Sabil al-Iman (n°75) - Handhala, l’éclat d’une âme tiraillée
- Guillaume Sauloup
- 31 août
- 7 min de lecture

Quand le cœur vacille, la foi scintille…
Quand l’âme chancelle, le rappel étincelle…
Il est des jours où l’on se sent loin, et des nuits où l’on revient soudain.
Entre ferveur et faiblesse, l’homme de foi reste en quête d’allégresse.
Et dans le silence des instants, Dieu parle autrement…
Handhala, ce compagnon discret mais sincère, nous a légué l’un des récits les plus émouvants de la tradition prophétique. Un jour, bouleversé, il court vers Abū Bakr (Radhiya Allahu ʿAnhu) en s’écriant : « Handhala est devenu hypocrite ! ». Face à cette déclaration, Abū Bakr, interloqué, lui demande d’expliquer. Handhala confesse qu’en présence du Prophète ﷺ, il ressent une foi intense, une conscience vibrante du Paradis et de l’Enfer, mais qu’une fois chez lui, avec sa famille, ce sentiment s’efface. Il se sent double, tiraillé entre élévation spirituelle et retour au monde.
Cette parole du cœur, d’une honnêteté rare, va recevoir un éclairage lumineux. Le Prophète ﷺ, consulté à son tour, rassure Handhala avec ces mots profonds : « Si vous étiez toujours dans l’état que vous ressentez en ma présence, les anges vous serreraient la main dans vos lits et dans vos rues. Mais il y a un temps pour ceci, et un temps pour cela. » (Muslim, 2750)
Ce récit, bien plus qu’une anecdote, est une boussole. Il dit ce que tout croyant ressent mais n’ose avouer : la foi n’est pas constante. Elle monte et descend. Elle s’enflamme, puis vacille. Et c’est justement dans cette fluctuation que réside notre humanité.
À l’heure où nos existences modernes sont écrasées par la productivité, saturées de notifications et d’obligations, le récit de Handhala sonne comme une permission divine : celle de ne pas être toujours au sommet, de souffler, de respirer, de douter même, sans cesser d’aimer Dieu.
Prendre un moment pour soi, ce n’est pas s’éloigner de Dieu. C’est souvent revenir à Lui autrement. Une balade en silence, un café en terrasse les yeux vers le ciel, une nuit seule face aux étoiles, peuvent être des actes de spiritualité s’ils sont habités par la conscience.
En été, beaucoup partent en vacances. Et certains culpabilisent de prier moins, de lire moins le Coran. Mais faut-il vraiment opposer détente et foi ? Et si, justement, la vacance devenait une occasion sacrée ? Moins de pression, plus de réflexion. Moins d’agitation, plus de contemplation.
De nombreux jeunes racontent avoir redécouvert leur foi en voyage, loin de leur cadre habituel. À la montagne, sur la plage, dans un pays inconnu, les paysages deviennent versets vivants. La nature devient un minbar. Le vent, un rappel. L’horizon, une prière.
Comme Handhala, chaque croyant sincère est traversé par des marées intérieures. Il faut apprendre à naviguer. À accueillir les baisses de régime avec patience, et à savourer les élans de foi sans arrogance. Car la foi n’est pas un graphique parfait. Elle est un souffle, un battement, une danse invisible.
L’imam El-Ghazali, dans son « Ihyâ’ Ulûm Ed-Din », explique que l’alternance entre présence et oubli, ferveur et distraction, fait partie intégrante de la vie spirituelle. C’est dans la perte momentanée que l’on mesure la valeur du retour. Dieu aime les âmes qui reviennent, même après s’être éloignées. Car revenir, c’est prouver qu’on n’a jamais vraiment quitté.
Alors, cet été, comme Handhala, osons regarder en nous. Non pour juger, mais pour écouter. Le cœur a ses saisons, et l’âme ses besoins. Parfois, une sieste à l’ombre, un verset soufflé par la brise, un mot doux à un inconnu, valent mille prières mécaniques. Car Dieu regarde l’intention, non le nombre.
Alors vis ta foi sans pression, avec passion et modération,
Comme Handhala, accepte la fluctuation, et choisis la connexion,
Car Dieu n’attend pas des machines, mais des cœurs en construction,
Et chaque pas sincère, même hésitant, est une noble direction.
*Article paru dans le n°75 de notre magazine Iqra.
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