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Récits célestes (n°52) - Lorsque le Coran institua la balance : le modèle économique dans la Révélation ultime


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Dans un monde secoué par des crises économiques successives, entre inflation galopante et inégalités sociales étouffantes, l’humanité s’interroge : existe-t-il une balance capable de réguler l’argent comme on régule la conscience ? Un modèle éthique peut-il orienter le marché sans sombrer dans une idéalisation déconnectée du réel ?


C’est alors que la Révélation ultime fait entendre son appel majestueux : « Il a établi la balance » (Coran), posant ainsi les fondements d’un modèle économique cohérent, dont les piliers se dégagent des versets, dont les valeurs s’incarnent dans les récits prophétiques, et dont les lois prennent forme dans la cité prophétique. Un modèle où la miséricorde devient mesure, la bénédiction un objectif, et la purification des âmes, une méthode.


Lorsque la Révélation descendit, elle ne fut pas un discours métaphysique suspendu dans l’invisible, mais un appel qui touchait à la fois les marchés et les cœurs. Et lorsque Allah dit : « Il a élevé le ciel, et Il a établi la balance » (Sourate Er-Rahman, verset 7), Il posait un principe aussi économique que cosmique : la justice est le toit de l’univers, et la balance en est le système. S’en écarter n’est pas une simple erreur de calcul, mais une trahison du dépôt confié. La balance ici symbolise la justice en toute chose : dans les relations, dans les mesures, dans les jugements, dans les ventes comme dans les achats.


Ainsi, le message ultime ne se présentait pas comme un simple ensemble d’enseignements isolés, mais comme un véritable projet de civilisation, visant à reconstruire l’être humain, le marché et la société sur les fondements de la justice. Le Coran est venu établir les contours d’un modèle économique complet, qui prend sa source dans l’individu, s’étend à la communauté, et se nourrit de récits vivants qui en incarnent les principes.


L’histoire du prophète Chu‘ayb (que la paix soit sur lui) illustre parfaitement ce principe : la réforme du marché précède celle de la religion. Il s’adressa à son peuple en ces termes : « Donnez la pleine mesure et ne soyez pas parmi ceux qui causent des pertes. Pesez avec une balance équitable, ne privez pas les gens de ce qui leur est dû et ne semez pas la corruption sur terre. » [Ash-Shu’arâ’, versets 181–183].


Et dans l’histoire de Yusuf (Joseph, paix sur lui), la Révélation nous montre que la gestion économique fait partie intégrante de la mission prophétique. Yusuf ne se contente pas d’interpréter un songe, il propose un véritable plan économique à long terme : « Confie-moi les réserves du pays, je suis digne de confiance et compétent. » (Yusuf : 55), puis il gère la crise selon les principes de prévoyance, de répartition équitable et de justice sociale.


Quant à Daoud et Suleyman (que la paix soit sur eux), ils représentent un modèle de puissance économique fondée sur un pouvoir juste et légitime. Dieu leur accorda la richesse, la royauté et la sagesse, sans qu’ils sombrent dans l’injustice. Suleyman dit : « Cela est une grâce de mon Seigneur, afin de m’éprouver : serai-je reconnaissant ou ingrat ? » (An-Naml : 40).


À l’inverse, le récit de Qaroun (Coré) expose le contre-exemple absolu : l’arrogance financière, l’accumulation ostentatoire des richesses… et, pour finir, la perte. « Nous fîmes alors que la terre l’engloutit, lui et sa demeure. » (Al-Qasas : 81).


Puis vint la zakât, cœur battant du système économique islamique. Non pas comme une aumône facultative ou un acte de piété individuel, mais comme une obligation financière incontournable, qui doit être perçue et organisée, et non laissée à la seule initiative personnelle.


