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Sabil al-Iman (n°74) - Foi sous les balles, prière entre les ruines : l’islam debout à Srebrenica

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Entre les cris et les larmes, quand la terre se fend,

Quand les hommes fuient et que l’humanité se vend,

Une voix s’élève, humble, depuis les abîmes,

Celle d’un cœur croyant, debout dans le crime.

Sous les obus et les ruines, un tapis de poussière,

Un front qui s’incline, un souffle de lumière.

Voici le récit d’une foi qui n’a pas plié,

Quand tout s’est effondré… elle a continué de prier.

 

Juillet 1995 : Srebrenica ou le gouffre de l’humanité

 

Il y a des noms de villes qui résonnent comme des blessures ouvertes. Srebrenica, dans l’est de la Bosnie-Herzégovine, est de ceux-là. Le 11 juillet 1995, dans une enclave pourtant placée sous protection de l’ONU, les troupes serbes de Bosnie ont méthodiquement assassiné plus de 8 000 hommes et garçons musulmans, sous les yeux du monde. Mais dans ce gouffre, un souffle persista : la foi. Dans les forêts où les survivants se cachaient, dans les fossés devenus lieux de prosternation, dans les camps de réfugiés improvisés… le nom d’Allah ne cessa d’être prononcé.


La foi comme dernier refuge

 

Quand les proches disparaissent, quand le toit s’effondre, quand les nations trahissent, il ne reste parfois que Dieu. Les récits abondent de ces veuves de guerre qui, dans les tentes de Tuzla ou les ruelles de Zenica, récitaient les sourates dans le noir. Une femme âgée raconte : « Je lisais la sourate Maryam chaque nuit. Si Dieu a soulagé les douleurs de Marie, Il pouvait apaiser les miennes. »


Le Coran devenait alors non seulement un Livre, mais un bastion de survie. On récitait les versets de la patience, on invoquait Allah dans le silence, comme un appel à la justice et à la miséricorde. « Et ne dites pas de ceux qui sont tués dans le sentier d’Allah qu’ils sont morts. Au contraire, ils sont vivants, mais vous n’en êtes pas conscients. » (Sourate El-Baqara, 2:154)

 

Prier dans les ruines, jeûner malgré la guerre

 

Des témoins rapportent que des hommes jeûnaient même sous les bombardements. Ils priaient dans la neige, se purifiaient avec la rosée du matin. Un ancien soldat bosniaque confie : « Mon bras était en sang, mais j’ai fait le Salât. Si je mourais, je voulais que ma dernière action soit une prière. »


Dans cette guerre où la vie ne valait plus rien, chaque prosternation devenait un acte de dignité, chaque rappel d’Allah une affirmation de l’identité spirituelle.

 

Les mères de Srebrenica : patience et foi comme armure

 

Peut-être nulle part le mot Sabr (patience) n’a-t-il été aussi incarné qu’entre les mains ridées de ces femmes qui ont enterré leurs fils sans cercueil, sans tombe identifiable.


Elles racontent : « Nous n’avions plus de maison, plus d’hommes. Mais nous avions Dieu. Et cela suffisait pour tenir debout. » Elles invoquaient le verset : « Allah ne charge une âme que selon ce qu’elle peut porter. » (Sourate el-Baqara, 2:286).


Dans leur douleur muette, elles devenaient les gardiennes d’un Islam debout, noble, digne, purifié par l’épreuve.


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Les orphelins et la lumière du Coran

 

Parmi les pages les plus bouleversantes de l’après-guerre, figure celle des orphelins devenus hafiz. Sans père, sans abri, sans avenir visible, ils ont trouvé dans le Coran une colonne vertébrale, une direction, une consolation. À Sarajevo, à Zenica, à Novi Pazar, des écoles coraniques ont accueilli ces enfants brisés. Certains ont appris le Livre entier avant l’âge de 15 ans. L’un d’eux, aujourd’hui imam, dit avec une simplicité désarmante : « J’ai grandi sans bras pour m’enlacer, mais avec un Livre pour me guider. »


Ces jeunes hafiz sont devenus les nouveaux minbars vivants de l’islam balkanique. Ils ne parlent pas de vengeance, mais de transmission, de spiritualité, de justice.

Ils sont la réponse silencieuse à la barbarie.

 

L’Islam des Balkans : entre mémoire, paix et reconstruction

 

Contrairement à ce que certains médias suggèrent, l’islam des Balkans n’est pas revanchard. Il n’est pas tourné vers la haine. Il est un islam de reconstruction, de mémoire active, de justice sans rage. Des mosquées ont été rebâties pierre par pierre, comme la Ferhadija à Banja Luka. Des waqfs ont repris vie. Des congrès de jeunes musulmans rassemblent aujourd’hui des milliers d’élèves en hijab ou en qamis, parlant bosnien, albanais, ou turc, mais unis par la même lumière du Livre.


Le Grand Mufti de Bosnie, Hussein Kavazović, le rappelle avec gravité : « Notre mission est de montrer que l’Islam n’est pas un cri de vengeance, mais une voix de paix. Nous avons survécu à la guerre pour transmettre la foi, non pour cultiver la haine. »

 

Ils ont tout perdu, sauf l’essentiel : leur foi,

Le Nom d’Allah gravé dans l’ombre et l’effroi.

Quand les tombes s’alignaient comme des versets muets,

Le Coran continuait à jaillir, pur et vrai.

Srebrenica est une plaie, mais aussi une lumière,

Là où la foi s’est tenue droite, digne et fière.

Entre ruines et silence, des prières montaient,

Et c’est là, dans les cendres, qu’un peuple renaissait.


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*Article paru dans le n°74 de notre magazine Iqra.



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