Le Coran m’a appris (n°29) - Le migrant et le miroir du voyage intérieur
- Guillaume Sauloup
- il y a 26 minutes
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Par Cheikh Khaled Larbi
Ils partent quand rester
devient une lente disparition,
Ils marchent quand l’immobilité
se fait négation.
Leurs valises sont légères,
mais leurs cœurs chargés d’histoires,
Et sous leurs pas fatigués,
le Coran déploie sa mémoire.
Le monde les nomme migrants,
souvent avec distance ou soupçon,
Le Coran, lui, les appelle âmes
en quête de rédemption.
Car partir n’est pas toujours une fuite.
Parfois, c’est la dernière fidélité à la vie !
Le départ : non pas une faute, mais une question
Le Coran évoque avec gravité ceux qui meurent prisonniers de l’injustice qu’ils subissent ou bien qu’ils acceptent :
إِنَّ الَّذِينَ تَوَفَّاهُمُ الْمَلَائِكَةُ ظَالِمِي أَنْفُسِهِ
« Ceux dont les anges reprennent l’âme alors qu’ils se sont fait du tort à eux-mêmes.… »
Coran, 4 :97
Ce verset n’accuse pas le départ. Il interroge l’inaction.
Il ne condamne pas celui qui part, il questionne celui qui renonce à sa dignité.
Les anges demandent : « Où en étiez-vous ? » Non pas : « Pourquoi êtes-vous partis ? »
Ainsi, le Coran renverse la perspective morale : rester dans l’humiliation quand une issue existe, peut devenir une forme d’abandon de soi.
Le migrant n’est donc pas nécessairement celui qui fuit, mais parfois celui qui refuse de mourir intérieurement.
Le migrant comme figure universelle du croyant
Le Coran m’a appris que le migrant n’est pas seulement celui qui traverse des frontières géographiques. Il est le miroir du croyant lui-même.
Le Prophète ﷺ a dit : « Le véritable émigré est celui qui abandonne ce qu’Allah a interdit. » (Sahîh ElBoukhârî)
Ainsi, la Hijra devient une dynamique intérieure permanente : migrer du péché vers la lumière, de l’orgueil vers l’humilité, de la rancune vers le pardon, de la peur vers la confiance.
Chaque croyant est un migrant en devenir.
Chaque conscience éveillée est une terre quittée.
Le migrant visible dans nos rues nous rappelle le migrant invisible que nous sommes devant Dieu.
Les grandes figures de l’exil dans le Coran
Le Coran ne raconte pas des vies immobiles.
Il raconte des vies déplacées, bousculées, éprouvées.
Ibrahim (Abraham) quitte sa terre, son père, son peuple :
« Je pars vers mon Seigneur, Il me guidera »
Coran, 37 :99
Moussa (Moïse) fuit l’oppression avant de recevoir la mission.
Maryam (Marie) s’éloigne seule, incomprise, enceinte, vulnérable :
« Elle se retira avec lui en un lieu éloigné »
Coran, 19 :22
Tous ont connu l’exil avant l’élévation.
La solitude avant la révélation.
Le doute avant la clarté.
Le Coran fait de l’exilé non pas une victime, mais un compagnon de méditation, un maître silencieux du courage.
Le regard des hommes et le regard de Dieu
Les sociétés classent, étiquettent, soupèsent.
Le migrant devient chiffre, dossier, problème.
Mais Dieu regarde autrement.
« Et la terre d’Allah est vaste »
Coran, 4 :97
Ce verset est une respiration. Il rappelle que la dignité humaine ne se limite pas à un sol, ni la miséricorde divine à une frontière. Ils me verront migrant, avec leur regard inquiet, parfois méfiant.
Le Coran me voit voyageur, en marche vers une version plus juste de moi-même.
Comme l’écrivait Ibn al-Qayyim : « Le cœur ne demeure jamais immobile ; il chemine soit vers Dieu, soit loin de Lui. »
L’exil comme signe, non comme échec
Entre la terre quittée et l’âme retrouvée, Dieu fait de l’exil un signe. Un signe que l’homme n’est pas fait pour s’installer dans l’injustice. Un signe que la foi est mouvement, et non fossilisation.
Un signe que parfois, perdre un pays, c’est sauver une âme.
Le pas hésitant devient lumière,
lorsqu’il est porté par l’intention droite (niya).
Ils partent avec peu, mais portent l’essentiel,
Une foi fragile, mais un espoir immortel.
Le monde les appelle migrants,
souvent à contrecœur,
Le Coran les nomme voyageurs du dedans
et du dehors.
Et moi, entre deux rives, je comprends enfin : si l’homme migre sur la terre, c’est pour que son cœur apprenne à demeurer en Dieu.
*Article à paraître dans le n°90 de notre magazine Iqra.
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