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Récits célestes (n°48) - Les mecquoises gardiennes de la Kaaba le Jour de Arafat, « Consolatrices du Haram »


À La Mecque, un rituel ancestral, peu connu en dehors de la ville sacrée, se perpétue chaque année le jour de Arafat. Tandis que les hommes se rendent en masse vers les lieux saints pour accomplir les rites du hadj, un rôle essentiel revient aux femmes, celui d’assurer la garde du Haram Al-Mecqui. Cette tradition est connue localement sous le nom d’« Al-Khoulayf » (يوم الخليف), une appellation propre aux habitants de La Mecque, que l’on pourrait traduire par « la relève ». Ce terme, chargé de sens, reflète à la fois la continuité du lien avec le sanctuaire sacré et la responsabilité transmise aux femmes en ce jour particulier.


Les consolatrices de la Maison sacrée d’Allah, histoire d’un héritage ancestral


Ce jour-là, les rues de La Mecque et surtout l’enceinte du Haram se vident presque entièrement de leurs hommes, partis en pèlerinage vers Arafat, laissant le sanctuaire quasiment désert. Mais la Kaaba ne reste pas seule. Dès l’aube et jusqu’à la nuit précédant l’Aïd, les femmes de la ville affluent en grand nombre pour veiller sur le lieu sacré, prier et maintenir vivante la présence des fidèles.


Connues sous le nom de « Moû’nisat al-Haram » « مؤنسات الحرم » ou « les consolatrices du Haram » ces femmes ont pour mission de préserver l’esprit du sanctuaire, d’assurer la sécurité et la propreté, mais aussi de servir les jeûneurs en leur offrant des repas, dans un geste d’accueil et de générosité. Cette tradition est un symbole fort, d’engagement et de dévotion féminine, transmise de génération en génération, qui fait partie intégrante du tissu social et spirituel de la ville.


Le jour de Arafat, le visiteur attentif remarque que le Haram n’est pas désert. Il est habité par ces femmes pieuses qui tournent autour de la Kaaba, accomplissant le tawaf et la Omra, tenant les lieux dans une présence silencieuse mais essentielle, jusqu’au milieu de la nuit de l’Aïd.


Ce rite, bien plus qu’une simple habitude, rappelle que la garde du Haram n’est pas seulement l’affaire des hommes, mais les femmes de La Mecque en sont aussi les gardiennes fidèles, veillant avec ferveur sur le cœur de l’islam pendant l’un de ses moments les plus sacrés.


Un acte conforme à la jurisprudence et à la dévotion féminine


Il s’avère que le Tawaf autour de la Kaaba, loin d’être un simple rituel réservé au pèlerinage, constitue un acte de dévotion licite et profondément spirituel. Ce rite peut être accompli à tout moment par les habitants de La Mecque comme par ses visiteurs, même le jour de Arafat, alors que la Mosquée Sacrée reste ouverte à ceux qui ne participent pas directement au hadj.


Le Prophète Mohamed (paix et bénédictions sur lui) a lui-même encouragé à ne jamais empêcher quiconque d’accomplir le tawaf, de prier ou d’évoquer Allah dans cette Maison sacrée, à toute heure du jour et de la nuit. Selon un hadith authentique rapporté par Al-Bukhari, il a recommandé : « Ne laissez personne empêcher un autre d’accomplir le tawaf dans cette Maison. »


Dans ce contexte, le Tawaf silencieux pratiqué par ces mecquoises, dans une atmosphère dépouillée des foules, s’inscrit parfaitement dans l’éthique de l’adoration en islam. Il se transforme alors en un geste de gardiennage spirituel, une présence douce et respectueuse qui veille sur la Kaaba, à l’image des femmes pieuses qui, à travers l’histoire, ont toujours joué un rôle essentiel dans la mémoire et la spiritualité des lieux saints.


 Ces femmes, loin de toute revendication, trouvent dans ce moment une forme de tawhid intime et puissante, tournant autour de Dieu dans le calme, tandis que d’autres L’invoquent de loin. Elles sont ainsi plus que des fidèles, elles sont les confidentes de la Maison sacrée, veillant avec délicatesse sur la continuité de la lumière fragile de la Kaaba. Ces femmes sont aussi présentent dans le Masdjid Al-Haram montrant un grand sens de pudeur, bienséance et de responsabilité


Des mecquoises pionnières aux gardiennes contemporaines de la mémoire sacrée


Depuis l’époque du Prophète Mohamed (paix et bénédiction sur lui), les femmes de La Mecque ont joué un rôle essentiel et irremplaçable dans la transmission de la Sira prophétique et des hadiths, véritables piliers de la tradition islamique. Parmi elles, Khadija, première épouse et conseillère du Prophète (paix et bénédiction sur lui), était une source de soutien inébranlable. Aïcha, mère des croyants, s’impose, quant à elle, comme une référence majeure dans la préservation et la diffusion des enseignements prophétiques, avec plus de 2 200 hadiths rapportés par cette grande dame de l’islam. Il ne faut pas non plus oublier Oum Salama, l’une des meilleures narratrices des traditions liées au hadj. Grâce à l’engagement passionné de ces femmes, la lumière des révélations et des pratiques du Prophète (paix et bénédiction sur lui) a traversé les siècles avec clarté et fidélité.


Aujourd’hui, les femmes de La Mecque perpétuent ce legs précieux. Fidèles à cet héritage spirituel, elles œuvrent dans l’ombre, souvent invisibles mais indispensables, pour que la mémoire des lieux saints demeure vivante et lumineuse. En veillant à l’intégrité et à la pureté des rites, en transmettant une spiritualité discrète mais profonde, elles assurent la continuité d’une tradition où la présence féminine est à la fois respectée et indispensable.


Malgré les défis et les mutations du monde moderne, ces Moû’nisat al-Kaaba traduisent la permanence d’un héritage sacré qui surpasse le temps. Elles rappellent à tous que la lumière des lieux saints continue à briller avec la fidélité de ses filles, les descendantes de Khadidja et de Aïcha qu’Allah les agrées, les gardiennes silencieuses, véritables sentinelles d’une histoire sacrée où la voix des femmes a toujours trouvé sa juste place.



*Article paru dans le n°69 de notre magazine Iqra.

 

 


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