La zakât est une institution sans équivalent dans les systèmes humains : elle allie justice distributive, purification de l’âme et régulation du circuit économique. Allah, SWT, dit : « Prélève de leurs biens une aumône par laquelle tu les purifies et les élèves. » (At-Tawba : 103), et : « Dans leurs biens, il y avait une part déterminée pour le mendiant et le démuni. » (Adh-Dhariyat : 19).


Et puisque la zakât fait circuler la richesse avec miséricorde, l’interdiction de l’usure (riba) est venue en fermer la porte à l’exploitation. Car le riba n’est pas seulement une transaction injuste : c’est un système parasitaire qui se nourrit de la détresse des autres. C’est pourquoi Allah, AWJ, dit : « Et si vous ne le faites pas, alors préparez-vous à une guerre de la part d’Allah et de Son messager » (Al-Baqara : 279), et encore : « Allah anéantit l’usure et fait fructifier les aumônes » (Al-Baqara : 276).


Dans la vie du Prophète ﷺ, nous trouvons les fondements d’un véritable marché libre, sans monopole, suivi de la mise en place du Bayt El-Mal (trésor public), et de l’encouragement au waqf (fondation pieuse) comme outil durable de développement. Ainsi, Othman ibn ‘Affan acheta le puits de Ruma pour le consacrer à l’usage public, et Abu Talha offrit ses palmiers en waqf, ce à quoi le Prophète ﷺ répondit : « Voilà un bien fructueux » (rapporté par Muslim). Le waqf devint alors une institution à part entière, finançant écoles, hôpitaux et points d’eau. Ainsi se dessinent les contours du modèle économique dans la Révélation ultime, fondé sur quatre piliers :


  • La justice et la balance : principe inaugural de la sourate Er-Rahman, incarné dans l’appel du prophète Chu‘ayb à rétablir l’équité dans les transactions.


  • La solidarité et la zakât : mécanisme essentiel pour organiser la redistribution des richesses tout en préservant la dignité des nécessiteux.


  • L’interdiction préventive : à travers l’interdiction du riba (usure), de la fraude et du monopole, pour fermer la voie à l’injustice économique.


  • La vice-gérance et la production : où l’homme est considéré comme dépositaire sur terre, et la richesse, un instrument au service de l’élévation collective.


À propos du verset : « Ce que Allah vous laisse est meilleur pour vous, si vous êtes croyants » (Houd : 86), At-Tabari commente : « Ce que Allah vous laisse, après que vous ayez rendu aux gens leurs droits, avec une mesure et une balance, justes. Ce qu’Il vous rend licite, est meilleur pour vous, que ce que vous gagnez en lésant autrui dans la mesure et le poids. »


Ce verset éduque à la satisfaction intérieure (El-Qana‘a) et fonde une économie de la bénédiction, et non de l’accumulation égoïste.


Telle fut la conclusion du discours de Chu‘ayb, et elle demeure, aujourd’hui encore, le point de départ de tout modèle économique qui aspire à vivre sous le signe de la bénédiction, et non de l’usure… dans l’équité, et non dans le double standard.


Car dans le Coran, la richesse n’est ni adorée ni méprisée : elle est mise au service de la justice. Si les constitutions des hommes affirment que l’économie est l’artère vitale de l’État, la Constitution de l’Islam enseigne, elle, que l’économie est la conscience vivante de la communauté.


Il n’y a pas, en Islam, d’économie sans éthique, ni de commerce sans purification, ni de richesse sans balance. Dans chaque verset à portée économique se reflète la conscience, et dans chaque transaction se joue l’épreuve de la foi.


Quand le monde n’a plus d’oreille que pour l’appel du profit, le Coran nous ramène vers le gain béni. Quand les marchés sombrent dans la fraude et les inégalités, la Révélation nous ramène à la balance qui ne penche jamais.


En temps de crises et d’effondrements, la question essentielle devient alors : qui fixe la balance ? Et le Coran répond : « Il a établi la balance. Ne faussez pas la balance. » (Sourate Er-Rahman : 7-8).



*Article paru dans le n°73 de notre magazine Iqra.

 

 


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