Récits célestes (n°41) - Ghaza, cinq millénaires d’existence
- Guillaume Sauloup
- 17 avr.
- 7 min de lecture

Bien avant que les frontières ne soient tracées sur les cartes, Ghaza se dressait déjà, entre les dunes et les oliviers, entre le murmure de la mer et le passage des caravanes. Cette cité millénaire, située sur la côte sud, n’a pas attendu l'actualité pour inscrire son nom dans l’histoire. Témoin des âges, elle a vu défiler les civilisations, traversant les siècles tantôt dans la prospérité, tantôt sous le poids des sièges, mais toujours debout. Son port, à la croisée des routes entre l’Égypte et le Levant, a été un carrefour de rencontres et d’échanges.
Les multiples noms de Ghaza à travers l’histoire
Au fil de l’histoire, Ghaza a porté plusieurs noms qui témoignent de son importance stratégique dans les civilisations qui l’ont traversée. Les Cananéens la nommaient « Hézati », tandis que les Grecs la connaissaient sous le nom de « Raza », les Perses l’appelaient « Hazato », et les anciens d’Égypte l’ont désignée sous le nom de « Gadato ». Les premiers Arabes l'ont appelée « Ghaza », un nom qui perdure jusqu'à aujourd’hui, et elle est également connue sous le nom de « Ghaza Hachim » en référence à Hachim ibn Abd Manaf, le grand-père du prophète Mohamed (paix et bénédictions sur lui), qui y est décédé.
Quant à la signification du nom « Ghaza », plusieurs interprétations existent. Certains pensent qu’il dérive d’al-Izza, signifiant la dignité et la fierté, en raison de la ville ayant résisté à de nombreuses invasions au cours de son histoire. D’autres estiment que le nom pourrait être lié au mot persan « Ghaza », qui signifierait « trésor », en référence à la légende selon laquelle un roi aurait caché un trésor dans la ville. Enfin, certains suggèrent que le nom proviendrait d’un terme grec signifiant également « richesse ».
Ghaza porte plus de 5000 ans d’histoire ininterrompue
Située sur une colline à 45 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur une superficie de 360 km², Ghaza a toujours été une station naturelle pour ceux voyageant entre l’Égypte et la Syrie. Avant même l’existence des frontières modernes, elle était déjà un lieu de passage et de rencontre, où se croisaient les caravanes venant d’Arabie, d’Égypte et au-delà. Ghaza a su, au gré des épreuves, renaître à chaque fois, que ce soit à travers ses souks, ses écoles ou ses mosquées, retrouvant à chaque cycle une nouvelle vigueur. Ghaza est une ville qui résiste, une ville qui vit.

