à ce jour un sujet de curiosité, une référence, un symbole, un enjeu.

1917-1922 : un édifice en reconnaissance des soldats musulmans morts pour la France


L’idée d’ériger une institution musulmane à Paris remonte au milieu du XIXe siècle. Après des initiatives avortées, le gouvernement français décida finalement de prendre le projet à son compte en décembre 1916, au cœur de la Première Guerre mondiale, lorsque la France dût compter tant et tant de soldats de confession musulmane parmi ses héros tombés, notamment à Verdun lors de la terrible « Bataille du Destin de la France ». Plus de 100 000 d'entre eux perdirent la vie. Ces soldats, arrachés à leurs foyers, devaient être honorés. Et la construction d'une mosquée à Paris devait symboliser cette reconnaissance de la République et consolider les liens entre la France et les populations musulmanes.


C’est ainsi que la Société des Habous et des Lieux Saints de l'Islam vit le jour en février 1917 pour présider, jusqu'à aujourd'hui, les destinées de la Grande Mosquée de Paris. Déclarée à Alger sous la direction de Si Kaddour Benghabrit, cette association fut d’abord créée pour organiser le Pèlerinage à La Mecque des musulmans d’Afrique du Nord pendant la Grande Guerre. La réussite de cette mission la conduisit à être agréée pour mener à bien les travaux et la gestion de la future Mosquée de Paris.

Le projet de mosquée à Paris remporta rapidement les faveurs de personnalités politiques, intellectuelles et musulmanes influentes. Un Comité de direction fut décidé et présidé par Édouard Herriot, député-maire de Lyon et défenseur de la laïcité républicaine instaurée quelques années plus tôt : malgré son engagement pour la séparation de l’Église et de l’État, Herriot reconnu, avec d'autres, la nécessité de ce projet servant à honorer les musulmans de France et à envoyer un message d'amitié fort à l’ensemble du monde musulman.


Durant l'été 1920, la Chambre des députés vota à l’unanimité le projet de loi « en vue de la création de l'Institut musulman de la Mosquée de Paris », à la suite du rapport élaboré par Édouard Herriot. Cette loi attribua une première subvention de financement des travaux, qui fut suivi par de nombreux dons récoltés à travers les pays musulmans. La Grande Mosquée de Paris pouvait voir le jour.

« Si la guerre a scellé sur les champs de bataille la fraternité franco-musulmane et si plus de 100 000 de nos sujets et protégés sont morts au service d’une patrie désormais commune, cette patrie doit tenir à honneur de marquer au plus tôt, et par des actes, sa reconnaissance et son souvenir ».

Extrait du rapport d’Édouard Herriot

​​1922-1926 : la construction d'un monument au cœur de la capitale française

 

La première pierre fut posée en 1922 à l’emplacement du futur Mihrab orienté vers La Mecque, en présence d’éminentes personnalités françaises et du monde musulman : l’Institut Musulman de la Grande Mosquée de Paris allait inscrire à jamais le lien entre la France et l’islam, et marquer la reconnaissance du pays pour les centaines de milliers de musulmans venus le défendre entre 1914 et 1918.

 

Il fut décidé d'implanter la Grande Mosquée de Paris sur un terrain appartenant à la Mairie de Paris, dans un lieu chargé d’histoire : l’ancien hôpital de la Pitié, détruit avant la guerre, dont les fondations remontent à 1612 au temps de Marie de Médicis. Voisin du Jardin des Plantes, le site s'inscrivait dans le quartier latin, celui des universitaires et des intellectuels, dont nombre d'entre eux avaient pu manifester une intense curiosité pour la religion et la culture musulmane, au-delà des intérêts politiques et coloniaux.

 

Le style architectural choisi, le néomauresque, s’imposa rapidement comme une évidence. Il permettait de lier plusieurs héritages : celui de l’Andalousie et de l'Afrique du Nord avec l'esthétisme renouvelé de Paris. Pour mener à bien ce chantier d’exception, des architectes renommés furent désignés : Maurice Mantout, Maurice Tranchant de Lunel, Charles Heubès et Robert Fournez. Leur mission était claire : concevoir un monument à la fois audacieux, moderne et harmonieux avec l’urbanisme parisien. Une œuvre d’art architecturale, rencontre entre l’Orient et l’Occident, allait naître.

