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Regard fraternel (n°50) - Le jeûne rassemble les monothéistes



Le jeûne est une pratique partagée par de nombreuses religions, chacune l’adoptant de manière spécifique selon ses traditions spirituelles et ses enseignements. Saviez-vous qu’il existe des formes de jeûne de 25 heures, sans nourriture ni boisson, ou bien d’autres qui permettent de manger tout en s’interdisant certains aliments, comme la viande ? Le jeûne fait partie des rites abrahamiques. Ceci dit, il était déjà présent bien avant l’Islam, comme le montre le verset coranique : « Ô vous qui avez cru, le jeûne vous est prescrit comme il a été prescrit à ceux avant vous, afin que vous deveniez pieux. » (Sourate Al-Baqara, verset 183).


Le jeûne rapproche les âmes et les cœurs


En 2023, une rare coïncidence avait réuni juifs, chrétiens et musulmans dans un même élan spirituel : Pessa’h, la Semaine sainte et Pâques, ainsi que le Ramadhan et l’Aïd al-Fitr. Tous avaient eu lieu durant le même mois. Cette convergence avait offert un moment de réflexion sur ce qui unit ces traditions à l’islam, bien au-delà de leurs différences.


Cette année encore, le calendrier rapproche ces communautés dans l’expérience du jeûne : les chrétiens entrent en Carême le 5 mars, les musulmans ont débuté le Ramadhan le 1er mars, et les juifs jeûnent le 13 mars pour le « jeûne d’Esther ». Comme un rappel discret mais puissant que, malgré les chemins distincts, la quête de spiritualité, de dépassement et de fraternité reste universelle.


Le jeûne dans la tradition juive


Les juifs pratiquants jeûnent six jours par an, et leurs pratiques du jeûne incluent des rituels d’austérité. Les enfants, les malades, les femmes enceintes et les mères allaitantes sont exemptés du jeûne. Chez les juifs, le jeûne est souvent lié à des événements historiques marquants, notamment la destruction du Temple de Salomon et le siège de Jérusalem par Nabuchodonosor, événements relatés dans la Bible. Il n’existe pas un seul type de jeûne, mais plusieurs, chacun ayant un but spirituel et de rédemption, afin d’élever l’âme du croyant.


Le jour le plus important du jeûne pour les Juifs est le « Yom Kippour » (Jour du Grand Pardon), qui tombe en septembre ou octobre. Ce jour-là, ils jeûnent pendant 25 heures, accompagnées de nombreuses prières. Les hommes portent un châle blanc, de même que les femmes s’habillent également en blanc. Le jeûne le plus important après Yom Kippour est celui du 9 août, suivi du 13 novembre, appelé « Jeûne de Guedalia », en mémoire du gouverneur de Jérusalem tué.


Les Juifs jeûnent également le 17 juillet, ainsi que le 10 de Tevet dans le calendrier hébraïque (qui correspond à décembre ou janvier), en souvenir du siège de Jérusalem par le roi babylonien Nébucadnetsar. Il y a aussi le jeûne du 13 mars pour célébrer le « jeûne d’Esther », en commémoration de la délivrance des juifs du massacre ordonné par Hamann, le ministre du roi perse Xerxès, d’après la tradition juive.


Il existe également deux types de jeûne chez les Juifs : l’un est individuel, appelé le « jeûne du deuil », pratiqué lors d’une perte personnelle ou pour expier un péché. L’autre est collectif, et il n’est pas fixe, il est souvent observé lors de périodes de malheur général, comme une mauvaise récolte, ou des invasions de sauterelles...


De plus, certains groupes juifs, notamment les Ashkénazes et certains Séfarades, ont pour coutume de jeûner le jour de leur mariage, une tradition particulièrement suivie chez les jeunes mariés.


Le jeûne dans la tradition chrétienne


La tradition chrétienne recommande le jeûne comme une préparation spirituelle avant Pâques. Le jeûne a initialement duré quarante jours, mais il a été étendu à six semaines, donnant naissance au « grand carême ».


Durant cette période, l’Église interdit la consommation de viande animale et de produits laitiers, bien que la pratique varie selon les différentes Églises. L’Église orthodoxe russe interdit non seulement la viande, mais aussi le poisson. En revanche, l’Église catholique en Angleterre permet à ses fidèles de consommer de la viande et du poisson pendant le carême, sauf lors de certains jours, comme le mercredi, le vendredi et le jeudi saint. Les chrétiens coptes orthodoxes, quant à eux, observent un jeûne plus strict en s’abstenant de viande, de produits laitiers et de leurs dérivés pendant plusieurs jours.


Dans l’Église catholique


Il commence à minuit et se termine à midi, et s’applique à toute personne âgée de sept ans et plus, jusqu’à soixante ans pour les hommes et cinquante ans pour les femmes. Le jeûne le plus important dans l’Église catholique est le grand carême, pendant lequel les fidèles s’abstiennent de viande, de produits laitiers et des produits à base d’œufs, de fromage, de lait et de beurre, les mercredis et vendredis.


Dans l’Église orthodoxe orientale


Le jeûne dans l’Église orthodoxe orientale est similaire à celui des catholiques, en particulier le grand carême, qui est également d’une durée de cinquante ou cinquante-cinq jours. Ce jeûne commence chaque année un lundi, selon un calendrier astral pour ajuster la date. L’Église orthodoxe a aussi plusieurs autres périodes de jeûne importantes, comme le jeûne de la Nativité (quarante jours du 25 novembre au 6 janvier), le jeûne des apôtres (sans durée fixe, depuis l’époque des apôtres), et le jeûne de la Vierge (cinquante jours), entre autres.


Dans l’Église protestante


Dans l’Église protestante, le jeûne est une pratique volontaire. Chaque individu décide de jeûner à sa propre convenance, selon ses désirs et sa sensibilité spirituelle. Il n’est pas obligatoire et n’implique pas de règles strictes. Si un protestant décide de rompre son jeûne, il peut consommer ce qu’il souhaite.


Ainsi, bien que le jeûne soit une pratique chrétienne commune, sa durée et ses règles varient considérablement selon les traditions et les convictions de chaque dénomination. Cette année encore, les chemins du jeûne se croisent, tissant un lien invisible entre juifs, chrétiens et musulmans. Dans le silence de la prière, dans l’effort du renoncement, dans l’espérance qui accompagne chaque aurore, il y a quelque chose qui dépasse les dogmes, il s’agit d’une même quête de lumière, de paix et de dépassement de soi.


Alors que le monde se déchire trop souvent sur ses différences, ces jours de recueillement rappellent que, par-delà les mots et les rites, il demeure une vérité essentielle : nous jeûnons peut-être différemment, mais nous espérons ensemble.



*Article paru dans le n°57 de notre magazine Iqra.



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