Sabil al-Iman (n°68) - Le chemin de la foi
- Guillaume Sauloup
- 4 juin
- 4 min de lecture

« Voici le sentier où l’esprit s’incline,
Sous la tente du Tawhid, la lumière s’illumine. »
Le chemin de la foi ne se mesure ni en pas ni en distance. Il se mesure en abandon, en larmes, en espérance.
Il est simple. Humble. Profond. Et parmi ses sommets, il y a un lieu sacré : ‘Arafat.
1. Arafat : La station de l’effacement
Arafat est le cœur du Hajj. C’est là que tout se joue, là que tout se dénoue.
La station de l’effacement
Arafat est le cœur du Hajj. C’est là que tout se joue, là que tout se dénoue.
C’est une plaine sans mur ni trône, sans couronne ni décor. Juste un peuple debout, habillé de blanc, levé vers le ciel.
Le Prophète ﷺ a dit : « Le Hajj, c’est Arafat. » (Ahmad, Abū Dawoud)
Le jour de Arafat, le neuvième jour de Dhu El-Hijja, est celui où Dieu descend vers Ses serviteurs, témoigne devant Ses anges de leur sincérité, et accorde un pardon collectif comme rarement dans l’année. Il n’y a pas de rite à Arafat, sinon l’allégrance à Dieu.
C’est là que le cœur dépose ses colères, que les yeux apprennent à pleurer, que les mains deviennent prières.
Un exemple contemporain :
Une mère de famille à Paris. Trois enfants, un travail à temps partiel, un mari absent.
Elle ne peut pas partir au Hajj. Mais ce jour-là, le 9 Dhu El-Hijja, elle jeûne.
Elle se lève à l’aube, fait ses ablutions, récite des invocations et pleure.
Elle vit Arafat. Non pas à La Mecque, mais dans le silence de sa cuisine.
Et son hajj est accepté, car Dieu ne regarde ni le lieu ni la distance, mais l’état du cœur.
2. Bilal – Le silence plus fort que l’appel
Dans l’histoire de la foi, il y a des gestes qui ne s’oublient pas.
Bilal El-Ḥabashī était la voix du Prophète ﷺ, son muezzin. Il appelait à la prière avec une intensité inégalée.
Mais après la mort du Bien-Aimé ﷺ, il n’a plus pu prononcer son nom.
Quand Abū Bakr lui demanda de faire l’Adhan, il refusa.
Son cœur ne pouvait plus porter la douleur.
Un jour pourtant, les petits-fils du Prophète ﷺ, El-Hassan et El-Husayn, le lui demandèrent.
Il accepta.
Mais au moment de dire : « Ashhadu Anna Muḥammadan Rasūl Allah », sa voix se brisa.
Il sanglota. Et Médine tout entière pleura.
Ce jour-là, le silence devint prière.
Ce fut son Arafat personnel.
Quand la foi ne passe plus par les mots, mais par les larmes.
Quand l’âme devient plus forte que la voix.
Quel mot trouverais-je pour décrire :
« Sur la plaine d’Arafat, l’égo s’efface,
Ne demeure que l’amour, la lumière et la grâce.
Et parfois, le silence crie plus fort que l’appel,
Comme chez Bilal, l’ami fidèle. »
3. Les dix jours de Dhu El-Hijja : L’appel du cœur
Le mois de Dhu al-Hijja est le douzième mois du calendrier lunaire islamique.
Ses dix premiers jours sont les plus aimés de Dieu, selon de nombreux hadiths.
Le Prophète ﷺ a dit : « Il n’y a pas de jours où les bonnes actions sont plus aimées d’Allah que durant ces dix jours. » (El-Bukhari)
Ces jours appellent à :
•La prière et la concentration,
•Le jeûne du 9ᵉ jour (Arafat),
•L’aumône,
•Le dhikr répété (Allahu Akbar, Lâ ilaha illâ Allah, Al-Hamdou liLlāh…),
•Le retour à l’essentiel.
Ils sont une échelle invisible, comme celles vues par Jacob dans la Bible.
Chaque jour est un degré. Chaque effort est une ascension.
Celui qui ne peut pas partir au hajj, peut tout de même gravir ces marches du cœur.
4. Abraham – Le sacrifice d’aimer jusqu’au bout
Durant ces jours, l’un des plus puissants récits du Coran se fait entendre : celui d’Abraham.
« Mon fils, je vois en songe que je t’immole. Qu’en penses-tu ? »
« Ô mon père, fais ce qui t’est ordonné. Tu me trouveras patient, si Dieu le veut. »
(Sourate 37 : 102-107)
Ce moment est l’un des sommets du tawhid.
Abraham n’offre pas un animal : il offre son attachement, son amour filial, sa sécurité.
Mais Dieu, dans Sa miséricorde, envoie un bélier à la place.
Le message : Dieu veut ton cœur, pas ton sang. Ta soumission, pas ta souffrance.
Aujourd’hui, chacun a un Ismaël à déposer.
Ce peut être une addiction, une injustice à dénoncer, un luxe à abandonner, une relation toxique. Le véritable sacrifice n’est pas de perdre : c’est d’aimer Dieu plus que tout le reste.
5. Les formes du Hajj : Trois voies, une lumière
Il existe trois formes de Hajj :
•Ifrād : uniquement le hajj.
•Tamattuʿ : Omra suivie du hajj.
•Qirān : Omra et hajj dans le même Iḥrām.
Ces formes enseignent que Dieu a ouvert plusieurs voies vers Lui.
Certaines sont simples, d’autres longues.
Mais toutes mènent à Lui, si elles sont accomplies avec sincérité, tawhid, et confiance.
Le pèlerin ne revient pas transformé par la pierre noire ou le marbre blanc.
Il revient parce qu’il a brûlé l’idole de lui-même.
Il est revenu nu de tout, riche de Dieu seul.
« Quand l’âme dépose ses chaînes et ses armes,
Quand elle ne vit plus que pour Son regard, sans vacarme,
Alors s’ouvre le chemin du vrai pèlerin,
Celui qui avance, même sans chemin.
Il n’a ni sac ni bâton ni tente,
Mais il a Dieu, et cela lui est suffisant.
Qu’il soit à La Mecque ou dans son salon,
Son cœur est Ka’ba, son souffle est rançon.
Voici le Sabil El-Iman, le sentier des aimants,
Qu’il pleuve ou qu’il vente, il mène au Tout-Clément. »
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