Récits célestes (n°65) - Big Bang, entre une théorie cosmologique et un récit céleste
- Guillaume Sauloup
- il y a 4 heures
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Par Nassera Benamra
La théorie du Big Bang explique l’origine de l’Univers, encore réduit à une densité inimaginable, et qui s’est mis à se dilater à grande vitesse pour devenir ce noyau que nous habitons. La science raconte cette histoire qui, depuis un siècle, se précise au fil des observations et des modèles, sans pour autant lever tous les mystères de nos origines. Les chercheurs décrivent l’expansion de l’espace. Mais, depuis des millénaires, les trois religions abrahamiques déplient leurs propres récits. Entre la rigueur des équations et la profondeur des textes sacrés, le débat sur les commencements continue d’ouvrir un espace de dialogue, parfois inattendu, entre science et spiritualité.
Comprendre la théorie du Big Bang
Avant plus d’un siècle, le physicien Georges Lemaitre évoque pour la première fois l’origine de l’Univers à travers la théorie cosmologique Big Bang, et la décrit comme un phénomène dont la matière et l’énergie se concentrent dans un point dense et extrêmement chaud. Il ne s’agit donc pas d’une explosion dans un espace qui existait avant.
Au fil du temps, l’Univers commence à s’étendre et à se refroidir. Sous cet effet, les particules élémentaires se forment, suivies de l’apparition des premiers atomes. Quelques milliers d’années suffisent pour qu’il atteigne une température suffisamment basse permettant aux électrons de se combiner avec les protons pour donner naissance aux atomes d’hydrogène et d’hélium, formés quelques minutes après la nucléosynthèse primordiale. Ce processus est connu sous le nom de recombinaison. Les galaxies, quant à elles, ne se sont constituées que plusieurs millions d’années après le Big Bang. La NASA estime d’ailleurs l’âge de l’Univers à environ 14 milliards d’années (13,7 milliards).
Comment les religions racontent-elles la création de l’univers? Est-ce que les récits célestes contredisent les connaissances scientifiques contemporaines ?
Dans le Judaïsme
Chez le peuple juif, la Genèse est le premier livre de la Torah. Elle présente le plan de Dieu pour le monde et constitue la matrice de tout ce qui existe, la matrice même de l’Univers. La Torah, essence du judaïsme, est également considérée comme l’essence de toute la Création. Dans le Livre saint, comme dans la Bible, Dieu crée l’Univers en six jours.
Plus tard, le Rav Eliyahou Dessler, dans le célèbre Mikhtav Mé-Eliyahou, tome II, p. 151 (en hébreu), développera les propos du Ramban : « Dans son sens profond, le « jour » de la Création porte une signification différente… Ce n’est que pour nous, êtres créés, que le récit de la Création a été formulé sous l’apparence d’une durée de six jours. »
« Chacune de ces journées est une Création en soi, distincte des autres. Il est donc clair que les six jours de la Création consistent en six forces, en six dévoilements distincts, au cours desquels les cieux et la Terre se sont formés. »
Mais ce qui mérite réflexion, c’est que le calendrier juif ne commence pas avec l’événement de la Création du monde, mais avec la naissance d’Adam, le premier homme (Genèse 1,27). Le calcul qui nous conduit aujourd’hui à l’année 5786 correspond donc au temps écoulé selon les générations qui ont succédé à Adam, premier être humain. Les six jours de la Création, antérieurs à l’apparition d’Adam, ont ainsi été exclus de ce décompte.
Dans le Christianisme
Le récit juif relatif à la création de l’Univers est similaire dans la tradition Chrétienne, puisque les chrétiens fondent aussi leurs croyances sur le même ensemble de textes qui se réfèrent à l'Ancien Testament, mais ils ajoutent un Nouveau Testament.
Dans la foi chrétienne, l’Univers représente l’ensemble de l’existence créée par Dieu l’Éternel, intégrant à cette existence l’espace et le temps. La création, la préservation et la gouvernance de l’Univers sont perçues comme des signes révélant l’existence, la majesté et la puissance de Dieu. Dans la tradition chrétienne, la relation à Jésus occupe une place centrale pour comprendre le lien de l’être humain avec cet Univers que le Christ soutient. Ainsi, l’homme est considéré comme le gardien de l’Univers créé en six jours.
Le pape François avait déclaré que la théorie de l'évolution n'était pas incompatible avec la Création. Il avait même dit dans un discours prononcé à l’Académie pontificale des Sciences, en octobre 2014 : « Le Big Bang, que nous pensons être à l'origine du monde, n'annule pas l'intervention d'un créateur divin. L'évolution dans la nature n'est pas contradictoire avec la notion de création car l'évolution nécessite la création d'êtres qui évoluent. »
Dans l’Islam
On s’accorde généralement à dire que la théorie du Big Bang constitue l’un des points de controverse majeurs dans le débat entre science et religion. Elle découle directement du constat de l’expansion de l’Univers, expansion qui se poursuit encore aujourd’hui.
Nombre de croyants ne souscrivent pas à cette théorie ; pour eux, elle semble contredire l’idée qu’Allah a créé l’Univers, et la science demeure incapable d’expliquer l’origine de la singularité initiale. Pourtant, le Coran établit un lien entre le phénomène d’« explosion » que décrit le Big Bang et la création de l’Univers par Allah, en exprimant des éléments qui concordent avec ce que cette théorie met en lumière.
*Article paru dans le n°86 de notre magazine Iqra.
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