L'éducation, en Islam, est considérée comme l'un des piliers fondamentaux de la dignité humaine et du développement spirituel et intellectuel. Dès les premiers versets révélés au Prophète Mohamed (paix et bénédictions sur lui), l'importance de la connaissance est mise en lumière à travers l'invitation divine à «lire » et à apprendre. Loin de se limiter à la simple transmission des savoirs, l'éducation, telle qu’enseignée dans le Noble Coran, englobe la formation morale et éthique, tout en valorisant la recherche de la vérité et l'exploration du monde. Ainsi, l'éducation devient un devoir sacré, une voie d'épanouissement personnel et une responsabilité envers la société.
Le sens profond de l'éducation dans le Coran
Il convient de souligner ici que le Prophète de l'Islam n'a pas atteint la première place dans l'histoire par le seul savoir et l'enseignement, mais également par ses hautes valeurs morales et sa noble éducation divine. Combien d'érudits renommés n'ont pas atteint de tels sommets parce que leur éthique n'a pas été transmise à travers l'histoire, permettant aux générations de la connaître. En d'autres termes, l'élévation des hommes et des nations repose sur l'alliance du savoir et de l'éthique, car les nations se mesurent à leurs valeurs morales. Lorsque celles-ci disparaissent, ces nations disparaissent également.
Le thème de l’éducation impose une analyse non seulement des aspects religieux et spirituels, mais aussi des implications morales et intellectuelles de l'apprentissage et de la quête du savoir dans une perspective coranique. Le thème est clair et efficace pour présenter un sujet qui aborde l'importance de la connaissance en Islam et son rôle dans l'évolution de l'individu et de la société, tout en soulignant que l'éducation ne se limite pas à la simple acquisition de savoirs, mais qu'elle touche aussi à la formation du caractère et à la sagesse. L'éducation, selon le Coran, est une voie vers la purification de l'âme et le développement d'une société plus juste et éclairée, fondée sur les principes de vérité, de justice et de solidarité. Les cinq premiers versets révélés au Prophète Mohamed (paix et bénédictions sur lui) au début de la révélation, soulignent l'importance du savoir et l'obligation de le rechercher, comme il est dit dans le verset « Lis au nom de ton Seigneur qui a créé (toute chose), qui a créé l'homme d'une adhésion. Lis ! Ton Seigneur est le Très Noble, qui a enseigné par la plume, a enseigné à l'homme ce qu'il ne savait pas. » (La sourate Al-Alaq, versets 1-5).
Ces versets rappellent le début de la création de l'homme à partir d'une simple goutte, et la grande générosité de Dieu qui a enseigné à l'homme ce qu'il ne savait pas. Il a ainsi honoré et rendu digne l'humanité par la connaissance, un privilège qui a distingué des anges, le premier être humain : Adam. L'Islam incite ses adeptes à redoubler d’efforts dans l'acquisition du savoir.
Le Prophète Mohamed (paix et bénédictions sur lui) a dit : « Celui qui emprunte un chemin à la recherche d'un savoir, Allah lui facilite par cela le chemin du paradis. Les Anges recouvrent de leurs ailes celui qui recherche le savoir, en signe de satisfaction pour ce qu'il fait. Tous ceux qui sont dans les cieux et sur la terre, même les poissons dans l'eau, demandent pardon pour lui. Le mérite du savant par rapport à l'adorateur est comme celui de la lune par rapport aux autres étoiles. Et certes les savants sont les héritiers des prophètes ; les prophètes n'ont pas laissé en héritage des dinars ou des dirhams, mais ils ont laissé la science. Quiconque s'empare de cet héritage, a certes recueilli une part de bien considérable. » (Rapporté par Abou Daoud dans ses Sounan n°3641)
Les compagnons du Prophète (qu’Allah les agrée) ont, quant à eux, exprimé dans leurs paroles et recommandations, la grande valeur du savoir. Parmi les enseignements rapportés, on trouve celui de l'imam Ali (qu'Allah l'agrée) qui mentionne : « Le savoir est meilleur que la richesse. Le savoir te protège, tandis que tu dois protéger la richesse. Le savoir est un juge, tandis que la richesse est jugée. La richesse diminue par les dépenses, tandis que le savoir augmente par l'investissement. ». Bien que ce récit ne soit pas authentique et soit simplement attribué à l'Imam Ali, son sens demeure véridique. C'est d'ailleurs le cas de nombreuses paroles qui sont rapportées des Compagnons, y compris l'Imam Ali. Nous le mentionnons dans cet article en raison de la justesse de son contenu.
