Regard fraternel (n°63) - Migrer est humain : ils arrivent, nous attendons ! « Les associations en action »
- Guillaume Sauloup
- 29 juin
- 6 min de lecture

Ils ont marché avant eux, Abraham, Moïse, Jésus, Mohamed (paix sur eux).Tous ont quitté leur terre, non pour fuir, mais pour vivre, croire, et échapper à l’oppression. L’émigration « la Hijra » est au cœur de la foi et de l’histoire humaine.Aujourd’hui encore, des hommes, des femmes, des enfants venus d’Afghanistan, du Soudan, de Syrie, de Guinée ou d’Europe de l’Est prennent la route vers la France.Les Nord-Africains affrontent les embarcations de la mort pour tenter de vivre. Et, comme autrefois, quelques voix se lèvent pour les accueillir, celle des associations, véritables poches de fraternité.
Histoire, enjeux et réalités de l’émigration
L’émigration traverse toute l’histoire de l’humanité. Depuis toujours, les peuples se déplacent pour fuir la guerre, la famine, les persécutions, ou simplement survivre. Ces mouvements ont façonné les civilisations, mêlé les cultures et transformé les sociétés. Pourtant, ce phénomène naturel est aujourd’hui entravé par des politiques de plus en plus restrictives, alors même que les causes restent inchangées, la quête d’une vie digne. Quitter sa terre n’est pas une anomalie, c’est un acte humain fondamental.
Cette émigration n’échappe pas à des conséquencescomplexes. Elle fournit souvent une main-d’œuvre indispensable aux pays d’accueil, tout en soulevant des défis sociaux et politiques. Dans les pays d’origine, elle peut alléger la pression économique grâce aux transferts d’argent, mais prive aussi les territoires de leurs forces vives. Socialement, la migration enrichit la diversité culturelle, tout en exposant les migrants au rejet et à la marginalisation. Malgré cela, des liens de solidarité se tissent, notamment grâce à la société civile et aux associations.
Sur le plan juridique, le droit de migrer est ancien, mais constamment en tension. Depuis l’Antiquité, les États cherchent à encadrer les mouvements de population, entre défense des droits humains et protection des intérêts nationaux. La Convention de Genève de 1951 a posé les bases du droit d’asile moderne, mais son application reste soumiseau bon vouloir des États. Aujourd’hui, les migrants se heurtent à des systèmes rigides, davantage conçus pour limiter que pour accueillir. Dans ce contexte, les associations deviennent de précieuses médiatrices entre la loi et la vie.
L’aspect politique de l’émigration et le rôle des associations
L’émigration est au cœur d’enjeux politiques majeurs, où s’affrontent le contrôle des frontières et le respect des droits fondamentaux. Face à la montée des politiques répressives,expulsions accélérées, renforcements des contrôles, criminalisation des migrants, les droits humains sont souvent mis à mal. Ces mesures, portées par des discours sécuritaires ou xénophobes, réduisent les migrants à des menaces, au lieu de les reconnaître comme porteurs de dignité.
Dans ce climat, les associations jouent un rôle vital. Elles sont des lieux de fraternité, des interfaces humaines entre des politiques sourdes et les réalités vécues. Par leur engagement quotidien, elles offrent hébergement, aide juridique, repas, cours de langue, soutien moral… Elles rendent visibles ceux que l’on voudrait effacer.
Elles incarnent une forme de résistance à l’exclusion, rappelant que derrière chaque "dossier" se cache une vie, une histoire, une espérance. Leur action est précieuse pour maintenir un équilibre entre gouvernance migratoire et justice sociale, et pour bâtir un avenir commun plus humain.
En France les associations en première ligne
Alors que la France durcit sa politique migratoire, avec plus de 21 600 expulsions en 2024 (+ 26,7 %), les associations restent en première ligne. Tandis que les régularisations de sans-papiers baissent (31 250 en 2024, –10 %) et que les demandes d’asile chutent de 5,5 %, de nombreuses structures agissent sur le terrain pour combler les manquements de l’État.
Le Secours Catholique, qui accompagne plus d’un million de personnes chaque année, indique que plus de la moitié des ménages aidés sont étrangers. Parmi eux, beaucoup vivent sans ressource ni hébergement. À Paris, des associations comme JRS France ou Réfugiés du Gros Caillou offrent repas, cours de français, soutien psychologique et administratif.
Le Secours Islamique France complète ce réseau fraternel. En 2024, il a distribué plus de 46 000 repas pendant le Ramadhan à Saint-Denis, intensifié ses maraudes à Paris, Lyon, Marseille, et ouvert des épiceries sociales. Il œuvre aussi à l’insertion sur le long terme, sans distinction d’origine ni de religion.
Dans un contexte crispé, ces ONG, chrétiennes, musulmanes ou laïques, tiennent bon. Elles deviennent les mains tendues de la République, là où les politiques dressent des murs.
Dans un contexte où les politiques migratoires se durcissent, les associations restent des actrices de terrain incontournables. Elles pallient les défaillances de l’État, défendent les droits fondamentaux et rappellent que l’accueil n’est pas une option morale, mais un devoir républicain.
*Article paru dans le n°71 de notre magazine Iqra.
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