Le Hadith de la semaine (n°63) - Une appartenance céleste à l’islam, non une affiliation terrestre aux groupes
- Guillaume Sauloup
- il y a 1 jour
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D’après Abû Hourayrah (qu'Allah l'agrée), le Prophète (que la prière d'Allah et Son salut soient sur lui) a dit :
« Quiconquese soustrait à l'obéissance [au dirigeant légitime] quitte la communauté (littéralement : le groupe) puis meurt, il meurt alors d’une mort de l’époque préislamique. Quiconque combat sous un étendard aveugle, animé par la colère pour un clan, appelant à un clan ou en soutenant un clan, puis est tué, il meurt alors d’une manière propre à l'époque préislamique. Et quiconque se rebelle contre ma communauté en frappant le vertueux et le pervers, sans épargner le croyant et en ne respectant pas l'engagement accordé aux protégés, celui-làn'est pas des miens et je ne suis pas de lui ! »
(Hadith Authentique Rapporté par Muslim)
Parmi les causes majeures de la faiblesse actuelle des musulmans et de la perte de leur puissance, figure la division de leur parole et les dissensions qui rongent leurs rangs. Allah,exalté soit-Il, a blâmé la division dans de nombreux versets, comme lorsqu’Il dit : « Et ne soyez pas comme ceux qui se sont divisés et opposés après que les preuves leur furent venues. Ceux-là auront un châtiment terrible. » (Sourate El ‘Imran, v.105). Et Il dit également : « Ne vous disputez pas, sinon vous échouerez et perdrez votre force. Soyez endurants, car Allah est avec les endurants. » (Sourate Al-Anfål, v.46)
La division mène à l’échec, et la discorde engendre l’humiliation et la défaite. Si les musulmans s’unissaient autour du message transmis par le Prophète ﷺ et rejetaient les appartenances partisanes et claniques, une grande part des épreuves et des inimitiés que nous subissons aujourd’hui se dissiperaient.
Ce hadith met en lumière l’importance capitale de préserver l’unité de la communauté musulmane, et de se rassembler sous une bannière commune, sans se laisser diviser par des appartenances étroites ou des formes de fanatisme.L’avertissement concerne principalement le danger de se laisser entraîner dans des conflits motivés par la colère injustifiée, ou de combattre sous des slogans ambigus qui ne visent ni la justice ni la vérité, mais plutôt le favoritisme, le sectarisme et l’exclusion.
Dans son ensemble, ce hadith est un appel à ancrer l’esprit de communauté, à faire prévaloir les principes de miséricorde et de justice, tout en respectant la diversité légitime au sein de la Oumma, tant qu’elle reste dans les limites de la charia et au service de l’unité du rang.
Malheureusement, la réalité contemporaine de la communauté musulmane témoigne d’un déchirement sans précédent.Chaque groupe se réclame de l’islam et prétend suivre le droit chemin. Chaque mouvement affirme être seul détenteur de la vérité, et regarde les autres avec suspicion, voire les accuse d’égarement. Cela peut aller jusqu’à l’excommunication (Takfîr), à l’accusation d’immoralité (Tafsîq) ou de trahison (Takhwîn). Ainsi, le musulman sincère, au milieu de ces vagues tumultueuses, se retrouve perdu : il ne sait plus à quelle appartenance se rallier, ni sous quelle bannière marcher.Le désarroi s’amplifie, et de nombreux jeunes musulmans se trouvent égarés dans ce tumulte de discours contradictoires et de divisions idéologiques.
Le Prophète ﷺ avait pourtant mis en garde contre une telle situation dans son noble hadith, en établissant un lien entre le fait de se séparer de la communauté des musulmans et la « mort païenne » (mîtat Jahiliya), une mort que l’islam ne reconnaît pas. C’est la mort de celui qui n’a ni allégeance, ni loyauté, ni engagement envers la communauté des croyants,mais qui a vécu et est mort dans un isolement intellectuel ou dans une hostilité doctrinale envers les musulmans, ou encore dans une appartenance fanatique à un groupe, un courant ou une organisation qui ne se soucie guère de l’unité des musulmans.
