Sous les voûtes majestueuses de la Conférence des évêques de France, une cérémonie émouvante s’est tenue ce 12 septembre 2024. Chems-Eddine Hafiz, Recteur de la Grande Mosquée de Paris, y a prononcé une allocution vibrante lors de la célébration des 50 ans du Service National, pour les Relations avec les Musulmans (SNRM). Ses paroles, emplies de gravité et d’espoir, ont rappelé que ce dialogue entre chrétiens et musulmans, initié il y a un demi-siècle, n’a jamais été aussi crucial.
Son discours n’était pas une simple déclaration protocolaire. Il incarnait l’essence même d’une quête commune : celle de la fraternité au-delà des croyances, des frontières et des divisions. « Nos prédécesseurs ont entamé ce chemin, celui d’accepter nos différences tout en découvrant nos ressemblances », a-t-il déclaré, invoquant la force du message du Concile Vatican II, et plus précisément la déclaration Nostra Aetate, qui a marqué un tournant dans les relations interreligieuses. Cette déclaration reconnaît en l'Islam une foi digne de respect, et appelle à un dialogue fraternel entre musulmans et chrétiens.
Mais au-delà des mots, il y a les actes. Au cœur de ce dialogue historique se trouvent des exemples marquants d’échanges entre le Vatican et les leaders musulmans. Le Comité Permanent pour le Dialogue avec l’Université d’Al-Azhar, l’une des plus hautes institutions sunnites, en est un exemple vibrant. Depuis les années 1980, ces échanges ont permis de tisser des liens indéfectibles, culminant avec la signature en 2019 de la Déclaration sur la Fraternité Humaine entre le Pape François et le Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad al-Tayyeb. Cette déclaration, bien plus qu’un simple document, est une feuille de route pour l’avenir des relations islamo-chrétiennes : elle appelle à la paix et à la coexistence, tout en rejetant catégoriquement la violence au nom de la religion.
Le Forum Islamo-Catholique, créé en 2008, poursuit cet objectif, rassemblant des érudits des deux religions pour discuter de théologie, mais aussi des enjeux sociétaux cruciaux, tels que la lutte contre le radicalisme religieux. Ces rencontres ne sont pas seulement des dialogues abstraits, mais des tentatives concrètes de construire un avenir commun où les religions ne divisent plus, mais rassemblent.
Chems-Eddine Hafiz n’a pas manqué de saluer ces efforts et d’exprimer sa reconnaissance à l’égard de l’Église de France, particulièrement en ces « mois difficiles » pour les musulmans, marqués par des tensions identitaires et des menaces sur la coexistence religieuse. Son appel à la solidarité résonne comme un écho aux paroles du Pape François, qui, lors de son récent voyage en Indonésie, pays à majorité musulmane, a réaffirmé la nécessité du dialogue interreligieux pour dissiper les préjugés et instaurer un climat de confiance et de respect.
Dans un monde où les discours de haine et les divisions semblent prendre le dessus, ces initiatives résonnent comme des lumières dans l’obscurité. Le Centre International pour le Dialogue Interreligieux et Interculturel (KAICIID), auquel le Vatican participe en tant qu’observateur, en est un autre exemple marquant. Fondé en 2012 à Vienne, ce centre réunit des représentants de diverses confessions pour lutter contre les discours de haine et promouvoir la réconciliation. Loin des projecteurs, ces rencontres façonnent un avenir où chrétiens et musulmans, unis par une foi commune en l’Humanité, œuvrent ensemble pour un monde plus juste.
Chems-Eddine Hafiz a conclu son allocution en invoquant « notre foi commune en Dieu » et en appelant à cultiver « les valeurs humanistes » qui sont au cœur de ces deux grandes religions. Ce discours, plus qu’une célébration du passé, est une déclaration d’intention pour l’avenir. Il appelle à poursuivre ce chemin, à surmonter ensemble l’intolérance et la violence, et à faire vivre la fraternité islamo-chrétienne non pas comme un idéal lointain, mais comme une réalité tangible, ancrée dans l’action quotidienne de chacun.
Cette fraternité, dont les racines sont profondes et les branches largement déployées, porte en elle l’espoir d’un monde où les croyants de toutes confessions, main dans la main, bâtiront une société fondée sur la paix, le respect et la solidarité. Au cours des dernières années, la fraternité islamo-chrétienne a pris une dimension internationale sans précédent, s’ancrant non seulement dans les discours, mais aussi dans des actions concrètes qui unissent des millions de croyants à travers le monde. Le Pape François, figure clé de cette dynamique, s’est distingué par son engagement actif pour promouvoir cette fraternité. En 2019, l’un des moments les plus marquants a été la signature de la « Déclaration sur la Fraternité Humaine » à Abu Dhabi avec le Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad al-Tayyeb. Ce document historique appelle à la paix mondiale et à la coexistence, rejetant toute forme de violence religieuse et de haine. Ce geste a marqué une étape cruciale dans l’histoire du dialogue islamo-chrétien, en cimentant une alliance symbolique et pratique entre deux des plus grandes confessions religieuses.
De même, des initiatives comme le Centre International pour le Dialogue Interreligieux et Interculturel (KAICIID), co-fondé par l’Arabie Saoudite avec le Vatican comme observateur, ont joué un rôle pivot dans la promotion de ce dialogue. En participant activement à des discussions avec des leaders religieux du monde musulman, le Vatican a renforcé sa position en tant que pont entre les communautés. Le KAICIID a ainsi permis la tenue de forums internationaux sur la réconciliation et la lutte contre la haine religieuse, soulignant l’importance de l’unité et de la compréhension mutuelle dans un monde marqué par les tensions religieuses.
Les relations islamo-chrétiennes ont également été dynamisées par des événements marquants comme le récent voyage du Pape François en Indonésie, pays à majorité musulmane, où il a insisté sur l’importance du dialogue interreligieux pour créer un climat de respect et de confiance. Ce déplacement a non seulement renforcé les liens entre chrétiens et musulmans, mais a aussi rappelé que la lutte contre les préjugés et la haine religieuse nécessite des efforts conjoints et constants.
Ainsi, ces dernières années ont vu naître une véritable fraternité au niveau international, où la religion devient un vecteur de paix et d’entraide, plutôt qu’un facteur de division. Les efforts conjoints du Vatican et des leaders musulmans à travers ces initiatives montrent qu’il est possible, même dans un monde en proie à des conflits identitaires, de construire un avenir basé sur le respect, la tolérance et la solidarité.
*Article paru dans le n°31 de notre magazine Iqra.
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