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Récits célestes (n°52) - De l’Oued du Feu (El Oukhdoûd) aux Balkans : lorsque l’Histoire croise la Révélation

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En ces jours de juillet, il y a trente ans, le sang a coulé dans les Balkans comme il avait coulé jadis à Najran. L’histoire ancienne s’est rejouée sur une scène nouvelle : des croyants pourchassés, non pour une faute, sinon d’avoir dit : « Notre Seigneur est Allah ». Tandis que le monde restait spectateur, le Coran, lui, avait déjà raconté cette histoire : « Maudits soient les gens du Fossé » (Sourate El-Burûj).


Comme pour rappeler que l’Histoire ne se répète pas en vain, mais pour une sagesse à qui sait réfléchir, et un appel pour celui qui entend.


Lorsque tu lis la sourate El-Burûj, tu n’ouvres pas seulement un exemplaire du Coran : tu parcours un registre de sang, un récit où le ciel rencontre la terre, où la prophétie s’unit à l’humanité, où la Révélation dialogue avec l’Histoire. « Maudits soient les gens du Fossé » (Al-Burûj, v.4) n’est pas seulement un verset parmi d’autres : c’est un cri lancé à la conscience du temps. Un sang versé pour avoir cru. Un feu allumé parce que la lumière s’est levée dans le cœur fragile d’un être qui a refusé de se prosterner pour autre qu’Allah.


Et lorsque tu te tiens aux portes de la Bosnie, tu te souviens que les fossés ne sont pas seulement des crevasses dans la terre, mais aussi des déchirures dans la conscience humaine. Car durant l’été 1995, sous les yeux du monde et sous la protection des Nations Unies, Srebrenica fut livrée aux flammes. Des milliers furent déplacés, et plus de 8 000 musulmans bosniaques furent égorgés, pour l’unique pretexte qu’ils avaient dit : « Notre Seigneur est Allah ».


Du Fossé à Najran jusqu’aux Balkans, le fil demeure le même : une foi consumée dans le corps de ceux qui la portent, des êtres humains conduits au bûcher ou à l’abattoir non pour avoir transgressé une loi, mais pour avoir adoré Dieu.


Dans la sourate El-Burûj, la Révélation évoque un peuple qui creusa des fossés, alluma un feu immense, et s’installa autour de ses flammes pour regarder les croyants brûler vifs.


Puis Dieu dit à leur sujet : « Ils ne leur reprochaient que d’avoir cru en Dieu, le Tout-Puissant, le Digne de louange » (Al-Burûj, v.8). C’est là le crime ancien et toujours recommencé : être haï parce que l’on proclame l’Unicité, être pris pour cible parce que son front ne s’incline que devant son Seigneur.


Lorsque l’on parcourt les pages de l’Histoire, on retrouve cette scène tragique déclinée en de multiples épisodes : les tribunaux de l’Inquisition en Andalousie, les autodafés des bibliothèques de Samarcande, les persécutions des musulmans en Chine…


Mais les massacres des Balkans occupent une place singulière, comparable à celle des Fossés évoqués dans la Révélation.


Car ils se sont déroulés à l’ère des caméras, sous l’œil des Casques bleus et à l’ombre du Conseil de sécurité.


Et dans ce contexte, c’est le silence du monde qui a fait office de combustible à ce crime odieux.


Le Prophète ﷺ a dit : « Il y avait, parmi ceux qui vous ont précédés, un roi qui avait un magicien… » (Muslim, 3005). Il y raconta l’histoire de ce jeune garçon qui crut en Dieu, appela son peuple à l’Unicité, et pour cela, on creusa un fossé dans lequel furent jetés les croyants. Le garçon, lui, donna sa vie pour que les gens connaissent Dieu. Et c’est là le lien profond entre l’épisode du Fossé et les Balkans : des cœurs qui ont choisi la foi, et des corps offerts en sacrifice.


Il n’y a pas de différence entre être consumé par le feu ou enseveli dans une fosse commune. Il n’y a pas de différence entre les cendres qui s’élèvent d’un gouffre et les ossements que l’on extrait des vallées. Car l’histoire est la même : « Ceux qui ont persécuté les croyants et les croyantes, sans se repentir, auront le châtiment de l'Enfer, et le supplice du feu ardent. » (Al-Burûj, v.10)


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Il ne s’agit pas de réduire l’événement à ses seules dimensions politique ou militaire, mais de le relire à la lumière du message révélé : Car Dieu voit. Les lois divines ne changent pas. Et les récits coraniques n’ont pas été transmis pour la seule émotion, mais pour l’édification, l’avertissement, et en témoignage pour ceux qui viennent après.


Du Fossé de Najran aux plaines des Balkans, le Coran ne cesse de rappeler : Ne croyez pas que le feu ait consumé la lumière de la foi, ni que le sang ait mis un terme à l’histoire. Bien au contraire : « Ceux qui ont cru et accompli de bonnes œuvres auront pour récompense des jardins sous lesquels coulent les ruisseaux… Voilà le triomphe suprême. » (Al-Burûj, v.11).


Car dans le Coran, le critère n’est pas la survie, mais la constance. Ce n’est pas le nombre, mais la sincérité.


À Srebrenica, comme jadis à Najran, et en tout lieu où le sang des monothéistes a été versé en toute impunité, La Révélation se dresse en témoin éclairé, non en spectateur silencieux.


Le récit divin n’est pas une fable figée, mais un miroir tendu à la conscience des hommes.


Et quiconque lit sourate Al-Burûj avec les yeux du cœur perçoit, à travers chaque verset, le souffle des Balkans, il distingue, dans chaque crâne exhumé d’une fosse, l’ombre du jeune martyr, et dans chaque fragment d’os calciné, une braise encore vive du feu de l’Oued.


Lorsque l’Histoire croise la Révélation, le récit cesse d’être simple narration : il devient une position, un témoignage engagé. Car lorsque le sang est versé, ce n’est pas d’un communiqué politique dont nous avons besoin, mais d’une certitude inébranlable : « Et ne pense pas que Dieu soit inattentif à ce que font les injustes. » (Ibrahim, v. 44).


C’est ce qu’a proclamé le Coran, et c’est ce que nous devons proclamer à notre tour, chaque fois qu’un nouveau fossé est creusé sous les pas des opprimés, au nom de la sécurité, de la purification… ou du silence.


Dans les Balkans comme dans la sourate Al-Burûj, le feu ne s’éteint jamais sans laisser de traces : des marques indélébiles qui témoignent encore.


L’Histoire n’a pas de mémoire lorsqu’elle oublie ses récits ; et le récit n’a plus d’âme lorsqu’on lui arrache son sens.


Trente années se sont écoulées depuis Srebrenica, et les fosses communes continuent de prononcer le nom du jeune garçon. Les fossés, eux, continuent d’être creusés par les politiques quand la conscience s’endort.


Tant que nous ne nous éveillerons pas, avec certitude, à la lumière des leçons révélées, nous continuerons de découvrir que les tombes d’aujourd’hui ne sont que l’écho des fossés d’hier.


Que les récits célestes soient notre miroir dans la détresse, notre boussole dans l’Histoire, et notre voix dans le témoignage. C’est, à tout le moins, ce que nous devons à ceux qui sont tombés debout, face aux flammes.


« Et les injustes sauront bientôt vers quel retour ils seront renvoyés. » (Ash-Shu‘arâ, v.227).



*Article paru dans le n°74 de notre magazine Iqra.

 

 


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