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Notre mosquée (n°39) - El Kaaba Ech-Charifa, lien entre ciel et terre



Alors que les échos des pèlerins résonnent dans les airs sacrés de La Mecque, mêlés de Takbir, de Tahmid et de Tahlil, nos cœurs, même loin de la mosquée sacrée, vibrent à l’unisson, en ces jours bénis du mois de Dhoul-Hijja. Mais qu’est-ce qui rend la Kaaba si précieuse aux yeux des musulmans ? Pourquoi tant d’amour, de vénération et d’attachement pour un édifice de pierre, noir et cubique, perdu jadis au cœur du désert d’Arabie ? Et si nous remontions aux origines, bien avant l’appel adressé à Abraham, jusqu’à cette première édification que, selon la tradition, Adam lui-même aurait érigée ?


Chers lecteurs de la rubrique « Notre Mosquée », empruntons ensemble ce voyage à travers le temps, au cœur d’une histoire qui traverse les générations et tisse un lien entre la terre et le ciel.


La sacralité de la Kaaba en Islam


« Par Allah, tu es la meilleure des terres et la plus aimée d’Allah. Si je n'avais pas été expulsé de toi, je ne t'aurais jamais quittée. » (Rapporté par Tirmidhi dans ses Sounann°3925). C’est avec ces mots bouleversants que le Prophète (paix et bénédiction sur lui) s’adressait à La Mecque, lors de son départ forcé vers Médine.


Une déclaration qui témoigne de la place unique de cette ville bénie et de son cœur spirituel qu’est la Kaaba Ach-Charifa. Le Coran le rappelle : « La première Maison qui ait été édifiée pour les hommes, c’est bien celle de « Bakka », bénie, une direction pour l’univers. » (Al Imran, verset 96).


Au-dessus d’elle, dans le septième ciel, se trouve la maison peuplée « Al Bayt al-Maâmour », selon les paroles du Prophète (paix et bénédiction sur lui), lors de son ascension céleste, où il a pu contempler cette Maison céleste. Il nous en décrit la grandeur dans ce hadith rapporté par Anas (qu’Allah l’Agréé) : « Al-Bayt al-Maâmour est dans le septième ciel. Chaque jour, soixante-dix mille anges y entrent pour y prier, et ils n’y reviennent jamais ; un nouveau groupe y entre chaque jour jusqu’au Jour de la Résurrection. ».


Ce lien entre les deux édifices, terrestre et céleste, est évoqué dans le Coran lorsque Allah, SWT, jure : « Par la Maison peuplée » (At-Tûr, verset 4). La Mecque se trouve donc à l’aplomb exact de Bayt al-Maâmour. Ce parallélisme confère à la Kaaba une dimension symbolique puissante et la connectedirectement avec le monde céleste.


Elle est le miroir terrestre d’un sanctuaire céleste. C’est dire l’honneur et la sainteté que Dieu a conférés à ce lieu, choisi comme point de convergence des prières, des cœurs et des âmes. Lorsque le pèlerin entre dans la ville sacrée, son premier geste est le Tawaf, cette marche en cercle autour de la Kaaba. Il débute à la Pierre noire, qu’il salue, touche ou embrasse, à l’image du Prophète (paix et bénédiction sur lui). Ce geste n’est pas un culte rendu à une pierre, mais un acte symbolique fort.


Divergences entre les Oulémas sur la construction de la Kaâba


Les savants divergent sur l’origine et le nombre exact des reconstructions de la Kaaba avant l’Islam. Plusieurs noms sont évoqués : Les anges, Adam, Shih ibn Adam, Ibrahim et les tribus arabes. L’opinion la plus répandue retient quatre reconstructions avant la mission du Prophète Mohamed (paix et bénédiction sur lui) : d’abord par Ibrahim (paix sur lui), puis par les Amaliq, suivis de la tribu de Jurhum, et enfin par Quraysh peu avant l’Islam. Les récits attribuant la construction aux anges ou à Adam manquent de preuves solides et sont généralement écartés.


La construction d’Ibrahim (paix sur lui)


Le récit le plus solidement établi dans les sources musulmanes est que le Prophète Ibrahim (paix sur lui) a été le premier à construire la Kaâba sur ordre d’Allah. C’est lui qui, avec l’aide de son fils Ismail, en a élevé les fondations, comme le rappelle le verset : « Et quand Ibrahim et Ismail élevaient les fondations de la Maison (la Kaâba), ils dirent : « Ô Seigneur ! Veuille accepter de nous (ceci) car c’est Toi Qui Entends Tout et c’est Toi l’Omniscient. » (Al-Baqara, verset127).