On parle d’une cité qui remonte à plus de 5000 ans, avec les premières traces d’occupation humaine retrouvées dès le Néolithique. Elle a connu une histoire millénaire, marquée par des peuples et des civilisations qui ont façonné son identité. Dès le IIIe millénaire avant notre ère, à l’âge du bronze ancien, Ghaza devient une cité cananéenne majeure, se distinguant par sa position stratégique, entre l’Égypte et les royaumes de Mésopotamie, au carrefour des routes commerciales. Son nom a traversé les âges, évoluant avec les dominations successives.
Dans les archives égyptiennes, comme les lettres d’Amarna, Ghaza apparaît comme une cité d’importance politique et commerciale, reconnue. Bien avant l’arrivée des grandes puissances antiques, Ghaza vivait déjà, entre désert et mer, devenant un carrefour de rencontres et de conflits. Sa renommée s’étend jusqu’aux temps musulmans, où elle a été liée à l’histoire de Hachim ibn Abd Manaf, ancêtre du Prophète Mohamed (paix et bénédictions sur lui), mort en 524 après J.-C., et où l’on trouve le mausolée du grand Imam et juriste islamique, Al-Shafi’ i. Ghaza n’est pas seulement une ville millénaire, mais un symbole de résilience et de continuité à travers les âges.
Ghaza à l’époque cananéenne (vers 3000 – 1200 av. J.-C.)
Ghaza, bien avant l'ère des grandes civilisations antiques, a été habitée par les Cananéens, peuple sémitique ancien. Dès le Néolithique, la région commence à accueillir des installations humaines, mais c'est à partir du IIIe millénaire av. J.-C., au début de l'âge du bronze, que Ghaza émerge comme une cité cananéenne importante. Grâce à sa position stratégique au croisement des routes commerciales entre l'Égypte, la Mésopotamie et la péninsule Arabique, elle en devient un carrefour majeur. Ce rôle essentiel dans les échanges commerciaux est mentionné dans les célèbres lettres d'Amarna, datant du XIVe siècle av. J.-C., où Ghaza est déjà reconnue comme une cité d'une grande importance politique et commerciale.
Les Cananéens, originaires de la péninsule Arabique ont fondé une civilisation raffinée, marquée par un développement avancé dans des domaines comme l'agriculture, la poterie, la métallurgie et la navigation. Leur organisation sociale, structurée autour de cités gouvernées par des rois-prêtres, est l'une des premières formes de gouvernement urbain. À travers ces premières dynamiques urbaines, Ghaza forge son identité bien avant l'arrivée des Philistins au XIIe siècle av. J.-C., qui, tout en apportant leurs propres coutumes et influences, s'installent sur une terre déjà marquée par les traditions et l'héritage des Cananéens.
Une histoire marquée par les conquêtes et les transformations
Dès 1200 avant J.-C., Ghaza devient l’une des cinq cités de la Pentapole philistine. À cette époque, un métissage culturel s’instaure entre les Philistins et les Cananéens. Après la période cananéenne, Ghaza tombe sous le contrôle des Philistins, qui renforcent leur emprise sur la ville et y établissent une culture distincte. Au VIIIe siècle avant J.-C., Ghaza est intégrée dans l’empire assyrien après une résistance locale. Elle subit plusieurs destructions lors des campagnes militaires menées par les Assyriens et les Babyloniens.

Au VIe siècle avant J.-C., Ghaza devient partie intégrante de l’Empire achéménide. La ville retrouve son rôle commercial et bénéficie d’une grande liberté religieuse. Puis, au IVe siècle avant J.-C., avec l’arrivée d’Alexandre le Grand, Ghaza passe sous influence grecque, intégrant le monde hellénistique. Cette période marque un tournant dans son histoire, avec l’afflux de la culture grecque et l’essor des échanges.
Sous l’Empire romain et byzantin, du Ier siècle avant J.-C. au VIIe siècle après J.-C., Ghaza devient un centre chrétien majeur, avec la construction d’églises, d’universités et de mosaïques. Cette époque voit également un développement important de la culture religieuse. En 637, la ville tombe sous la domination musulmane, devenant un centre religieux stratégique avec la tombe de l’arrière-grand-père du Prophète. Ghaza s’intègre aux différents califats musulmans au cours du Moyen Âge, et cette période marque une nouvelle dynamique religieuse et culturelle.
Sous la période ottomane (1517-1917), Ghaza devient un pôle administratif régional, souvent désignée comme "la voie du Sultan". Bien que la ville connaisse un déclin progressif, elle conserve une place importante dans l’administration ottomane. Au XXe siècle, Ghaza traverse plusieurs phases dramatiques, notamment le mandat britannique, la guerre de 1948, l’administration égyptienne et l’occupation israélienne. Aujourd’hui, malgré le siège, Ghaza demeure une ville vivante, résiliente et profondément marquée par son histoire, continuant de porter les cicatrices et la mémoire de ses multiples civilisations successives.
À travers les millénaires, les Ghazaouis ont continué à vivre, cultiver, commercer et façonner cette ville, mémoire vivante d’une histoire urbaine continue, vieille de plus de 5000 ans. Elle reste, aujourd'hui encore, une ville indomptée, marquée par la mémoire de ses ancêtres.

*Article paru dans le n°61 de notre magazine Iqra.
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