Focus sur une actualité (n°59) - Ghaza : un Aïd sans fête, sous les ruines et la faim
- Guillaume Sauloup
- 6 juin
- 5 min de lecture
Dans la bande de Ghaza, l’Aïd El-Adha devait être, comme chaque année, un moment de recueillement, de partage et de joie. Mais en ce mois de juin 2025, aucune célébration n’est possible. Les rues ne sont plus que poussière et gravats, les maisons un souvenir, les marchés déserts. À la place des chants de l’Aïd, ce sont les drones, les tirs et les cris qui résonnent. La fête a été défigurée, dépossédée de sa lumière par une guerre qui n’épargne ni les vivants, ni les morts.
Depuis vingt mois, Israël mène une offensive continue contre la bande de Ghaza, avec le soutien explicite des États-Unis. Le territoire, déjà soumis à un blocus implacable depuis 18 ans, vit désormais sous un régime de destruction systématique. L’accès à l’aide humanitaire est entravé, les points de passage sont verrouillés, les convois ralentis ou interdits. La famine, qui progresse à bas bruit depuis des mois, est devenue une stratégie de guerre. Selon les Nations unies, 100 % de la population est aujourd’hui menacée de famine.
Les symboles de l’Aïd, vêtements neufs, sacrifices, repas partagés, cadeaux, ont tous disparu. Il n’y a ni viande, ni eau potable, ni médicaments. Les familles, déplacées plusieurs fois, survivent dans des tentes de fortune, exposées à la chaleur, à l’insécurité, et au manque total d’hygiène. Ghaza, que certains décrivaient naguère comme « la plus grande prison à ciel ouvert », est désormais un champ de ruines à ciel ouvert. L’effondrement est total : infrastructures détruites, hôpitaux saturés, économie anéantie.
Dans ce paysage dévasté, les rares distributions d’aide virent au chaos. Bousculades, tirs, pénuries : chaque colis devient une épreuve. La récente tragédie de Rafah, où des dizaines de civils ont trouvé la mort en cherchant de la nourriture, illustre l’extrême brutalité du dispositif en place. Les ONG humanitaires dénoncent un système inefficace, parfois déshumanisant, où l’aide devient elle-même un vecteur de violence.
Loin d’un cessez-le-feu, les négociations entre Israël et le Hamas sont au point mort, tandis que les appels de la communauté internationale restent ignorés. La Cour internationale de justice a pourtant ordonné des mesures de protection immédiates pour les civils. En vain. Les chiffres sont accablants : plus de 178 000 morts et blessés, dont une majorité de femmes et d’enfants, des centaines de milliers de déplacés, et une famine désormais documentée comme cause directe de décès.
À Ghaza, cet Aïd ne sera pas un jour de fête, mais une date de plus dans le calendrier du deuil. Un peuple tente de survivre au milieu des ruines, entre un passé détruit et un avenir confisqué. Ce qui s’y joue n’est plus seulement une crise humanitaire : c’est une faillite morale et politique à l’échelle du monde.
*Article paru dans le n°68 de notre magazine Iqra.
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