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Regard fraternel (n°55) - Quand l'histoire éclaire notre deuil



Nous, musulmans, croyons que chaque âme retourne à son Seigneur au moment écrit. Que le Pape François ait quitté ce monde un 21 avril, jour de Pâques, n’est pas un hasard pour les cœurs qui savent écouter. En ce moment de recueillement, nous nous souvenons que le Sultan Mohamed El-Fateh et avant lui le Calife Omar Ibn Al-Khattab et Haroun Al- Rachid ont protégé les chrétiens, respecté leur foi et honoré la présence de Dieu en chacun. Leur geste est une lumière que nous devons, nous musulmans, raviver aujourd’hui, dans un esprit de miséricorde et de fraternité.


Ils ont été les élèves d’un Maître, Mohamed, Messager de Dieu (paix et salut sur lui), qui a tracé une voie où la justice, la compassion et la fidélité demeurent vivantes à ce jour.


Dès l’an 615, alors que ses compagnons subissaient persécutions et tourments à La Mecque, le Prophète (paix et salut sur lui) leur recommande de chercher refuge auprès du Négus d’Abyssinie (actuelle Éthiopie). Un roi chrétiens juste, appelé Ashama Ibn Abjar, les accueillit, les arrachant à leurs ennemis. A la mort du Négus vers 630, le Prophète pria pour lui en l’absence de sa dépouille (Salat El-Ghaib), geste exceptionnel dans l’histoire islamique, symbole de reconnaissance et d’affection profonde pour ce souverain.


Dès l’an 615, alors que ses compagnons subissaient persécutions et tourments à La Mecque, le Prophète (paix et salut sur lui) leur recommande de chercher refuge auprès du Négus d’Abyssinie (actuelle Éthiopie). Un roi chrétiens juste, appelé Ashama Ibn Abjar, les accueillit, les arrachant à leurs ennemis. A la mort du Négus vers 630, le Prophète pria pour lui en l’absence de sa dépouille (Salat El-Ghaib), geste exceptionnel dans l’histoire islamique, symbole de reconnaissance et d’affection profonde pour ce souverain.


Après lui, en 638, le Calife Omar ibn AlKhattab, (qu’Allah l’agréé) arrive aux portes de Jérusalem, alors sous domination byzantine. Invité à prier dans une église du Saint-Sépulcre, il refuse par respect, craignant qu’un jour les musulmans ne s’en emparent. Il conclut alors le célèbre Pacte d’Omar, garantissant aux chrétiens la protection de leurs vies, de leurs lieux de culte et de leurs biens. Ce pacte restera dans ma mémoire comme l’un des plus grands gestes de respect interreligieux de l’histoire.


Plus tard, en 1187, Al-FATIH Salaheddine ElAyoubi (Saladin), après avoir repris Jérusalem aux Croisés, lors de la Bataille de Hattin, refusera toute représailles contre les populations chrétiennes, et respectera leurs lieux de culte et leurs rites. Conscient des divisions internes parmi les Églises chrétiennes, il confie la garde des clés de l’église de SaintSépulcre à deux familles musulmanes de Jérusalem, les familles Nusseibeh et Jouden, tradition qui se perpétue encore aujourd’hui, symbole vivant du souci musulman de préserver la paix entre chrétiens eux-mêmes.


Sous le Calife abbasside, Haroun Al-Rachid (qui régna de 786 à 809) entretenait des relations diplomatiques avec Charlemagne, empereur d’Occident. A travers des échanges d’ambassades et de présents, Haroun Al-Rachid garantissait aux pèlerins chrétiens la protection pour se rendre aux lieux saints, en particulier l’église du Saint-Sépulcre. Pourquoi évoquer cette alliance ? tout simplement pour le lien de Charlemagne avec l’église catholique. Il avait été couronné par le Pape Léon III en l’an 800, scellant une alliance sacrée entre le pouvoir temporel et celui spirituel, en Occident.


S’agissant de Mohamed Al-Fatih, lorsque celuici pénètre dans Constantinople le 29 mai 1453, il e s t j u s t e u n j e u n e s ult a n â g é d’à p ein e 2 1 a n s. Animé d’une vision profondément imprégnée d’enseignement spirituel et de respect envers toutes les confessions, il avait été formé dès son plus jeune âge par d’éminents savants. Loin d’être un conquérant brutal, il incarnait l’héritage d’une éducation islamique rigoureuse, fondée sur les principes de justice et de tolérance.


Mohamed Al-Fatih s’inscrivait dans la continuité d’une tradition de gouvernance éclairée, où la foi musulmane imposait la protection des plus vulnérables, le respect de la liberté de croyance et l’établissement de la justice pour tous. À rebours des pratiques guerrières de son temps, il interdit les pillages prolongés. Dès son entrée dans la ville, il se rend à l’église Sainte-Sophie, haut lieu du christianisme byzantin, où il s’incline en prière pour exprimer sa gratitude envers Dieu. Il proclame publiquement la protection de l’ensemble des communautés chrétiennes. Conscient du rôle essentiel du Patriarcat de Constantinople, Mohamed Al-Fatih fait convoquer Gennadios Scholarios, éminent théologien, et le nomme patriarche en lui accordant tous les honneurs, ainsi qu'une charte de protection, le « Berat », garantissant la liberté de culte, l’autonomie religieuse et la préservation des biens ecclésiastiques. Sous son règne, Constantinople, rebaptisée Istanbul, devient un centre cosmopolite et multiconfessionnel.


Aujourd’hui, au Vatican, tandis que des croyants de toutes confessions pleurent la disparition du pape François, c’est toute une histoire millénaire de fraternité et de respect qui ressurgit dans les mémoires collectives. De Médine à Constantinople, des traités d’Omar aux gestes de Mohamed Al-Fatih, les grandes âmes ont toujours reconnu que la dignité humaine transcende les appartenances confessionnelles. Le pape François, artisan infatigable de la fraternité humaine, n’a fait que raviver cette lumière ancestrale. Ainsi, au-delà du deuil, c’est une page lumineuse de notre histoire commune que nous relisons ensemble.



*Article paru dans le n°63 de notre magazine Iqra.



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