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Résonances abrahamiques (n°3) - Des chrétiens au service du bien commun

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Par Raphaël Georgy

Malgré le recul du christianisme en Occident, les catholiques américains et les protestants français se distinguent par un engagement social très élevé, selon deux études récentes.


Publiée en janvier 2025, l’enquête réalisée par l’IFOP et commandée par la Fédération protestante de France n’a pas fini de faire parler. Les courants évangéliques représentent désormais une majorité des protestants pratiquants en France, alors que la proportion des luthériens et réformés recule. Mais bien que les protestants ne représentent que 3 % de la population française, l’étude révèle un engagement associatif et politique supérieur à la moyenne. 38 % des protestants disent être engagés comme bénévoles, contre seulement 22 % des Français en général selon l’enquête European Values Studies de 2018. De plus, l’engagement social est fortement corrélé à la pratique religieuse. 


Parmi les protestants qui fréquentent le culte hebdomadaire chaque semaine, 67 % sont bénévoles, contre 13 % parmi ceux qui n’y participent jamais. Plus les protestants lisent souvent la Bible, plus ils soutiennent des œuvres sociales protestantes en donnant de leur temps ou de leur argent. Ceux qui disent ne jamais lire la Bible sont 73 % à ne soutenir aucune œuvre protestante ; alors que la moitié de ceux qui la lisent au moins une fois par semaine soutiennent au moins quatre œuvres sociales protestantes.


Ce n'est donc pas l'affiliation protestante en soi qui est le principal moteur de l'engagement, mais plutôt l'intensité de la pratique et la nature de la communauté religieuse. Le protestantisme évangélique, souvent caractérisé par des exigences de conversion personnelle, une forte cohésion communautaire et une lecture assidue de la Bible, semble générer un niveau d'implication sociale et civique particulièrement élevé. Il peut être compris comme une manière de construire une communauté visible et de traduire des convictions religieuses en actions concrètes au sein de la société civile.


Le fait que l'engagement des évangéliques français soit trois fois supérieur à celui des catholiques, groupe historiquement majoritaire, indique que la dynamique de l'engagement est moins liée au poids démographique d'une religion qu'à l'intensité de l'implication de ses membres. Pourtant, l’exemple des États-Unis montre que les catholiques, minoritaires, sont également très engagés.


Dans une note publiée en juin 2025, le Pew Research Center montre que la fréquence de l’assiduité à la messe est un puissant prédicteur de l’engagement social et communautaire aux États-Unis. Parmi les catholiques qui assistent à la messe chaque semaine, 51 % sont soit bénévoles dans leur paroisse, soit participent à d'autres activités paroissiales (telles que des groupes de prière ou des repas communautaires). Ce chiffre est plus du double de la moyenne de l'ensemble de la population catholique américaine, où seulement 22 % déclarent une telle implication.   


Au-delà de la vie paroissiale, l'engagement social catholique est profondément ancré dans sa doctrine. Un concept central est l'importance de “travailler pour aider les pauvres et les nécessiteux”, que 47 % des catholiques américains considèrent comme une partie essentielle de leur identité catholique. Cette conviction fournit une motivation théologique puissante à l'action sociale.


En Europe, le courant du “catholicisme social” a historiquement affirmé que l'engagement social était une conséquence directe de la foi, résumé par la formule “sociaux parce que catholiques”. Cette tradition a donné naissance à des organisations influentes, des syndicats et des mouvements politiques qui ont façonné le paysage social de nombreux pays. De même, dans des contextes différents, comme en Amérique latine, la théologie de la libération a cherché à mobiliser directement le clergé et les laïcs dans les luttes pour la justice sociale, démontrant la capacité de la foi catholique à inspirer une action politique et sociale radicale.


Mais les tendances démographiques dans le monde occidental posent des défis à long terme au modèle d'engagement centré sur la paroisse. Aux États-Unis, seulement 28 % des catholiques assistent à la messe chaque semaine, et le nombre de personnes quittant la foi est significatif, l'Église catholique connaissant les pertes nettes les plus importantes. L'érosion de la pratique institutionnelle menace non seulement la vitalité spirituelle de l'Église, mais aussi sa capacité à fonctionner comme une infrastructure civique. La diminution de la vie paroissiale pourrait entraîner un déclin mesurable du bénévolat local et des systèmes de soutien communautaire, créant un vide que les organisations laïques pourraient avoir du mal à combler.



*Article paru dans le n°82 de notre magazine Iqra.



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