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Regard fraternel (n°42) - Le pluralisme religieux en France est la clé du vivre ensemble



L’association diocésaine est une organisation religieuse propre au catholicisme en France. Elle est créée dans chaque diocèse et placée sous la direction de l’évêque. Cette association a été fondée à la suite de l’accord de 1924 conclu entre le Saint-Siège et l’État français, afin de résoudre le différend soulevé par les catholiques français, suivant les directives de Rome. À cette époque, la France avait imposé à tous, la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.


Un siècle après cet accord, quelles leçons pouvons-nous en tirer ? En tant que musulmans, devrions-nous nous sentir concernés, même indirectement ? Si la réponse est oui, comment et pourquoi ?


Contexte historique


Lors de l'application de la loi de Séparation des Églises et de l'État en 1905, les catholiques français ont refusé de créer les associations cultuelles prévues par les articles 18 et 19 de cette loi. Cette opposition s’appuyait sur la condamnation prononcée par le pape Pie X dans les encycliques Vehementer nos et Gravissimo Officii Munere de 1906. En effet, telles qu'elles étaient conçues, ces associations cultuelles, destinées à couvrir les frais, l’entretien et l’exercice public du culte au niveau communal, ne garantissaient pas aux catholiques la possibilité de préserver leur organisation interne, en particulier la structure hiérarchique canonique impliquant les rôles respectifs de l’évêque et du curé.


Ce n’est cependant que presque vingt ans plus tard, à l’issue d’un échange de lettres entre 1921 et 1924, qu’un modus vivendi fut établi. Cet accord, négocié entre le gouvernement français et le Saint-Siège sous forme de traité diplomatique simplifié, permit d’élaborer le statut-type des associations diocésaines.


Le pape Pie XI valide ainsi cette solution par l’encyclique « Maximam Gravissimamque » du 18 janvier 1924, approuvant ainsi la création des associations diocésaines. Contrairement aux associations cultuelles instituées par la loi du 9 décembre 1905, dont l’objet statutaire inclut le financement des frais, de l’entretien et de l’exercice du culte, les associations diocésaines ont pour seul objet de subvenir aux frais et à l’entretien du culte catholique.


L’exercice du culte catholique est ainsi dissocié du cadre statutaire associatif, permettant à l’Église de maintenir son organisation hiérarchique propre. Dans son avis n° 185107 du 13 décembre 1923, le Conseil d’État a jugé ce modèle de statut-type conforme aux dispositions générales des lois de 1901 et de 1905, sans contrevenir à leurs prescriptions particulières.


La France et la reconnaissance du pluralisme religieux


La période de 1802 à 1905, souvent désignée comme la « période concordataire », a été marquée par la reconnaissance officielle de plusieurs cultes en France, au-delà du catholicisme dominant. L’État a tenté de créer une société pluraliste, en accordant une égalité juridique aux religions, malgré la petitesse des minorités religieuses. Cette période a aussi vu une compétition religieuse et des tensions, notamment sous forme d’anti protestantisme, jusqu’à l’instauration de la laïcité en 1905.


Dans ce contexte, la France se trouvait confrontée à deux défis majeurs, le premier, économique, et le second, militaire. Ainsi, le recours à la main-d’œuvre en provenance des colonies était devenu nécessaire. Des jeunes musulmans en provenance d’Afrique du Nord, par exemple, étaient invités à venir travailler dans les usines et les champs. Par la suite, d’autres jeunes musulmans étaient mobilisés pour défendre la France durant la Première Guerre mondiale. Leur présence était légale et, dans le cadre de la République française, qui se construisait après la Révolution de 1789 et garantissait les droits de tous, il était important de reconnaître l’existence de ces travailleurs. C’est dans cette optique que la France a mis en place la création de l’association Société des Habous et des Lieux Saints de l’Islam, qui supervisait ensuite la construction de la Grande Mosquée de Paris. Cette initiative marque ainsi le début officiel de la reconnaissance de l’Islam comme  une religion ancrée dans le paysage français.


Ce parcours historique enseigne le fondement de la reconnaissance du pluralisme religieux et le respect des droits de chaque individu afin de favoriser une société harmonieuse et inclusive. Les musulmans, peuvent tirer des leçons de l’évolution des relations entre l’État et les différentes religions en France, et voir dans cet héritage une opportunité de promouvoir le dialogue interreligieux et le vivre-ensemble.


L’évolution vers un pluralisme religieux, inscrit dans le contexte de la laïcité et des principes républicains, a permis à diverses communautés, y compris musulmanes, de s’intégrer tout en préservant leurs identités culturelles et religieuses. Aujourd’hui, dans un monde en constante évolution, il est important de poursuivre cet engagement en faveur de la fraternité humaine et du respect mutuel. Le dialogue interreligieux et l’acceptation de la diversité sont des valeurs fondamentales pour construire une société pacifique où chacun peut vivre librement selon ses convictions, tout en participant activement au bien-être collectif.


Ainsi, l’évolution des relations entre l’État, l’Église catholique et les autres religions en France offre un cadre propice à l’édification d’une fraternité humaine fondée sur le respect, la tolérance et l’entraide, qui sont au cœur des enseignements des grandes traditions religieuses, y compris l’Islam. La reconnaissance de l’Islam en tant que religion présente et active dans le tissu social français, symbolisée par la Grande Mosquée de Paris, marque non seulement un acte de reconnaissance historique, mais aussi un engagement pour l’avenir, celui d’une France unie dans sa diversité, et où prévaut le dialogue.



*Article paru dans le n°49 de notre magazine Iqra.



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