Les savants ont longuement commenté ce hadith, expliquant que la rupture avec la communauté peut être physique, mais aussi intellectuelle ou méthodologique. Quant à la sortie de l’obéissance, elle ne signifie pas nécessairement le recours aux armes : elle peut se manifester par l’abandon des fondements des gens de la Sunna, par la remise en cause des principes établis de la communauté, ou encore par l’adoption d’une logique partisane où l’amour (El-walâ’) et le rejet (El-barâ’) sont fondés non sur l’islam global et fédérateur, mais sur l’appartenance à un groupe ou à une organisation spécifique. Tel est malheureusement le comportement de certaines mouvances islamiques de notre époque : elles ne considèrent les musulmans qu’à travers leur propre prisme idéologique, sous le slogan implicite : « Celui qui n’est pas avec nous est contre nous ». Celui qui ne partage ni leur nom, ni leur affiliation, devient automatiquement suspect ou douteux. Il s’agit là de l’une des plus grandes épreuves ayant troublé les esprits des jeunes générations, lorsque la religion a été réduite à des slogans de groupes partisans, et que la charia a été enrôlée dans des batailles de positionnement. Le critère de vérité s’est alors inversé : au lieu que les hommes soient reconnus à travers la vérité, la vérité a été définie à travers les hommes. Et le musulman en est venu à combattre ou à rejeter son propre frère, simplement parce qu’il n’appartient pas à sa faction, ou ne brandit pas sa bannière.
Plus le nombre de groupes et de factions augmente, plus les causes de discorde et de division se multiplient, et plus les fissures s’élargissent dans le corps de la Oumma. Chaque groupe fonde ses alliances et ses inimitiés sur ce qu’il considère être la vérité selon ses propres critères, et non sur la balance globale et juste de la loi islamique. Ainsi, l’amour du bien pour autrui s’affaiblit, la miséricorde se raréfie, tandis que le fanatisme et l’excès deviennent dominants.
Les pieux prédécesseurs (El-salaf al-sâlih) ont été parmi les plus fermes à mettre en garde contre le sectarisme et l’appartenance étroite à des groupes. Ils détestaient que l’on élève une opinion religieuse au rang d’un appel, au même titre que l’on appelle au Coran ou à la Sunna. Par ailleurs, il est regrettable de constater que, dans certains milieux, l’appartenance au groupe prévaut désormais sur la fraternité dans la foi. Les gens sont répartis en factions où l’amour se limite aux membres du groupe, et l’animosité est dirigée vers ceux qui lui sont extérieurs. L’amour et la haine, les éloges et les critiques, ne sont plus fondés sur la religion, mais sur l’alignement partisan.
C’est précisément ce que dénonçait l’imam El-Shâtibî dans son œuvre magistrale El-I‘tiṣâm, lorsqu’il disait : « Quiconque s’attache à un groupe en dehors de la communauté des musulmans ne fait pas partie de la communauté des musulmans. »
Si nous voulons sortir de ce marécage, nous devons revenir à un principe fondamental que Dieu a clairement établi dans Sa parole : « C’est Lui qui vous a nommés « musulmans » auparavant et dans ce (Livre) » (Sourate El-Hajj, verset 78). Il s’agit là d’une désignation divine, qui ne relève ni d’un parti, ni d’un courant, ni d’une vision humaine.
C’est une appellation qu’Allah, le Très-Haut, a choisie pour englober tous ceux qui croient en Lui et suivent Son Messager.
C’est pourquoi la majorité des exégètes ont interprété le pronom « Lui » dans le verset comme désignant Allah, autrement dit : c’est Allah qui a nommé Ses serviteurs "musulmans". Nous ne devons donc accepter pour nous aucun nom en dehors de celui que notre Seigneur a choisi.
Et c’est à partir de ce principe que la Grande Mosquée de Paris affirme sa position : Elle n’appartient à aucun courant, ni groupe, ni faction. Elle ne brandit d’autre bannière que celle de l’islam, et n’adhère à aucune idéologie si ce n’est celle qui unit, rassemble et élève. Elle le proclame avec clarté : « Nous sommes musulmans, selon la dénomination qu’Allah AWJ, notre Seigneur, nous a attribuée. » Et nous ne saurions troquer ce qu’il y a de meilleur, le nom donné par le Seigneur des mondes, pour ce qu’il y a de moindre, de dérisoire : Des désignations forgées par les hommes.
La Grande Mosquée de Paris, dans sa manière de répondre aux questions des fidèles, n’adopte pas une approche restreinte à une école juridique particulière, ni ne se limite à la référence d’un seul imam.
Elle examine chaque question à la lumière des objectifs supérieurs de la loi islamique (maqâsid), dans une perspective à la fois juridique et contextuelle, et opte pour l’avis le plus approprié, le plus accessible, et le plus bénéfique pour la réalité concrète du demandeur. Cela se fait tout en exprimant un respect sincère envers l’ensemble des imams des écoles juridiques, en reconnaissant leur mérite, leur antériorité et la richesse de leurs apports.