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Les travaux purent commencer. 450 artisans et artistes du Maghreb firent la prouesse de construite le bâtiment en l’espace de quatre années. Leurs savoirs-faire et leur habilité technique permirent de bâtir un édifice qui se démarque jusqu'à aujourd'hui par son raffinement inédit en Europe. Mosaïques, colonnades, jardins, bois précieux, calligraphies : tout forme un ensemble où rayonne la culture architecturale musulmane.


L’inauguration de la Grande Mosquée de Paris se déroula le 15 juillet 1926, en présence du président de la République Gaston Doumergue, du tout-Paris et de plusieurs personnalités du monde musulman. Depuis lors, cette institution pieuse, philanthropique, culturelle, autonome, fut administrée par la Société des Habous pour porter en France et en Europe le message humaniste et universel de l'islam.

« Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l’Ile de France, qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses. La France entend ne rien railler, ne rien troubler, ne rien effacer dans l’âme humaine de ce qui a pu contribuer à la réconforter, l’élever, l’ennoblir ».

 

Extrait du discours du Maréchal Hubert Lyautey lors de la pose de la première pierre

1926-2020 : un haut-lieu de l’islam en France au XXe siècle

 

Dès son inauguration en 1926, la Grande Mosquée de Paris devint le foyer de la vie religieuse des musulmans du pays. Elle allait longtemps rester la seule mosquée de France métropolitaine, pour une communauté de foi de plus en plus nombreuse.

La Grande Mosquée de Paris devint ainsi le lien qui unissait les musulmans lors des prières quotidiennes et des grandes fêtes religieuses. Elle fut aussi le lieu d'une ouverture inédite vers les autres religions et les autres cultures. Et une interface entre la France et tous les pays du monde musulman : elle ne cessa, dès lors, d'accueillir les chefs d’États et les dignitaires religieux venus des quatre coins de la planète.

Dans les années 1930, le rôle de la Grande Mosquée de Paris et de son recteur Si Kaddour Benghabrit fut symbolisé par l'ouverture de l’hôpital franco-musulman et du cimetière musulman de Bobigny. Conçu par Maurice Mantout, architecte de la Grande Mosquée de Paris, et Léon Azéma, architecte du Palais du Trocadéro, inauguré le 22 mars 1935, cet hôpital est lié à notre institution. L’établissement fut conçu pour accueillir une population pauvre et exposée à des maladies comme la tuberculose, qui frappait les travailleurs nord-africains et subsahariens vivant dans des conditions de logement insalubres, à une époque où la France était encore marquée par son empire colonial.

 

Durant l’Occupation allemande de Paris (1940-1944), la Grande Mosquée de Paris, qui disposait notamment d’un accès souterrain au cours d’eau de la Bièvre, servit de refuge à des résistants, des familles et des enfants juifs. Elle entreprit aussi la délivrance de faux certificats de confession musulmane à des hommes de confessions juives. Si des témoignages solides et des archives administratives attestent de ces sauvetages, le nombre de personnes protégées par la Grande Mosquée de Paris reste encore à déterminer précisément. Un nom incarne cette histoire : Abdelkader Mesli. Venu d'Algérie pour être imam de la Grande Mosquée de Paris et aumônier à l’hôpital de Bobigny, il participa au sauvetage de juifs sous la direction du recteur Si Kaddour Banghabrit puis à un réseau de résistance. Il fut arrêté à Bordeaux et déporté par le train-fantôme en Allemagne, en juillet 1944.


La Grande Mosquée de Paris a toujours été un lieu de débat et de réflexion. Des années 1950 à 1970, elle fut au cœur du renouvellement des études de l’islam en Europe, en faisant converger vers elle les initiatives associatives et éditoriales. Le recteur Si Hamza Boubakeur (en poste de 1957 à 1982) apporta à l’institution le prestige d’une traduction remarquable et remarquée du Noble Coran, parue chez Fayard en 1972. 