Les livres de la biographie des compagnons du Prophète (que Dieu les agrée tous) mentionnent leur grand intérêt à participer aux cercles d'enseignement. Il est bien connu que l'Islam n'a pas fixé d'âge précis pour l'acquisition du savoir.
L’islam et la promotion du système éducatif
« ... Et au-dessus de tout homme
détenant une science, il y a un savant plus docte que lui. »
SOURATE YUSUF, VERSET 76
Cela signifie que la quête du savoir et son perfectionnement doivent durer toute la vie de celui qui apprend, car il doit être convaincu que, quel que soit son niveau de connaissance, il existe toujours quelqu'un qui en sait plus que lui. Il n'y a pas de meilleure exhortation pour encourager les musulmans à cultiver leur savoir que ce verset, ainsi que celui mentionné précédemment : « Et dis : Ô mon Seigneur, accroît mes savoirs ! » (Taha, verset 114)
En outre, la connaissance est un critère clé pour choisir les personnes les plus qualifiées dans différents domaines, comme le montre l'exemple de la nomination de Talout « طالوت« par Dieu, en tant que roi de son peuple. Bien que ce dernier ait espéré un dirigeant doté d'une grande richesse, Dieu a préféré celui qui était supérieur en savoir et en force physique. Cela est clairement expliqué dans le verset coranique suivant : « Et leur prophète leur dit : Voici qu'Allah vous a envoyé Talout pour roi. Ils dirent : « Comment régnerait-il sur nous ? Nous avons plus de droit que lui à la royauté. On ne lui a même pas prodigué beaucoup de richesses ! II dit : Allah, l'a vraiment élu sur vous, et a accru sa part quant au savoir et à la condition physique ». Et Allah alloue Son pouvoir à qui Il veut. Allah a la grâce immense et Il est Omniscient ». (Sourate Al-Baqara, verset 247). Nous comprenons de cette histoire que l'augmentation du savoir est le meilleur critère pour choisir les responsables, et leur confier des responsabilités.
Les paroles du Prophète (paix et bénédictions sur lui) sur le savoir confirment ce qui est mentionné dans le Coran et renforcent la grandeur de la science en Islam. Parmi ces paroles on trouve le hadith : « La quête de la connaissance est une obligation pour tout musulman » (rapporté par Ibn Majah). Ce hadith montre que la quête du savoir est une obligation qui peut être individuelle, ou collective. De plus, ce hadith s'adresse aussi bien aux hommes qu'aux femmes, comme le montre la formulation du discours arabe clair, et notre noble législation affirme que « Les femmes sont les semblables des hommes. » Le sens de « les semblables des hommes » est qu’elles sont leurs égales et leurs semblables dans les vertus et les dispositions naturelles, comme si elles avaient été créées à partir d'eux. En effet, Hawa (Ève) fut créée à partir d’Adam (que la paix soit sur eux).
L'émergence des institutions éducatives dans la civilisation arabo-islamique
L'intérêt des musulmans pour les écoles a commencé à l'époque prophétique, lorsque le Prophète Mohamed (paix et bénédictions sur lui) a fait de la mosquée un lieu d'apprentissage et de prière. Dès qu'une mosquée était fondée, l'enseignement y débutait immédiatement. Le Prophète envoyait des lecteurs du Coran dans les tribus afin de leur enseigner les versets, si bien que l'éducation se propageait dans toutes les régions. Les enseignants itinérants menaient une vie simple, empreinte de satisfaction et de modestie.
À Médine, à l'époque du Prophète (paix et bénédictions sur lui), il y avait neuf mosquées, et la première école fondée en 622. L'idée d'intégrer des écoles pour l'apprentissage se répandit rapidement, notamment à Cordoue où, au VIIIe siècle, des centaines d'écoles existaient déjà. À la fin du IXe siècle, presque chaque mosquée ouvrait une école primaire, ouverte aussi bien aux garçons qu'aux filles. Les enfants commencèrent leur instruction primaire vers l'âge de six ans, incluant parfois les filles et les enfants d'esclaves (à l'exception des riches qui avaient des enseignants privés).
L'enseignement était gratuit ou à faible coût pour être accessible à tous. Lors des premiers cours, les élèves apprenaient les 99 noms d'Allah, ainsi que des versets, et de courtes sourates du Coran, auxquelles s'ajoutaient des leçons de calcul. Cela signifie que dans les écoles de cette époque, les élèves ne se limitaient pas à l'étude religieuse, mais recevaient également un enseignement en mathématiques.
