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Lumière et lieux saints de l'Islam, à la découverte des mosquées du monde (n°58) - La Mosquée Mohammed Ali du Caire


Sous le ciel vaste du Caire, là où l’air s’élève chargé des encens invisibles de l’histoire et du sacré, se dresse, comme un appel permanent à la transcendance, la Mosquée Mohammed Ali, perle d’albâtre sertie dans la Citadelle de Saladin. Cette demeure de la prière et de la mémoire, suspendue entre ciel et poussière, incarne à la fois le souffle mystique de l’islam ottoman et la volonté farouche d’un homme de laisser à la terre un écho de sa grandeur.


La silhouette de ses minarets graciles, perçant les nuées comme des doigts dressés vers le Trône divin, s’impose à tout regard porté sur le Vieux Caire. D’un seul élan, la mosquée embrasse le passé et façonne le présent. Elle n’est point seulement de pierre et de marbre : elle est invocation devenue architecture, nostalgie devenue espace.


L’intention du prince et l’ambition du fidèle


Lorsque Mohamed Ali Pacha, bâtisseur d’ordre et d’autorité, voulut inscrire son nom au flanc de l’histoire, il n’érigea ni palais, ni fort, ni obélisque. Il fit élever une mosquée, car nul monument n’est plus durable que celui que l’on inscrit dans le cœur des orants.


Son vœu n’était pas seulement d’offrir un lieu de prière à la cité, mais aussi d’y déposer son propre tombeau, enveloppé du souffle des invocations. Il confia l’œuvre à l’architecte turc Youssef Bouchnaq, qui puisa son inspiration dans les chefs-d'œuvre d’Istanbul, y insufflant l’âme des mosquées de Sinan, mais en les adaptant aux cieux égyptiens.



Un temple de lumière et de silence


La salle de prière, vaste et harmonieuse, respire sous un dôme central de 52 mètres de haut, soutenu par quatre piliers d’albâtre, ce marbre lumineux qui boit la lumière sans jamais l’avaler. Autour de ce cœur céleste, quatre demi-coupoles enveloppent l’espace d’un sentiment de plénitude. Le nom d’Allah, celui du bien-aimé Prophète ﷺ, et ceux des quatre califes bien guidés ornent les pendentifs comme des étoiles guidant l’âme.


Les murs, habillés d’albâtre jusqu’à la hauteur des regards, murmurent les vers de la Qasida al-Burda, calligraphiés par des mains pieuses, comme autant de parfums déposés sur les murs par des générations de croyants. Le mihrab, creusé dans la qibla, est une alcôve de silence où l’imam devient l’écho de la voix prophétique.


Le minbar, offert par le roi Farouk, fait face au mihrab comme une chaire de sagesse taillée dans le marbre, tandis que l’ancien, en bois doré, se tient à l’écart, gardien discret des sermons anciens.

 

La cour : un jardin de coupoles et d’ombres


À l’ouest, une cour vaste et silencieuse, cernée de galeries à colonnes, abrite une fontaine d’ablution où l’eau, avant d’être versée sur les membres, semble bénie par les versets sculptés sur les coupoles. La lumière y entre en oblique, caressant les marbres et les pierres, dessinant des calligraphies mouvantes que seul le cœur pur sait déchiffrer.



Au centre, un kiosque ciselé en cuivre, orné de vitraux colorés, garde jalousement une horloge offerte par la France, dont les aiguilles ne tournent plus mais dont la présence témoigne de la main tendue entre les mondes. En retour, le Pacha offrit l’obélisque de Louxor, désormais dressée sur la place de la Concorde à Paris — échange de pierres entre deux civilisations.


Les minarets : deux plumes écrivant dans le ciel


À chaque extrémité de la façade ouest, deux minarets fuselés s’élèvent comme des versets dressés vers le ciel. Ils culminent à 84 mètres, portés non par l’ostentation, mais par le désir d’atteindre le divin. Leur finesse contraste avec la robustesse de la structure, comme le dhikr murmuré contraste avec la harangue du monde.


Le tombeau du souverain et la demeure du souvenir


Au cœur de la mosquée, derrière une grille ouvragée, repose Mohamed Ali, non plus comme conquérant ou pacha, mais comme serviteur retourné vers son Seigneur. Son cénotaphe, fait d’albâtre, est aussi simple que sa mosquée est somptueuse. Il rappelle que toute gloire finit par s’incliner devant le silence de la mort, et toute puissance par demander la miséricorde.



Une prière de pierre dans le cœur du Caire


La Mosquée de Mohamed Ali, aussi appelée Mosquée de l’albâtre, n’est pas seulement un édifice : c’est un miroir de l’âme d’un peuple, un pont entre l’Égypte et l’Empire ottoman, entre la grandeur humaine et la petitesse du tombeau. C’est une mosquée où l’on prie, mais aussi où l’on contemple, où l’on médite, où l’on comprend que le destin du monde passe par la beauté, la foi et la pierre qui dure.


Et lorsque le vent du désert caresse ses coupoles au coucher du soleil, l’on entend presque un verset ancien se répéter : « Dans les maisons qu’Allah a permis qu’elles soient élevées, et où Son Nom est invoqué, il y est glorifié matin et soir. » (Sourate An-Nur, verset 36).




*article paru dans le n°61 de notre magazine Iqra.



                         

 

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