Le Coran m’a appris (n°20) - La construction du vivre-ensemble
- Guillaume Sauloup
- il y a 3 heures
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Par Cheikh Khaled Larbi
Sous la lumière du Livre, les cœurs se reconnaissent. Entre les versets, l’humanité s’adresse à elle-même : ni race, ni clan, ni frontière, mais des visages que Dieu a voulus différents, afin qu’ils se rencontrent, non qu’ils s’affrontent. Le Coran n’a pas révélé un peuple élu, mais une humanité appelée. Il n’a pas fait des croyants des gardiens de murs, mais des bâtisseurs de ponts. Et dans ce monde éclaté, le Coran murmure encore : « Connais ton frère, avant de le juger ; parle-lui, avant de le craindre ; écoute-le, avant de t’enfermer. » C’est cela, le vivre-ensemble que le Coran enseigne : une fraternité éclairée, où chaque différence devient une leçon divine.
Le Coran, livre du lien et non du repli
Le premier verset qui fonde la vision coranique du vivre-ensemble est universel :
« Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus afin que vous vous connaissiez. »
Sourate 49 :13
Cette parole sublime pose les bases d’une éthique de la reconnaissance. Elle ne nie pas les différences, elle les éclaire. La diversité n’est pas une menace, mais une volonté divine.
Chaque culture, chaque langue, chaque visage est un verset vivant du grand Livre de la création. Le Coran ne s’adresse donc pas seulement aux musulmans : il parle à l’Homme, à l’être pensant, à la conscience universelle.
Loin de prêcher l’entre-soi, il invite à la rencontre, à la découverte mutuelle, au dialogue sincère. C’est pourquoi la révélation coranique multiplie les appels à la connaissance mutuelle (taʿaruf), au respect du pacte social (ʿahd), et à la justice envers ceux qui diffèrent (Adl).
Ainsi, être croyant, c’est d’abord honorer la différence, non pas comme une épreuve, mais comme une mission : celle d’en faire une richesse et non un conflit.
Le Prophète ﷺ, modèle du dialogue et de la coexistence
Le vivre-ensemble coranique prend corps dans la vie du Prophète ﷺ.
À Médine, il fonde une société plurielle : musulmans, juifs, chrétiens, polythéistes y vivent sous une même charte. C’est la Constitution de Médine, considérée par beaucoup d’historiens comme le premier pacte civique de coexistence religieuse.
Ce texte de treize siècles avant les constitutions modernes proclamait déjà : « Les juifs ont leur religion, les musulmans la leur. Ils forment ensemble une seule communauté, contre toute injustice. »
Le Prophète ﷺ n’a jamais réduit autrui à sa croyance ; il l’a regardé comme un être digne, porteur d’une parcelle de la vérité. Il dialoguait avec les chrétiens de Najran, recevait leurs délégations à la mosquée, et leur laissait le droit d’y prier à leur manière.
C’est là un enseignement immense : la foi la plus forte est celle qui n’a pas peur du dialogue.
Le Coran ne demande pas au croyant de dominer, mais de comprendre ; non d’imposer, mais de témoigner.
La Da’wa (invitation à Dieu) est un appel du cœur, jamais une contrainte !
Les versets du vivre-ensemble : un code spirituel et social
Le Coran n’enseigne pas seulement la prière ; il enseigne aussi la coexistence.
On y trouve des versets de fraternité, de justice, d’équité, de respect des engagements et de miséricorde sociale.
Voici quelques exemples majeurs :
« Dieu vous ordonne d’être équitables et bienfaisants. »
S. 16, v. 90
« À vous votre religion, et à moi la mienne. »
S. 109, v. 6
« Nulle contrainte en religion. »
S. 2, v. 256
« Appelle (les hommes) vers ton Seigneur avec sagesse et belle exhortation. »
S. 16, v. 125
Ces versets dessinent une éthique de la coexistence, où la foi devient facteur d’équilibre, et non de rupture.
Le Coran et la société plurielle d’aujourd’hui
Dans la France contemporaine, marquée par la diversité culturelle et spirituelle, le message coranique trouve une résonance singulière. Nos quartiers, nos écoles, nos hôpitaux, nos lieux de travail sont des microcosmes du monde.
La manière dont nous y vivons ensemble dit quelque chose de notre compréhension du Coran.
Être musulman dans une société plurielle, ce n’est pas se renfermer, mais rayonner.
C’est transformer la différence en dialogue, et la foi en service.
Un jeune croyant qui aide un camarade en difficulté, une infirmière voilée qui soigne sans distinction, un enseignant musulman qui transmet la valeur du respect, voilà le Coran vivant, incarné.
Le vivre-ensemble coranique n’est pas une théorie, c’est une éthique du quotidien : un sourire, une main tendue, une écoute.
Le Prophète ﷺ disait : « Le croyant n’est pas celui qui prie beaucoup, mais celui dont les gens sont à l’abri de sa langue et de sa main. »
Le Coran comme école de fraternité universelle
Le Coran invite à dépasser les appartenances ethniques, linguistiques, politiques, pour reconnaître en chacun le Khalifa, le dépositaire de la dignité humaine.
« Nous avons honoré les fils d’Adam. »
S. 17, v. 70
Cette dignité n’est pas conditionnée par la foi, elle est donnée à tout être humain.
C’est pourquoi le vrai croyant ne méprise jamais celui qui ne croit pas : il l’écoute, il dialogue, il apprend. Il sait que la vérité ne se proclame pas par la force, mais qu’elle s’éclaire par la bonté. Dans le monde actuel, où les tensions identitaires montent, le Coran offre un souffle d’universalité.
Il apprend au musulman à être un artisan de paix, à commencer dans sa propre rue, son école, sa famille.
Pour les jeunes musulmans de France : une responsabilité spirituelle
Les jeunes générations musulmanes grandissent dans un monde d’écrans, de réseaux, de débats, où les discours se heurtent plus qu’ils ne s’écoutent.
Mais ils ont une chance immense : celle de pouvoir faire dialoguer deux héritages, celui du Coran et celui de la République. Leur mission n’est pas de choisir entre l’un et l’autre, mais de les unir dans une fidélité éclairée.
Qu’ils lisent le Coran comme un livre de vie, et la société française comme un champ d’action.
Ils peuvent devenir les nouveaux témoins du vivre-ensemble : en alliant prière et engagement, spiritualité et citoyenneté, fierté identitaire et ouverture universelle.
Car le vrai courage n’est pas de s’opposer à la société, mais d’y apporter sa lumière.
Le Coran n’est pas un livre du passé, c’est une parole qui chemine dans nos pas. Il n’unit pas les peuples par la contrainte, mais par la connaissance et la bonté.
Le vivre-ensemble qu’il prêche n’est pas une utopie, c’est une adoration quotidienne.
Être croyant, c’est aimer sans calcul, écouter sans juger, servir sans attendre.
Et quand la foi descend dans le cœur, elle éclaire la cité tout entière.
Alors oui, le Coran m’a appris que la foi n’est vraie que lorsqu’elle devient fraternité !
*Article paru dans le n°82 de notre magazine Iqra.
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