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Sabil al-Iman (n°39) - L'inhumation d'un défunt musulman



Parmi les principes les plus nobles de la législation islamique et les manifestations de sa perfection, se trouve le respect et la vénération des lieux de repos des défunts ainsi que leurs sépultures. En effet, honorer le défunt dans sa tombe revient à lui témoigner du respect dans sa demeure terrestre, car les tombes représentent les résidences des défunts, et c'est en ces lieux que descendent la miséricorde et les bienfaits divins en reconnaissance de leurs bonnes actions.


Ces lieux sont ceux des bienheureux, et les honorer, tout comme les respecter, est le reflet de la perfection de la charia. C'est pourquoi la question de l'inhumation revêt une importance capitale au sein de la communauté musulmane, puisqu'elle vise à préserver les respect des défunts et à les protéger de toute forme de profanation ou de nuisance. La tombe constitue la demeure du défunt, et la tradition prophétique confère au musulman une sacralité particulière qui s'étend jusque dans le lieu de son inhumation.


L'objectif de l'inhumation, tel qu'enseigné par la charia, englobe des règles précises concernant la conception de la tombe, ses dimensions, sa forme, ses divers types, son emplacement, ainsi que les prescriptions qui y sont liées. Nous nous concentrons ici sur une question délicate parmi ces règles : l'inhumation d'un défunt musulman dans un cimetière non-musulman.


Le principe fondamental en islam est que le défunt musulman doit être enterré dans un cimetière musulman, car les tombes des musulmans doivent se distinguer de celles des non-musulmans. Cette pratique, protégée depuis des siècles par la communauté musulmane, stipule qu'il est interdit d'enterrer un musulman dans un cimetière réservé aux non-musulmans, selon l'accord des quatre écoles de jurisprudence. Cette règle repose sur la tradition prophétique, qui préconise de séparer les tombes des musulmans de celles des polythéistes. Elle a été scrupuleusement respectée depuis l'époque du Prophète , des Califes bien guidés et de leurs successeurs, constituant ainsi un consensus unanime en faveur de l'inhumation des musulmans dans des cimetières distincts de ceux des non croyants.


Telle est la règle juridique établie par consensus. En ce qui concerne la situation particulière des minorités musulmanes en Occident, elle repose sur les principes du besoin et de la nécessité. Leur présence dans ces régions n'est pas le fruit d'un choix libre, mais résulte de circonstances imposées par des impératifs essentiels. Cela conduit à la nécessité d'adapter les évolutions tout en s'appuyant sur une compréhension juste de l'islam, en suivant la méthodologie islamique dans l'interprétation des règles juridiques, et en s'appuyant sur les réalités contemporaines aux textes législatifs. Cette approche implique également la mise en œuvre de la jurisprudence de la nécessité, car chaque nouveauté découle désormais de besoins impérieux. Ainsi, la nécessité devient le cadre général de la jurisprudence.


Parmi les questions récentes soulevées dans les pays non musulmans, et plus particulièrement en France, se trouve celle de l'inhumation des musulmans, que ce soit dans des cimetières réservés à leurs coreligionnaires ou dans des parcelles spécifiquement dédiées au sein de cimetières non musulmans. Les savants ont étudié cette question en s'appuyant sur les principes suivants.


Concernant le cimetière


Les musulmans doivent faire preuve de solidarité et s'efforcer d'obtenir, auprès des autorités du pays où ils résident, un terrain distinct réservé à l'inhumation de leurs défunts. Si cela s'avère impossible, ils devraient alors chercher à acquérir un tel terrain, tout comme ils ont acquis les parcelles sur lesquelles leurs mosquées sont bâties. En effet, l'inhumation des défunts revêt une importance comparable à celle de la construction des mosquées, car, tout comme les vivants ont des droits, les défunts en ont également. De nombreux hadiths abordent ce sujet.


Si les musulmans ne peuvent obtenir un terrain spécifique, notamment en raison du refus de nombreuses municipalités françaises de fournir de nouvelles parcelles malgré la croissance constante de la communauté musulmane, il leur revient alors de chercher des carrés réservés pour eux seuls, séparés de l'enceinte du cimetière principal. À défaut, ils peuvent utiliser un espace au sein d'un cimetière commun, même si celui-ci est entouré par l'enceinte générale du cimetière, ce qui est souvent permis et toléré. Toutefois, il est préférable et plus approprié, dans la mesure du possible, que les tombes des musulmans soient légèrement éloignées de celles des non musulmans, séparées par un mur, une clôture, un chemin, un espace libre, ou tout autre élément à même de les distinguer, de préserver leur dignité, et de les délimiter clairement.


Le rapatriement du défunt vers son pays musulman d'origine, pour y être inhumé


Si l'inhumation dans un cimetière réservé aux musulmans s'avère impossible, il revient aux proches du défunt de faire tout leur possible pour rapatrier celui-ci vers son pays d'origine, afin qu'il y soit enterré dans un cimetière conforme aux préceptes de la charia, à l'opposé des cimetières des pays européens.


