À la découverte d’une église du monde - Notre-Dame de Santa Cruz d'Oran
- Guillaume Sauloup
- il y a 13 minutes
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Dominant la baie d'Oran depuis les hauteurs majestueuses du Djebel Murdjadjo, la chapelle de Notre-Dame de Santa Cruz s'impose dans le paysage, témoin silencieux d'une histoire où la ferveur populaire a côtoyé l'épreuve et le miracle.
Née d'une tragédie, celle de l'épidémie de choléra qui dévasta Oran en 1849, la chapelle est le fruit d'une prière collective et d'une gratitude éperdue. Alors que la ville était frappée d’un mal inexorable, l’abbé Suchet fit hisser une statue de la Vierge au sommet de la montagne. Lors d'une procession poignante, des milliers de fidèles supplièrent Marie d'intercéder. Le ciel répondit à leurs clameurs par des pluies abondantes, et l'épidémie s'éclipsa aussi soudainement qu'elle était apparue.
Pour rendre grâce à ce qu'ils perçurent comme un miracle, les habitants décidèrent d'édifier un sanctuaire : en 1850, la chapelle Notre-Dame de Santa-Cruz vit le jour. Érigée légèrement en contrebas de l'ancien fort espagnol du même nom, elle s'adosse au ciel avec une discrétion émouvante. Son architecture minimaliste et épurée, dénuée d'ostentation, souligne avec finesse la solennité du lieu. Le cloître, suspendu entre le bleu du ciel et l'étendue marine, offre aux regards un écrin de silence et de méditation.

Au sommet du clocher, la statue de la Vierge — surnommée la "Vierge de l'Oranie" — veille sur Oran et ses habitants. Haute de cinq mètres, entièrement en fonte, elle fut restaurée avec minutie lors des travaux entrepris par le diocèse d'Oran avec le soutien d'autorités algériennes et de nombreux mécènes. Ces rénovations, engagées au prix d'un immense dévouement, ont permis de rendre au sanctuaire son éclat premier.
Santa-Cruz n'est pas seulement un monument ; elle est une âme vivante. Dans une Algérie majoritairement musulmane, elle demeure à la fois symbole de foi chrétienne et repère commun pour tous les Oranais, quelles que soient leurs croyances. Sa réouverture, célébrée en mai 2018 lors de la fête de l'Ascension, fut un événement d'une intensité rare. Chrétiens, musulmans, athées, simples curieux se réunirent sous son ombre bienveillante, unis dans un instant de fraternité universelle.
Lieu de mémoire et de convergence, Santa Cruz porte aujourd'hui l'ambition d'être un sanctuaire du "vivre-ensemble". Son esplanade, d'où l'on embrasse d'un seul regard la ville et la mer, est devenue un lieu de promenades autant qu'un havre spirituel. Le nouvel autel consacré lors de sa restauration conserve en son sein les reliques de six églises désaffectées d'Algérie, ainsi qu'un fragment de la chasuble de Mgr Pierre Claverie, évêque martyrisé en 1996.
Santa-Cruz n'est pas un simple vestige du passé ; elle est une promesse d'avenir. "Notre souci, tout au long des travaux, était de faire en sorte que ce lieu puisse toucher le cœur d'autres croyants", rappelait Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d'Oran. Ici, au pied de la Vierge de l'Oranie, les hommes et les femmes, enfants d'un même Dieu, se découvrent fraternels, capables de surmonter les blessures de l'histoire pour bâtir ensemble un chemin d'espérance.
Sous le regard éternel de Notre-Dame de Santa-Cruz, Oran respire encore cette beauté rare : celle d'un lieu où l'histoire, la foi et l'espérance tissent patiemment les fils invisibles d'une humanité réconciliée.

*article paru dans notre magazine Iqra 63
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