Avec le temps, des écoles ont vu le jour en dehors des mosquées, dans tout le monde islamique, et elles ont eu un impact important sur l'épanouissement scientifique et culturel. Ces établissements ne se limitaient pas à la transmission du savoir religieux, mais intégraient aussi des sciences variées telles que la philosophie, l'astronomie, les mathématiques, et la médecine, reflétant ainsi un système éducatif holistique. Les maisons du savoir comme la Maison de la Sagesse « دار الحكمة« , les bibliothèques, et les académies ont, elles aussi, ouvert leurs portes à l’éducation.
Les écoles « les madrasas » se sont également distinguées par leur architecture, qui reflétait les valeurs et les besoins de la société islamique. Typiquement, elles comprenaient des espaces pour la prière, des cours intérieurs ouverts permettant une ventilation naturelle, des salles de classe, des chambres pour les enseignants et les élèves, ainsi que des bibliothèques pour la consultation des ouvrages. La conception de ces écoles mettait souvent l'accent sur l'orientation vers la Kaaba « la qibla » soulignant ainsi leur ancrage dans la spiritualité islamique.
Malgré le fait que l’édification des écoles, au sens où nous l'entendons aujourd'hui, ait tardé à apparaître dans le monde arabe, le cadre éducatif basé sur des valeurs éthiques et morales est profondément enraciné dans la tradition islamique. Les savants et enseignants jouaient un rôle important non seulement en transmettant le savoir, mais aussi en inculquant des principes éthiques, illustrant ainsi l'importance du savoir et de la relation respectueuse entre enseignant et élève. Le Prophète Mohamed (paix et bénédictions sur lui) a souligné l'importance de l'apprentissage en génétique, et que la recherche de la connaissance est une obligation pour chaque musulman. Cette vision a établi des bases solides pour une éducation équilibrée, qui cherche à élever l'individu.
L'éducation vue par Al-Jahiz
Abou Uthman Amr ibn Bahr al-Kinani al-Basri (776-869). Son œuvre la plus connue, "Kitab alHayawan". Un fervent défenseur de l'importance du savoir et de l'éducation. AlJahiz a joué un rôle clé dans la diffusion de la culture arabe, en insistant notamment sur la valeur des livres comme outils de transmission de la sagesse et des connaissances à travers les générations. Selon lui, les livres étaient des maîtres silencieux, toujours disponibles pour instruire sans jamais exiger de contrepartie. Il les considérerait comme des trésors qui non seulement enrichissent l'esprit, mais procurent également du plaisir et de la satisfaction à ceux qui s'y plongent.
Les livres jouissaient d'un statut élevé et distingué, à l'époque abbasside. Al-Jahiz, grand érudit de cette période, plaçait le livre en position égale, voire supérieure à celle du maître, en lui attribuant la même fonction. Il affirmait que le livre est « l'enseignant qui, si tu en as besoin, ne te décevra pas, et même si tu cesses de lui payer un salaire, il ne cessera de t'apporter des bénéfices. »
Selon Al-Jahiz, les livres affûtent l'esprit, le guérissent, le corrigent et l'épurent, en éloignant de lui ce qui est mauvais. Leur valeur ne se limite pas seulement à l'enseignement, mais s'étend également à l'enrichissement psychologique et moral, grâce à leur capacité à procurer un plaisir littéraire et artistique, tout en remplissant l'âme de ce qui est beau et précieux.
Al-Jahiz souligne l'importance de l'éducation pour la prospérité des nations et l'accomplissement de tout progrès civilisationnel. A cet éggard, il estime que cela repose sur des éléments essentiels tels que la stabilité politique, la liberté intellectuelle, ainsi que la vitalité du mouvement scientifique, qui est elle-même liée à l'activité des savants et à l'engagement des étudiants. Ces facteurs sont interdépendants, chacun soutenant l'autre, et interagissent avec diverses activités sociales et économiques, notamment les cercles d'études, les méthodes d'écrit…
En somme, l'éducation, dans sa forme la plus pure et la plus profonde, est l'une des pierres angulaires du développement individuel et collectif. Si elle s'est inscrite dans la tradition arabe, enrichie par des figures que nous allons évoquer dans nos prochaines éditions telle que Ibn Khaldoun -qui a abordé dans sa « Moukadima » la question de l’éducation-, c'est parce qu'elle représente bien plus qu'un simple transfert de connaissances. Elle est un vecteur de valeurs éthiques, un moteur de réflexion critique et une source de sagesse universelle. À travers l'histoire, les sociétés qui ont investi dans l'éducation ont toujours été celles qui ont su prospérer, innover et se transformer. Aujourd'hui plus que jamais, il est impératif de redonner à l'éducation son rôle central dans nos vies, en veillant à ce qu'elle soit accessible, équitable et capable de répondre aux défis contemporains.
*Article paru dans le n°35 de notre magazine Iqra.
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