Toujours proche des avancées de son temps, la Grande Mosquée de Paris s'inscrivit dans les changements apportés par le Concile Vatican II, qui redéfinissait les rapports entre l’Église catholique et les autres religions. En 1967, alors que la guerre des Six Jours touchait le Proche-Orient, le recteur Hamza Boubakeur, aux côtés de représentants catholiques et juifs, créa « la Fraternité d’Abraham », association pionnière du dialogue interreligieux en France.

 

À partir de la décennie 1980, alors que la population musulmane grandissait en France, la Grande Mosquée de Paris dût se confronter aux importants manques structurels du culte et se mit à l’ouvrage pour y remédier, en soutenant d’abord de multiples projets de création de lieux de culte ainsi que de carrés musulmans dans les cimetières.

 

Le recteur Abbas Ben Cheikh (de 1982 à 1989) solutionna pour un temps l’insuffisance du personnel religieux par l'arrivée d'imams Algériens en France. Le recteur Dalil Boubakeur (de 1992 à 2020) permit ensuite la création de l’Institut Al-Ghazali destiné à la formation des imams (1993) et de la filière halal (1994) en France.

Si la Grande Mosquée de Paris, qui fédère 400 autres lieux de culte, reste jusqu'à ce jour l'institution centrale de l’encadrement spirituel des musulmans de France et de médiation avec les institutions de la République, elle accompagna la création du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) en 2003. Le recteur Dalil Boubakeur, au cours de trois mandats de présidence du CFCM, put notamment mener à bien la fondation des aumôneries musulmanes de l’armée, des hôpitaux et des prisons, et œuvrer à la construction d’un Mémorial aux combattants musulmans de la Première Guerre mondiale près de Verdun, en 2006.

« En manifestant votre indéfectible attachement à la République, à la nation, à ses principes et à sa cohésion, vous témoignez de cette France, diverse et multiple, mais rassemblée autour des valeurs ».

 

Extrait du discours du président Jacques Chirac lors de sa visite le 9 avril 2002

2020 à aujourd'hui : une institution pour relever les défis des temps présents

 

Début 2020, l’élection du recteur Me Chems-eddine Hafiz a signé les débuts d’une nouvelle ère de projets pour la Grande Mosquée de Paris, à même de la maintenir comme un haut-lieu de connaissance, de dialogue et d’ouverture aux autres religions, à la société française, à la République, de l’inscrire dans les temps présents et de répondre aux défis du XXIe siècle.

À compter de l'année 2020, la Grande Mosquée de Paris étendit d'abord son rôle dans l'organisation et la structuration du culte musulman en France. Son Institut de formation des imams et des aumôniers se déploya sur le territoire national grâce à cinq annexes (Lille, Les Mureaux, Rive-de-Gier et deux à Marseille). En 2025, l'École nationale Ibn Badis vit le jour à Vitry-sur-Seine, pour devenir le pôle central du réseau de formation. À l'échelle de l'Europe également, la fédération de la Grande Mosquée de Paris renforça ses structures et le conseil de coordination AMMALE, rassemblant des responsables musulmans de premier plan de nombreux pays européens, fut lancée en octobre 2023 à la Mosquée de Paris

Face au double défi du radicalisme et de l'islamophobie, le recteur Chems-eddine Hafiz entreprit de nombreux chantiers. Il participa activement à la rédaction de la « Charte des Principes pour l’Islam de France », signée le 18 janvier 2021 à l’Élysée, puis au lancement du Conseil national des imams. Vingt ans après les attentats du 11 septembre 2001, il publia Le Manifeste contre le terrorisme islamiste (Éd. ErickBonnier), pour contredire les thèses assimilant les musulmans aux idéologues extrémistes, et l'islam à la violence. Au printemps 2023, la Grande Mosquée de Paris lança les travaux d'un groupe de réflexion sur l’adaptation du discours religieux en France et en Occident, composé de personnalités de la société civile, des autres cultes, de religieux et d'experts musulmans, qui s'intéresse à traiter tous les sujets entre société et religion musulmane. Dénonçant avec force la montée des discours racistes et musulmans, en particulier durant les échéances électorales, ou lors du drame de La Grand-Combe (avril 2025), après lequel la  Grande Mosquée de Paris accueillit la dépouille d'Aboubakar Cissé.

