Focus sur une actualité (n°68) - La France rejoint le concert des nations reconnaissant l’État de Palestine
- Guillaume Sauloup
- il y a 2 heures
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Dans l’hémicycle de l’Assemblée générale des Nations unies, la France a franchi ce lundi un pas que beaucoup jugeaient attendu, d’autres redouté : la reconnaissance officielle de l’État de Palestine. Par la voix d’Emmanuel Macron, Paris a choisi de s’inscrire dans le mouvement initié ces derniers mois par plusieurs pays occidentaux, du Royaume-Uni au Canada, de l’Australie au Portugal, rejoignant ainsi la vaste majorité des États membres de l’ONU (150 sur 193) qui avaient déjà pris cette décision depuis 1988.
L’acte est à la fois diplomatique et symbolique. Il n’efface pas la tragédie en cours à Ghaza, où l’armée israélienne poursuit une offensive d’une ampleur inédite, et où l’ONU dénonce un état de famine et des crimes relevant du génocide. Mais il fixe une perspective : celle de la solution à deux États, cette architecture fragile et maintes fois malmenée, mais qui demeure la seule voie de sortie du conflit.
Une dynamique internationale en marche
La reconnaissance française s’ajoute à une série d’annonces qui, en l’espace de quelques semaines, ont changé le visage diplomatique du dossier. Londres, longtemps allié indéfectible d’Israël, a justifié sa décision par la nécessité de « raviver l’espoir de paix ». Ottawa a insisté sur l’importance de préserver « la promesse d’un avenir pacifique pour deux États ». Canberra a évoqué « l’aspiration légitime du peuple palestinien ». Lisbonne, enfin, a souligné « l’évolution extrêmement préoccupante du conflit et le risque d’annexion définitive de territoires palestiniens ».
Ce concert de reconnaissances traduit un basculement : face à l’intransigeance de Benyamin Netanyahou, face à la colonisation qui s’étend en Cisjordanie, nombre de pays jadis prudents estiment que l’inaction équivaut désormais à un renoncement.
L’isolement croissant d’Israël
La réaction israélienne ne s’est pas fait attendre. Le Premier ministre a dénoncé une « récompense absurde au terrorisme », promettant d’accélérer encore la colonisation. Certains de ses ministres de l’extrême droite ont même appelé à l’annexion pure et simple de la Cisjordanie. Mais ces proclamations résonnent désormais dans un isolement grandissant. L’opinion mondiale, lassée des cycles de violence, regarde de plus en plus vers les solutions diplomatiques. Même certains alliés historiques d’Israël, au sein de la presse ou des chancelleries occidentales, jugent la stratégie actuelle intenable.
Un geste de portée historique
La reconnaissance française ne résout pas la question palestinienne. Elle ne trace pas de frontières, n’installe pas de gouvernement souverain, n’apporte pas immédiatement la paix. Mais elle restaure une équation simple, trop longtemps négligée : le conflit israélo-palestinien ne trouvera d’issue que si les droits des deux peuples sont également reconnus.
En plaçant la France aux côtés d’une majorité de nations, Emanuel Macron a voulu « préserver la seule boussole crédible : celle du droit international ». Le pari est audacieux face à Washington, qui demeure le dernier grand opposant et dont le veto bloque encore l’adhésion pleine et entière de la Palestine à l’ONU. Mais ce pari traduit une conviction : il n’y a pas de paix possible dans l’ombre du déni.
Vers une recomposition diplomatique
Au lendemain de cette reconnaissance, une question domine : l’Europe suivra-t-elle ? Certains pays, comme l’Espagne, l’Irlande ou la Norvège, ont déjà ouvert la voie. D’autres hésitent encore. Mais la décision française, en raison de son poids diplomatique et symbolique, pourrait accélérer une recomposition continentale.
Car plus qu’un geste de solidarité, la reconnaissance de l’État palestinien devient un instrument stratégique : elle redonne à la communauté internationale un levier pour peser sur les protagonistes, et pour rappeler qu’au-delà des tragédies du moment, l’horizon de deux États vivant côte à côte doit demeurer la finalité.
*Article à paraître dans le n°78 de notre magazine Iqra.
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