Lumière et lieux saints de l'Islam, à la découverte des mosquées du monde (n°60) - La Mosquée El-Atiq de Sétif
- Guillaume Sauloup
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Il est des pierres qui prient. Des murs qui soupirent vers l’Orient, comme s’ils voulaient saluer Médine. Il est des édifices où l’âme du croyant ne fait plus qu’un avec la lumière. La mosquée El-Atiq, dans la ville haute de Sétif, est de ceux-là.
Édifiée en l’an 1262 de l’Hégire, soit 1845 pour les calendriers de ce monde, cette maison de Dieu fut élevée sur un sol béni, offert fi sabīli-Llāh par une femme kouloughlie, fille d’un sang mêlé entre la Sublime Porte et les terres berbères, entre le croissant de l’Empire ottoman et le soleil africain.
Elle donna en silence, mais l’Histoire grava son geste dans les mémoires, comme on grave une sourate sur une pierre tendre. Ce sanctuaire naquit de la niya pure d’un peuple : les Algériens l’élevèrent par leurs dons, Sadaqa, et des ingénieurs ottomans venus des rives du Bosphore unirent leur science à celle d’ouvriers italiens, en une fraternité d’hommes guidés non par l’avidité, mais par la foi.
L’architecture de cette mosquée, telle une écriture divine dans la matière, conjugue l’élégance sacrée de l’art islamique ottoman avec les lignes de sagesse héritées des mondes grec et romain.
L’inspiration ottomane s’y laisse deviner dans la douceur des voûtes, la délicatesse des arabesques végétales, la répétition des motifs géométriques qui évoquent la perfection du divin. Chaque ornement, loin de flatter l’œil, invite à la méditation : il est invocation silencieuse, dhikr gravé dans la pierre. Les couleurs, les volumes, les jeux d’ombre et de lumière – tout y parle du Tawhid, l’unicité de Dieu.
Et pourtant, cette beauté n’est pas seule : elle dialogue avec l’antique. Les arcs en plein cintre, hérités du génie romain, donnent à l’édifice une respiration majestueuse. Les proportions, empruntées au canon grec, accordent à l’ensemble une paix visuelle, comme un équilibre sacré entre l’homme et le cosmos. La mosquée El-Atiq ne copie pas : elle accueille. Elle transforme. Elle islamise l’héritage classique avec la noblesse de celui qui n’a rien à prouver, et tout à offrir.
Mais ce qui frappe le regard et élève l’esprit, c’est son minaret. Carré, massif, dressé comme un doigt tourné vers le ciel, il rompt avec les formes habituelles de l’Afrique du Nord. Ce n’est pas une tour, c’est un appel. Il dit la permanence, la stabilité, la prière sans fin. Il est rare, ce minaret à quatre angles : il est témoin d’une synthèse artistique audacieuse, d’une volonté de marquer la présence de l’islam par l’intelligence de la forme.

À l’intérieur, deux espaces se partagent la lumière. Le plus ancien, de plan rectangulaire, rappelle les premières masâdjid Hijaz, humbles et tournées vers La Mecque. Le plus récent, presque carré, évoque la Ka’ba, cœur géométrique de la foi. Le mihrâb, niche sacrée, y est orné de motifs si délicats qu’ils semblent brodés par des mains invisibles. Le regard s’y perd, l’âme s’y retrouve.
Initialement conçue pour 300 fidèles, la mosquée, agrandie sous l’occupation et restaurée après l’indépendance, peut aujourd’hui accueillir 2500 âmes prosternées. Deux siècles ont passé, mais rien n’a altéré la force de sa présence. Le binyān demeure. La structure tient bon. La foi aussi.
Aujourd’hui encore, la mosquée El-Atiq vit. Classée parmi les monuments historiques par la main humaine, elle l’était depuis toujours dans le Livre du Très-Haut. Elle abrite une école coranique, des cercles de dhikr, des voix d’enfants apprenant à réciter la parole divine, et chaque aube, un mu’adhdhin s’élève, rappelant au monde que la prière est meilleure que le sommeil.
La mosquée El-Atiq n’est pas une simple bâtisse. Elle est un verset bâti. Une sourate sculptée. Une invocation collective, née d’une femme, portée par un peuple, gardée par les anges.
Qu’Allah la protège ! Et qu’elle demeure, jusqu’à la dernière Heure, une oasis pour les âmes assoiffées.
*article paru dans le n°65 de notre magazine Iqra.
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