Récits célestes (n°53) - Le voyage d’hiver et d’été
- Guillaume Sauloup
- 26 juil.
- 5 min de lecture

Au cœur de la vallée aride, entre des montagnes où le vent s’égare, les Quraysh savaient faire du chemin un lieu de familiarité et de lien.
La Mecque, en ce temps-là, n’était ni une oasis verdoyante, ni une terre fertile. Elle n’était qu’un amas de pierres entre les montagnes. La vallée où descendaient les caravanes ne portait ni cultures ni sources, mais elle abritait une Maison que Dieu a faite inviolable et sûre.
Les habitants de la Mecque partaient en hiver vers le sud, là où flottent les parfums de l’encens du Yémen et où s’animent les marchés de Ḥaḍramawt.
Et en été, ils prenaient la route vers le nord, là où passent les caravanes du Cham, où s’exposent les étoffes de Damas et les parfums de Bosra.
Il ne s’agissait pas de luxe, mais d’un lien, un îlâf, un apprivoisement de l’âme autant que de la route. L’hiver et l’été… deux visages du temps : dans l’un, les hommes goûtent l’étroitesse et la crainte, dans l’autre, l’aisance et la sécurité.
Et les Quraysh passaient par les deux portes à la fois :
En hiver, lorsque le soleil se rétracte et que les jours se resserrent, la caravane prenait la route du Yémen. Là-bas, où flottent les effluves d’encens et se dressent où se dressent les rameaux odorants dans les marchés, leurs caravanes trouvaient une chaleur que Damas ne pouvait offrir en saison froide.
Et en été, quand le soleil devient brûlant et que la terre se change en une étendue embrasée, la caravane repartait, cette fois vers le Cham : vers les moissons, les grenades éclatantes, et ce commerce qui glisse entre leurs doigts comme l’eau.
Ce n’était pas un îlâf ordinaire. Deux voyages qui vont et reviennent. Ils enseignent aux hommes que la vie ne se construit pas en un seul lieu, qu’on ne se nourrit pas d’une seule assiette, et que l’existence obéit à un cycle ininterrompu : flux et reflux, labeur et repos, manque et abondance.
Au cœur d’une courte sourate, la sourate Quraysh, l’histoire est écrite dans une langue qui ne requiert aucun commentaire : « Pour le lien établi avec les Quraysh, leur lien avec les voyages d’hiver et d’été… » (Sourate Quraysh, versets 1-2)
Et à chaque retour de voyage, la même image se répétait : Ils revenaient avec de la laine, de l’encens et des raisins secs… mais ils revenaient aussi avec un cœur plus conscient de la grâce.
La sécurité de la route n’était pas un hasard, et la richesse de la saison n’était pas simplement le fruit de leur habileté au marché. Il y avait là une main invisible qui les protégeait, un regard vigilant qui veillait sur eux.
Et l’aboutissement conduisait toujours à la Maison de Dieu. Car il ne s’agissait pas seulement d’une caravane en route vers le marché, mais d’un cœur en chemin vers l’adoration.
C’est pourquoi l’histoire se conclut par l’exhortation la plus brève et la plus profonde : « Qu’ils adorent donc le Seigneur de cette Maison, Lui qui les a nourris contre la faim et les a sécurisés contre la peur. » (Sourate Quraysh, versets 3 à 5)
C’est comme si la sourate disait : Tous les chemins de la terre, si vastes soient-ils, ne remplacent jamais le chemin qui mène à Dieu. Tel est le secret du chemin ouvert : Savoir avancer… puis savoir vers quoi revenir.
*Article paru dans le n°75 de notre magazine Iqra.
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