Allah lui a indiqué l’endroit précis où ériger cette Maison sacrée « Et lorsque Nous indiquâmes pour Ibrahim le lieu de la Maison » (El-Ḥadj, verset 26). Il construit la structure avec des pierres, sans y mettre de toit, et y laissa deux ouvertures au niveau du sol sans portes. L’ange Jibril (paix sur lui) descendait alors la Pierre Noire, qu’Ibrahim place lui-même.


La Kaâba ainsi érigée par Ibrahim avait les dimensions suivantes selon les récits traditionnels : Hauteur : 4,5 mètres, mur Est : 16 mètres, mur Ouest : 15,5 mètres, mur Sud : 10 mètres et mur Nord : 11 mètres. Ces proportions témoignent d’une structure modeste mais hautement symbolique.


Ali Ibn Abi Talib (qu’Allah l’Agrée) a rapporté ce témoignage : « Après Ibrahim, la Kaâba était détruite, puis les Amaliq la reconstruisent. Ensuite, elle était à nouveau détruite et une tribu de Jurhum la reconstruit, ensuite elle était encore détruite, et cette fois, les Quraysh la rebâtirent. »


La reconstruction de la Kaâba par Quraysh


Selon les sources historiques fiables, un incendie provoqué par une femme venue avec un tison mit le feu à la Kiswa(revêtement textile de la Kaâba). Peu après, une inondation violente endommageait gravement la structure, fissurant ses murs.


Faute de fonds suffisants, les Quraysh ne pouvaient respecter les dimensions d’origine établies par Ibrahim (paix sur lui) et réduisent alors la taille de l’édifice. En particulier, ils excluent une portion de 3,23 mètres dans la zone du Hijr (aussi appelée Hijr Ismail), la délimitant par un muret, ce qui explique encore aujourd’hui que cette zone soit considérée comme faisant partie intégrante de la Kaâba.


Le Prophète (paix et bénédiction sur lui) et la reconstruction de la Kaaba


À 35 ans, le Prophète (paix et bénédiction sur lui), alors appelé Mohamed El-Amine, participa activement à la reconstruction de la Kaaba, portant les pierres avec son oncle El-Abbas. Lors d’un moment de pudeur, il retira brièvement son izâr mais s’en recouvrit aussitôt, signe de sa modestie et protection divine.


Un conflit éclata entre les Quraysh pour replacer la Pierre Noire. Le Prophète (paix et bénédiction sur lui), choisi par le sort, désamorce la dispute en plaçant la Pierre sur un tissu tenu par chaque chef de tribu, puis la remit lui-même en place, évitant ainsi un affrontement sanglant. Selon Aïcha (qu’Allah l’agrée), il regretta que la Kaaba ne soit pas reconstruite sur les fondations d’Abraham, car les Quraysh avaient réduit sa taille. Cet événement, cinq ans avant la Révélation, témoigne de la sagesse et de la place qu’il occupait déjà dans sa communauté.


Renaissance d’une maison sacrée et mémoire d’une foi


Depuis la reconstruction par Quraysh, la Kaaba a subi plusieurs restaurations dues à des inondations, incendies ou conflits, sans jamais changer d’emplacement. En 683, Ibn al-Zubayr la reconstruisit selon les dimensions d’Abraham, avec deux portes. En 693, le calife Abd al-Malik revint au plan de Quraysh, avec une seule porte, plan toujours en vigueur. En 1629, le sultan ottoman Mourad IV renforce la structure après des inondations. Au XXe siècle, les Saoudiens modernisent le site tout en préservant sa sacralité.


Les découvertes scientifiques contemporaines suggèrent que la Kaaba occupe le centre géographique et énergétique de la Terre, en harmonie avec les mouvements cosmiques et les champs magnétiques. Elle fonctionnerait comme une boussole universelle, générant une zone de vide qui attire les forces gravitationnelles. Recevant chaque jour les premiers rayons du soleil, elle est également perçue comme un point d’ancrage physique et spirituel. S’orienter vers elle dans la prière contribuerait à rééquilibrer les charges électriques du corps, favorisant ainsi le bien-être physique et mental. La Kaaba apparaît dès lors comme un lieu sacré, source d’équilibre, de protection et de paix.


Aujourd’hui, la Kaaba, simple cube de pierre recouvert de sa Kiswa noire, est au cœur de la Mosquée Sacrée, symbole vivant de l’unicité divine et de la foi universelle. Chaque pèlerinage réunit les voix des croyants, unissant le passé et le présent dans une prière commune.

 


*Article paru dans le n°68 de notre magazine Iqra.


 


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