Lumière et lieux saints de l'Islam, à la découverte des mosquées du monde (n°62) - La Mosquée Al-Midhmar
- Guillaume Sauloup
- 1 juin
- 7 min de lecture

Sur les hauteurs tranquilles de Samail, dans l’arrière-pays omanais, là où la lumière semble couler doucement entre les montagnes de l’Ad-Dakhiliyah, se dresse un sanctuaire ancien, discret mais immense par l’esprit : la mosquée Al-Midhmar. Elle n’est ni ornée de coupoles ciselées, ni flanquée de minarets vertigineux. Elle ne cherche pas à séduire par le faste. Et pourtant, c’est peut-être là, dans sa retenue, que se révèle le plus pleinement la quintessence de la foi islamique en terre d’Oman.
La prière qui traversa les siècles
Construit en l’an 6 de l’Hégire (vers 628 de l’ère chrétienne) par le noble compagnon Mazen Ibn Ghadouba Al-Saadi, premier Omanais à avoir embrassé l’islam et à avoir porté l’écho du monothéisme sur ses terres, le Masjid Al-Midhmarfut bien plus qu’un simple édifice. Il fut le mihrab originel d’une nation, le seuil à partir duquel l’idolâtrie fut renversée et la foi en un Dieu unique ensemencée dans les cœurs de ceux qui, jusque-là, offraient leurs offrandes à la pierre muette nommée Nâjir.
On raconte que c’est à la suite de rêves et de songes prophétiques, mêlés à des paroles que le vent aurait fait naître dans la gorge même de l’idole, que Mazen décida de prendre la route du Hijaz. Il parvint à El ‘Arj, non loin de Médine, et y rencontra le Messager de Dieu (paix et bénédictions sur lui). Là, il se convertit.
Là, il fut transformé. Puis il revint, chargé d’invocations prophétiques pour son peuple : « Ô Allah, guide les gens d’Oman, raffermis-les dans leur foi, comble-les de provisions suffisantes, et rends leur terre féconde… »
La mosquée qu’il édifia à son retour fut dès lors plus qu’un bâtiment : elle fut un pacte de lumière entre le ciel et la terre.

Une architecture de l’âme
Loin des influences persanes ou turques, la mosquée d’Al-Midhmar épouse la sobriété originelle des tout premiers lieux de prière de l’islam. Elle est bâtie en Saruj, un mélange traditionnel de chaux, d’argile et de gravier. Ses murs épais, d’un beige mat, ne portent ni ornements ostentatoires ni inscriptions tapageuses : seulement quelques versets, calligraphiés avec pudeur. Le mihrab, creusé simplement dans le mur de qibla, ne se distingue que par la lumière qu’il semble retenir dans sa courbe.
Le bâtiment légèrement surélevé, repose sur un socle qui le sépare du monde sans le retrancher. Il est doté d’une salle de prière rectangulaire, flanquée de deux entrées, de douze fenêtres longitudinales et de plafonds blanchis à la chaux. L’eau coule dans une citerne restaurée récemment, perpétuant la tradition de ces mosquées qui furent aussi des puits de vieautant que des sources d’élévation.
Son minaret modeste, trapu et presque muet, tranche avec les orgueilleuses flèches des grandes capitales islamiques. Il est là non pour dominer, mais pour signaler discrètement le lieu de la Présence.
Une prière qui ne s’est jamais tue
Depuis près de 1 420 ans, l’appel à la prière n’a jamais cessé de monter de ce lieu. Les pierres, comme les hommes, ont veillé. Le dernier grand chantier de restauration remonte à 1979. Il fut conduit avec une attention rare : aucun changement de forme, aucun ajout ostentatoire, seulement un soin jaloux pour préserver l’esprit originel du lieu, cet esprit où la pierre sert la lumière, et non l’inverse.
Loin du tumulte des villes, la mosquée d’Al-Midhmar demeure aujourd’hui un sanctuaire d’apprentissage, de transmission, de paix. On y récite encore les vers du fondateur :
Je suis venu à toi, ô Envoyé de Dieu, par-delà les dunes d’Oman jusqu’à al-‘Arj,
Pour que tu intercèdes en ma faveur,
Et que je revienne chez les miens avec le fleuve de la miséricorde au creux de mes paumes.

Un legs, un souffle, une lumière
En elle se lit l’humilité des débuts, l’ardeur d’une conversion sincère, la foi nue d’un homme seul qui quitta les dieux de pierre pour s’en remettre à l’Invisible. En elle, l’islam d’Oman prend racine, non dans la conquête, mais dans l’invocation. Non dans la force, mais dans la constance.
La mosquée Al-Midhmar n’est pas un monument à visiter : c’est une âme à écouter. Elle est le silence d’Oman devenu prière. Elle est l’écho du premier pas vers Dieu, lorsque l’on quitte les ténèbres pour se tourner vers la lumière.
*article paru dans le n°67 de notre magazine Iqra.
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