Voulant renouveler le rôle culturel de la Grande Mosquée de Paris, aux côtés de ses activités religieuses, le recteur Chems-eddine Hafiz créa, entres autres événements, le cycle de conférences « Les Mercredis du Savoir » – un rendez-vous qui se poursuit à ce jour – et des journées culturelles consacrées aux cultures musulmanes à travers des villes du monde (Aler, Béjaïa, Istanbul, ....). Il permit aussi d'associer l'institution aux grands rendez-vous culturels de Paris et du pays, notamment la Nuit Blanche (2020, 2023 et 2024) et, pour la première fois, la Fête de la Musique (2024 et 2025). En 2022, le Prix littéraire de la Grande Mosquée de Paris fut lancé pour récompenser, depuis lors, le meilleur roman et le meilleur essai de l'année sur la civilisation de l'islam.

Institution philanthropique, conformément aux valeurs de l'islam, la Grande Mosquée de Paris se vit doter d'une « maison de la miséricorde – Dar Errahma », un nouveau service chargé de venir en aide aux personnes en difficulté. De multiples initiatives solidaires virent alors le jour, notamment durant la période de la pandémie de Covid-19 (2020-23). En 2025, une épicerie solidaire fut ouverte, sous le nom de Dar Errahma, au cœur de Barbès, dans le 18e arrondissement de Paris. Un « Observatoire des Droits » fut également mis à la disposition de celles et ceux qui sont victimes d’injustice et qui ont besoin de mieux connaître et comprendre le droit.

Fidèle à son histoire, la Grande Mosquée de Paris continua à œuvrer en faveur du dialogue interreligieux à travers de nombreux projets et événements. Le 27 février 2022, le recteur fut reçu au Vatican par le pape François. En décembre 2024, il assista à la réouverture de Notre-Dame de Paris, après son incendie en avril 2019. Le 26 avril 2025 au Vatican, à l'invitation du président de la République Emmanuel Macron, il assista aux obsèques de François : quelques semaines plus tôt, le 10 février, il avait été reçu par le pape afin de lui proposer la création d'une rencontre internationale, à Paris, pour la fraternité entre chrétiens et musulmans.

Jouissant d'une histoire particulière avec l'Algérie, pays de naissance de tous les recteurs, la Grande Mosquée de Paris renouvela sa relation avec ce pays, dans le seul but d'agir pour des liens constructifs entre les rives de la Méditerranée. L'initiative la plus emblématique est sans aucun doute le lancement, en 2022 de colonies de vacances estivales en Algérie pour des enfants venus de France et d'autres pays d'Europe. En juin 2024, la Mosquée de Paris permit également l'envoi de 200 personnes âgées en cures thermales en Algérie. Le 19 décembre 2022, le recteur conclut aussi un accord avec les autorités algériennes permettant à la Grande mosquée de Paris d'assurer la certification halal des produits exportés de la France vers l'Algérie. 

Depuis 2020, la Grande Mosquée de Paris n'a cessé de recevoir des personnalités d'envergure nationale et internationale, et de s'inscrire dans l'actualité du pays et du monde, pour apporter la vision de l'islam ancré dans ses plus hautes valeurs de pays, de générosité et d'ouverture. Parmi ces nombreux temps-forts, nous pouvons citer la visite du président de la République Emmanuel Macron pour les célébrations du centenaire de la pose de la première pierre, le 19 octobre 2022, ou le relai de la flamme olympique, le 14 juillet 2024.

« La Grande Mosquée de Paris porte la possibilité non pas simplement d'un Islam en France, fidèle aux valeurs de la République, mais aussi d’un Islam avec la France qui les soutient, et même d'un Islam de France qui les fait grandir en son sein. Veillant tout particulièrement à la plus haute de ce que Victor Hugo appelait les trois marches du perron suprême, la Fraternité ».

 

Extrait du discours du président Emmanuel Macron lors de sa visite le 19 octobre 2022

Les recteurs de la Grande Mosquée de Paris depuis 1926

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