Par ailleurs, l'acquisition de concessions funéraires en France s'avère complexe en raison du nombre restreint de cimetières français proposant des carrés dits "islamiques". Il convient également de noter que ce n'est pas un achat définitif, mais une location, qui peut durer jusqu'à 30 ans, renouvelable, ou parfois seulement entre 10 et 15 ans. À l'expiration de cette période, la famille ou ses descendants doivent renouveler la concession, faute de quoi les autorités françaises peuvent réattribuer la tombe à une autre famille, après avoir procédé à l'incinération des ossements, ce qui est contraire aux prescriptions de la charia, comme mentionné précédemment.


transférer le défunt de son lieu de décès vers un autre endroit pour y être dignement inhumé, à condition que son honneur ne soit pas compromis et qu'il n'y ait pas de risque de détérioration ou de décomposition du corps. Cette pratique est autorisée si le transfert répond à un besoin légitime, tel que si le lieu d'arrivée présente un mérite supérieur ou est proche de la famille, si le lieu de décès ne garantit pas un lieu sûr pour l'inhumation, ou si les habitants du lieu ne sont pas musulmans ou ne disposent pas de cimetière réservé. Lorsque ces conditions sont remplies, le transfert est permis, d'autant plus que les moyens de transport modernes facilitent aujourd'hui les déplacements lointains, transformant ce qui semblait éloigné en accessible. C'est l'avis de la majorité des savants, comme précisé précédemment.


Ainsi, si la famille du défunt est présente et peut financer son transfert vers un pays musulman, que ce soit par les biens laissés par le défunt, par ses propres ressources, par une collecte de dons dans les mosquées, ou en trouvant une personne de bonne volonté pour prendre en charge ces frais, alors cette démarche devient une obligation religieuse. Elle vise à accélérer le transport de la dépouille pour une inhumation conforme aux préceptes religieux.


L'inhumation du défunt dans les carrés musulmans désignés au sein d'un cimetière non musulman


Dans l'hypothèse où l'inhumation dans un cimetière musulman autonome s'avère impossible et où le rapatriement du corps dans son pays d'origine ne peut être réalisé, il sera alors permis d'enterrer le défunt dans les carrés musulmans spécifiquement réservés à cet effet au sein d'un cimetière non musulman. Cette solution est conforme au principe suivant : « Ce dont on ne peut atteindre la totalité, on n'en délaisse pas la majorité. »


Exhumation des anciennes sépultures dans les cimetières islamiques et inhumation dans ces mêmes lieux


Dans le cas où les carrés musulmans sont saturés et que les autorités compétentes refusent d'attribuer de nouveaux espaces aux musulmans, il sera alors permis de procéder à l'exhumation des anciennes sépultures dans les cimetières islamiques, à condition qu'il existe une forte présomption que les corps des défunts ont été complètement décomposés, réduits en poussière ou en ossements érodés. Il n'existe pas de durée fixe à respecter pour ce processus, celle-ci variant selon les pays et les conditions climatiques.


Lors de l'exhumation, il est essentiel de procéder avec la plus grande délicatesse, en conformité avec la parole authentique du Prophète  rapportée par notre Mère, Aïcha (qu'Allah soit satisfait d'elle), qui dit : « Briser l’os du défunt est semblable à briser celui du vivant. » Les ossements réduits en poussière seront ensuite placés dans un coin de la même sépulture, car l'islam honore la dignité de l'être humain, qu'il soit vivant ou décédé.


Si tous les efforts ont été déployés et que les solutions mentionnées ont été épuisées sans résultat, il n'y a alors aucune objection - in shā' Allah - à enterrer le défunt dans un cimetière non musulman. Cette démarche relève des règles de nécessité qui autorisent ce qui est normalement interdit, comme Allah (Exalté soit-Il) la mention dans le Coran : « Celui qui y est contraint, sans excès ni transgression, ne commet pas de péché, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux » (Sourate 2, verset 173).


Par analogie, les savants ont établi que, si les individus cohabitent dans ce bas monde par nécessité, il n'y a aucune objection à ce qu'ils reposent côte à côte dans les cimetières en cas de contrainte. Il est important de noter que le musulman possède deux demeures : l'une audessus de la terre et l'autre en dessous, comme cela est souligné dans les éthiques de la visite des tombes, où le visiteur salue en disant : «Paix sur vous, ô demeure d'un peuple croyant. » En effet, ce n'est pas la terre qui sanctifie l'individu, mais ce sont les bonnes actions du croyant qui l'élèvent auprès de son Seigneur.


