Le Coran m’a appris (n°14) - Que l'univers te parle
- Guillaume Sauloup
- 24 juil.
- 4 min de lecture

« Et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus pour que vous vous connaissiez »
Sourate El-Houjourat, verset 13
Sillonne, contemple, interroge… Et dans le silence des routes, écoute.
L’univers te parle, les peuples t’invitent, et chaque pas vers l’autre est un pas vers Toi, Ô Dieu unique.
Quand le voyage devient prière
« Parcourez la terre et voyez ce qu’il est advenu de ceux qui vous ont précédés. »
(El Imran, 3:137)
Ce verset n’est pas une simple incitation au tourisme : c’est une invitation à la contemplation, à la prise de recul, à la sagesse. Le Coran fait du voyage un acte de lucidité et de transcendance. Il ne s’agit pas seulement de traverser des terres, mais de traverser les cœurs, les histoires, les vies passées, les épreuves humaines, et surtout, de se découvrir soi-même à travers l’Autre.
Dans notre époque pressée, le voyage se fait souvent selfie. Le monde devient décor, les peuples des figurants. Mais le Coran nous propose un autre regard : voyager pour « voir », au sens spirituel du terme, voir les signes de Dieu éparpillés dans l’humanité.
Du déplacement géographique au déplacement intérieur
« Le croyant est comme la pluie : partout où il passe, il apporte du bien. »
(Hadith rapporté par Tabarani)
Le Prophète ﷺ, lui-même, a vécu l’exil, la hijra, le déracinement, mais jamais sans sens. Le déplacement est un moment de conversion intérieure. Il t’extirpe de tes habitudes, de tes certitudes, de ton ego. Voyager, c’est perdre ses repères pour retrouver son centre. Le Coran nous enseigne que changer de lieu, c’est surtout changer de regard.
Ibn Batouta, le pèlerin des mondes
Ibn Batouta n’était pas un simple touriste du XIVe siècle. Il était explorateur, juriste, pèlerin, ambassadeur de civilisations. Il traversa l’Afrique, l’Arabie, l’Inde, la Chine. Mais au fond, il cherchait le signe de Dieu dans la diversité des peuples. Il n’était pas curieux des monuments, mais avide de rencontres humaines. Son regard était coranique : chaque peuple est un miroir de la création.
Il a vécu le verset : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus, pour que vous vous connaissiez.” (49 :13)
La connaissance de l’autre n’est pas un danger, c’est une ascension. Un appel à se reconnaître dans l’altérité, à aimer dans la différence, à servir malgré la distance.
Fajr au bord du lac
Un frère me raconta un jour : « En vacances, je me suis levé avant l’aube, j’ai fait mes ablutions dans la fraîcheur d’un camping endormi. J’ai prié le Fajr face à un lac immense, et j’ai pleuré. C’était la première fois que je sentais que la nature me parlait… Et j’ai entendu en silence : "Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ?" (Sourate ar-Raḥmān) ».
Ce n’était pas un simple lever de soleil. C’était un rendez-vous avec Dieu.
Ce n’était pas du repos. C’était une résurrection.
Le Coran lui avait ouvert les yeux sur l’invisible : les arbres qui se prosternent, les ruisseaux qui chantent, les oiseaux qui invoquent. Il avait découvert la vraie fonction du voyage : goûter la présence de Dieu à travers Sa création, et se sentir petit devant l’immensité de Ses signes.
L’altérité comme miroir
Voyager, ce n’est pas seulement partir loin, c’est oser aller vers ceux qui ne nous ressemblent pas. Le Coran n’a jamais fait l’éloge de l’uniformité. Il parle des peuples, des langues, des couleurs comme autant de signes de la sagesse divine : « Parmi Ses signes : la diversité de vos langues et de vos couleurs. » (30 :22)
Le musulman n’est ni xénophobe, ni cosmopolite déconnecté : il est celui qui relie. Il écoute, il apprend, il échange, sans se dissoudre ni rejeter. Le Coran m’a appris que chaque visage porte une trace de Dieu, même celui que je ne comprends pas. Même celui qui prie autrement, ou pas du tout. L’altérité est une chance.
Le Coran, boussole de l’âme en voyage
Le Coran ne m’a pas appris à prendre l’avion, il m’a appris à m’élever.
Il ne m’a pas incité à visiter le monde, mais à m’en émerveiller.
Il ne m’a pas parlé de vacances, mais de rencontres.
Il ne m’a pas montré des paysages, mais des versets vivants.
Il ne m’a pas seulement appris à partir, mais à revenir meilleur.
Le Coran m’a appris que le monde est un Livre,
Que les peuples sont des lettres, et les langues des signes subtils.
Il m’a appris que l’étranger est une question, et que l’accueil est une réponse.
Que la route est un rappel, et que chaque détour est un retour à l’essentiel.
Voyager, c’est prier en marchant. Aimer en apprenant. Et voir en croyant.
Le Coran m’a appris… que chaque horizon cache un verset,
Chaque visage un message,
Et chaque détour un rappel.
*Article paru dans le n°75 de notre magazine Iqra.
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