Lumière et lieux saints de l'Islam, à la découverte des mosquées du monde (n°53) - La Mosquée Arwa
- Guillaume Sauloup
- 16 mars
- 7 min de lecture

Dans les hauteurs de Jibla, enveloppée par une brume qui caresse les cimes et pare le paysage d’un voile mystique, s’élève la Mosquée Arwa, un monument où l’histoire, l’architecture et la spiritualité s’entrelacent en un témoignage impérissable de la grandeur médiévale du Yémen. Plus qu’un simple lieu de prière, elle incarne l’héritage de la souveraineArwa bint Ahmad al-Sulayhi, dont la mémoire continue d’habiter ces pierres, porteuses d’un passé glorieux.
L’empreinte d’une Reine sur la pierre et l’histoire
Construite au XIᵉ siècle, sous le règne de la Reine Arwa (440-532 H), la mosquée fut érigée à l’emplacement même de son palais, un choix qui traduit le sacrifice d’un luxe terrestre au profit d’une œuvre spirituelle et éducative. En cédant ses murs au service d’Allah et du savoir, elle offrit aux générations futures un sanctuaire de prière et un centre d’apprentissage, où les voix des érudits résonnèrent des siècles durant.
La ville de Jibla, choisie comme capitale du royaume sulayhide, se transforma sous son impulsion en un phare de la culture islamique, et sa mosquée devint un carrefour où les arts, la science et la foi fusionnaient en une harmonie céleste.

Une architecture enracinée dans la majesté et la spiritualité
L’architecture de la Mosquée Arwa témoigne d’un raffinement rare, d’une subtile fusion entre l’héritage du Yémen et les influences fatimides. D’une structure rectangulaire, elle se compose de quatre galeries encadrant une cour intérieure, baignée de lumière, où les ombres des arcades dansent sous les rayons du soleil.
• La galerie nord, la plus vaste, accueille la salle de prière principale, abritée sous un plafond soutenu par de solides colonnes de pierre, écho de la grandeur architecturale islamique médiévale.
• Les galeries Est et ouest, autrefois dédiées à l’enseignement, résonnèrent longtemps des voix des étudiants psalmodiant le Coran sous la tutelle des érudits.
• Le mihrab, délicatement sculpté, se distingue par ses fines arabesques et ses inscriptions coraniques, capturant la ferveur et la pureté de l’époque sulayhide.
• Les deux minarets, dressés aux extrémités sud, sont des sentinelles silencieuses qui veillent sur la ville et appellent à la prière dans un souffle qui semble remonter le cours du temps.
Les pierres blanches, extraites des montagnes avoisinantes, épousent harmonieusement les briques rouges et les ornements en chaux, créant une symphonie de teintes naturelles qui confèrent à l’édifice une aura de sérénité et de majesté.

Un mausolée empreint de sacralité
Dans le cœur même de la mosquée repose la Reine Arwa, dans un tombeau sobre mais raffiné, niché dans un sanctuaire où le temps semble suspendu. Son cercueil en bois sculpté, orné de motifs délicats, témoigne du respect et de la vénération que lui portèrent ses sujets.
Autrefois centre de pèlerinage, le mausolée attirait des visiteurs venus du Yémen et d’ailleurs, venus rendre hommage à cette femme qui régna avec intelligence et piété, consacrant sa vie au service de son peuple et de sa foi.

Les manuscrits sacrés : trésors préservés du passé
Dans une salle attenante, plus de 200 manuscrits coraniques reposent à l’abri du temps, certains écrits à l’encre dorée sur des pages vieilles de près d’un millénaire. Contrairement à tant d’autres joyaux du patrimoine islamique dispersés ou pillés, ceux de la Mosquée Arwa ont été préservés avec un soin jaloux, protégés par la vigilance des fidèles et des gardiens du savoir.
Un héritage menacé
Si la mosquée a traversé neuf siècles d’histoire, elle se dresse aujourd’hui face aux assauts du temps et à l’indifférence des hommes. Les infiltrations d’eau, l’usure des pierres et la négligence administrative la fragilisent jour après jour. Les murs fissurés chuchotent des appels à la préservation, et les coupoles usées murmurent l’urgence d’une restauration.
Dans un dernier sursaut d’amour pour ce monument, les habitants de la région, conscients de sa valeur, s’emploient à la restaurer, repeignant les murs à la chaux, nettoyant ses galeries, espérant attirer l’attention des autorités et des âmes soucieuses de leur héritage.
Un sanctuaire suspendu entre ciel et terre
Au-delà de ses pierres et de ses coupoles, la Mosquée Arwa est un temple de mémoire, un lieu où les siècles se superposent et où l’âme de la Reine continue de veiller sur son peuple.

Tant qu’une prière s’élèvera sous ses voûtes, tant qu’un étudiant y ouvrira un livre, tant qu’un pèlerin posera la main sur ses murs en quête de bénédictions, ce sanctuaire demeurera un phare spirituel dans la brume du temps.
Qu’Allah protège la Mosquée Arwa, qu’Il en fasse un havre éternel de savoir et de prière, et qu’Il inspire aux hommes la sagesse de préserver ce joyau, témoignage d’un âge d’or qui ne demande qu’à revivre sous les mains bienveillantes de ceux qui chérissent leur histoire.
*Article paru dans le n°56 de notre magazine Iqra.
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