Les savants expliquent que nous nous trouvons ici confrontés à deux préjudices : celui d'entrer le défunt parmi les non-musulmans et celui de le laisser sans sépulture, où son corps pourrait être conservé indéfiniment ou risquer la crémation. Il convient alors de choisir le moindre mal, en optant pour la solution la moins nuisible. Allah (Exalté soit-Il) dit : « Allah n'impose à une âme que ce qu'elle peut supporter » (Sourate 2, verset 286).


L'imam Malik, dans son Muwatta, rapporte que Salman al-Fārisi (qu'Allah l'agrée) a dit : « La terre ne sanctifie personne, mais ce sont les actes de l'homme qui le sanctifient. » Les savants expliquent que nous nous trouvons ici confrontés à deux préjudices : celui d'entrer le défunt parmi les non musulmans et celui de le laisser sans sépulture, où son corps pourrait être conservé indéfiniment ou risquer la crémation.


Il convient alors de choisir le moindre mal, en optant pour la solution la moins nuisible. Allah (Exalté soit-Il) dit : « Allah n'impose à une âme que ce qu'elle peut supporter » (Sourate 2, verset 286). L'imam Malik, dans son Muwatta, rapporte que Salman al-Fārisi (qu'Allah l'agrée) a dit : « La terre ne sanctifie personne, mais ce sont les actes de l'homme qui le sanctifient. »


Ils font référence à un hadith rapporté par AlBoukhari dans son Sahih , dans le chapitre intitulé « Peut-on sortir un défunt de sa tombe ou de son caveau en raison d'une cause particulière ? », où il est rapporté, à travers la chaîne de transmission, que Jabir ibn Abd Allah (qu'Allah soit satisfait de lui) a dit : « Lorsque l'heure de la bataille d'Ouhoud s'approcha, mon père m'appela durant la nuit et me dit : 'Je pense que je serai un des premiers tués, parmi les compagnons du Prophète وسلم, et je n'ai personne de plus cher après moi que toi, en dehors du Messager d'Allah . J'ai une dette à honorer, alors acquitte la et prends soin de tes sœurs de la meilleure manière.' Au matin, il fut le premier tué, et il fut enterré avec un autre dans la même tombe. Mais il ne me plaisait guère de le laisser avec l'autre ; ainsi, je l'exhumai six mois après, et je le trouvai comme au jour où je l'avais mis dans la tombe, sauf au niveau de son oreille. »


Ibn Hajar, qu'Allah lui fasse miséricorde, explique dans son ouvrage précieux Fath alBari, en commentaire du Sahih al-Boukhari : «En ce qui concerne l'intitulé du chapitre : 'Peut-on sortir un défunt de sa tombe ou de son caveau en raison d'une certaine cause ? – c'est-à-dire pour une raison légitime – cet intitulé vise à réfuter ceux qui interdisent systématiquement l'exhumation d'un défunt, quelles que soient les circonstances ou lesraisonsinvoquées. Cela inclut ceux qui limitent la permission d'exhumation au seul cas où le défunt aurait été enterré sans ablution ou sans prière funéraire. En réalité, le hadith de Jabir montre que l'exhumation est permise si elle présente un intérêt pour le défunt lui-même, dans le but de lui accorder davantage de bénédictions. Jabir l'a précisé en disant : 'Il ne me plaisait guère de le laisser avec l'autre défunt. »


En résumé, le principe fondamental relatif à l'inhumation d'un musulman dans des pays non islamiques est qu'il doit être enterré dans des cimetières indépendants réservés aux musulmans. Si l'inhumation dans de tels lieux est impossible, il devient impératif de rapatrier le défunt vers son pays d'origine pour qu'il y soit enterré dans un cimetière conforme aux préceptes de la charia. Dans l'hypothèse où le transfert vers le pays musulman s'avère irréalisable, il est permis de procéder à l'inhumation du défunt dans les parcelles islamiques prévues à cet effet au sein d'un cimetière non musulman.


Dans le cas où ces parcelles sont saturées ou qu'il est impossible d'en ouvrir de nouvelles, il devient alors permis d'exhumer les anciennes sépultures dans les cimetières musulmans. En dernier recours, si toutes les options précédentes sont inaccessibles, il n'y a pas de faute, in shā Allah, d'enterrer le défunt dans un cimetière non musulman, conformément aux principes de nécessité qui lèvent les interdictions. Toutefois, il est essentiel de distinguer cette sépulture des autres en orientant la tombe vers la Qibla, en délimitant l'espace et en marquant la parcelle réservée.


Si ces mesures s'avèrent également impossibles en raison de contraintes légales ou autres, il est permis d'inhumer le défunt dans un cimetière commun, mais toujours par nécessité absolue, en attendant que les musulmans obtiennent un cimetière indépendant ou une nouvelle parcelle dans un autre cimetière. Si cette opportunité se présente, il sera alors permis d'exhumer le défunt et de transférer ses restes vers un autre lieu, dans l'intérêt du défunt, ce qui constitue une exhumation légitime selon les savants.


*Article paru dans le n°39 de notre magazine Iqra.



 

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