Sabil al-Iman (n°66) - Aux portes du dernier souffle
- Guillaume Sauloup
- 22 mai
- 6 min de lecture

La mort, chers amis de la foi, n’est ni un néant, ni un adieu, c’est un passage.
Un basculement d’une rive à l’autre de l’existence, un franchissement du visible vers l’invisible. Allah dit dans Son Livre : « Toute âme goûtera la mort. » (Sourate El ‘Imran, 185).
Le Coran parle ici de « goûter » la mort — non pour l’édulcorer, mais pour rappeler que ce moment est une expérience réelle, individuelle, solennelle. Et que derrière ce goût… se cache un monde.
MOURIR, C'EST COMMENCER AUTREMENT
L’islam n’élude pas la mort. Il l’intègre comme une composante noble de la vie.
Celui qui meurt ne cesse pas d’être : il change d’état, comme le voyageur qui quitte un désert pour un jardin. La tradition prophétique nous enseigne cela avec une finesse inégalée.
Le Prophète ﷺ a pleuré la mort de son fils Ibrahim, en disant : « Les yeux pleurent, le cœur s’attriste, mais nous ne disons que ce qui plaît à notre Seigneur. » (Rapporté par el-Bukhari)
Ces larmes ne furent pas une faiblesse, mais la trace d’un amour lucide, ancré dans l’acceptation divine. L’islam permet les larmes, refuse la révolte, et recommande la douceur au seuil de la séparation.
LE PROPHETE ﷺ : UNE PEDAGOGIE DE LA MORT
Jusqu’au bout, il fut un éducateur. Il recommandait aux croyants de faire dire à leurs mourants : « Lâ ilaha illâ Allah. » (Muslim)
Et quand son heure arriva, il murmura doucement : « Plutôt le Compagnon Suprême…» (al-Rafiq El-A‘la). Ce fut sa dernière invocation. Un retour plein d’amour. Un choix. Un exemple.
UNE BELLE FIN : LE FRUIT D'UNE VIE CONSCIENTE
Dans la tradition, on parle de « housn El-Khatima », la belle fin. Elle ne s’improvise pas.
Elle se prépare par l’habitude du dhikr, l’orientation du cœur, et la sincérité de l’intention.
On raconte que Bilal رضي الله عنه, à l’agonie, répétait : « Demain, je rencontrerai les bien-aimés : Mohamed et ses compagnons ! »
Il ne voyait pas la mort. Il voyait la Rencontre.
AUJOURD'HUI : MOURIR DANS UN MONDE QUI A OUBLIE LA MORT
Dans nos sociétés modernes, la fin de vie est souvent hygiénisée, anesthésiée, médicalisée à l’excès. On meurt seul dans des couloirs aseptisés, loin de nos proches, loin du Qurân, loin d’Allah.
La mort est devenue un tabou technique. Une gêne. Un échec de la science.
Mais pour le croyant, mourir reste un acte spirituel.
Là où certains voient l’interruption, nous voyons la transition.
Là où d’autres cherchent l’euthanasie, nous cherchons la patience, la présence, l’invocation.
L'ACCOMPAGNEMENT SPIRITUEL : UN DEVOIR
Il est urgent de retrouver le sens du compagnonnage autour du mourant.
Tenir sa main. Lire avec lui. Réciter les sourates courtes. Chuchoter le Nom d’Allah.
L’accompagnement ne remplace pas les soins. Il les transcende.
C’est ce qui transforme une chambre stérile en sanctuaire de lumière.
ET CEUX QUI MEURENT DEBOUT ?
Regarde Ghaza. Regarde les martyrs sous les décombres.
Ils meurent sans morphine, sans respirateur.
Mais avec le dhikr sur la langue, le tawakkul dans le cœur, et les yeux vers le ciel.
Mourir dans ces conditions, ce n’est pas une tragédie.
C’est un acte d’amour. Un témoignage. Une ‘aqida incarnée.
Ô vous qui vivez sans songer à mourir,
Et vous qui mourez sans jamais avoir vécu,
Apprenez qu’en islam, la fin n’est qu’un début :
Le tombeau est un berceau,
Et la Shahada… une clé vers l’Absolu
*Article paru dans le n°66 de notre magazine Iqra.
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