Nous avons détaillé cette approche dans une série d’articles publiés dans les numéros précédents de cette revue, sous le titre : « La méthodologie de la Grande Mosquée de Paris dans le traitement des questions des fidèles ».
Si nous aspirons à sortir de ce marécage de divisions et de conflits, il nous faut revenir à un fondement essentiel que Dieu a établi dans Sa parole : « C’est Lui qui vous a nommés “musulmans” auparavant et dans ce Livre » (Sourate El-Hajj, verset 78). Il s’agit d’une désignation divine, qui ne relève d’aucune faction, ni d’aucun courant idéologique, et ne dépend d’aucune construction humaine. C’est une appellation émanant du Seigneur des mondes, qui englobe tous ceux qui croient en Allah, AWJ, et suivent Son Messager ﷺ. C’est pourquoi la majorité des exégètes ont affirmé que le pronom « Lui » dans ce verset renvoie à Allah, c’est-à-dire que c’est Dieu Lui-même qui a nommé Ses serviteurs “musulmans”.
Nous ne saurions donc nous satisfaire d’un autre nom que celui que notre Créateur nous a attribué. Nous refusons de remplacer ce qu’il y a de meilleur, la dénomination divine, par ce qu’il y a de moindre, des étiquettes humaines.
Partant de ce principe, la Grande Mosquée de Paris réaffirme sa position claire et constante : elle n’appartient à aucun courant, ni groupe, ni parti, elle ne brandit d’autre bannière que celle de l’islam, et n’adhère à aucune pensée si ce n’est celle qui fédère, rassemble et préserve l’unité de la communauté.
Elle le proclame avec clarté et sans ambiguïté : « Nous sommes musulmans, selon la dénomination qu’Allah, notre Seigneur, nous a donnée. » Et nous refusons de substituer ce qui est meilleur, la désignation divine, par ce qui est inférieur, « les étiquettes humaines ».
La Grande Mosquée de Paris, dans sa méthode de réponse aux questions des fidèles, ne se limite pas à une seule école juridique, ni à la référence d’un imam en particulier. Elle adopte une approche fondée sur les finalités supérieures de la loi islamique (El-maqâsid), en examinant chaque question à la lumière de ses dimensions juridiques, éthiques et contextuelles. Elle choisit ainsi l’avis le plus approprié, le plus accessible et le plus apte à servir l’intérêt réel du demandeur dans sa situation concrète. Cela se fait dans le respect absolu et la pleine reconnaissance de la valeur et du mérite de tous les imams des écoles de jurisprudence islamique, en saluant leur science, leur piété et leur rôle dans l’enracinement du savoir religieux.
Nous avons exposé cette démarche en détail dans notre série d’articles publiée dans les précédents numéros de cette revue, sous le titre : « La méthodologie de la Grande Mosquée de Paris dans le traitement des questions des fidèles. » De même que la Grande Mosquée de Paris ne s’enferme dans aucune école juridique particulière, elle ne s’enferme dans aucun courant théologique. Elle ne brandit pas les étendards du mutazilisme, de l’acharisme, du salafisme, des Frères musulmans, ni de la Djama’a at-Tabligh ou d’autres mouvements. Elle s’attache à la croyance partagée par la grande majorité des musulmans, sans excès ni laxisme, sans rigidité ni dilution, dans un juste milieu éclairé et serein.
Elle est pleinement consciente que la vérité ne peut être monopolisée par un seul groupe, et que la perfection n’est l’apanage d’aucune faction. Elle garde en mémoire, et répète avec conviction, la célèbre parole de l’imam Malik : « Chacun voit ses propos acceptés ou rejetés, sauf celui qui repose dans cette tombe », en désignant la tombe du Prophète ﷺ. Elle s’inscrit aussi dans la sagesse des pieux prédécesseurs, qui savaient choisir l’avis le plus juste et le plus adapté. Elle s’associe à ceux qui affirment avec discernement : « Ce qui est beau est reconnu comme tel, et ce qui est blâmable est rejeté », et : « je prends ce qui est limpide et je laisse ce qui est trouble. » C’est là une règle précieuse dans le traitement des idées et des opinions : on ne rejette pas une vérité sous prétexte que son auteur s’est trompé ailleurs, et on n’accepte pas une fausseté sous prétexte que son auteur est réputé vertueux.
De la même manière que la Grande Mosquée de Paris adopte une voie équilibrée en matière de jurisprudence et de croyance, elle s’engage également dans une posture mesurée dans les domaines intellectuel et politique. Elle ne s’aligne sur aucune loyauté aveugle, ne cède à aucune pression d’appartenance, et garde une distance équitable à l’égard de tous, tout en appelant à la paix, en soutenant ce qui sert l’intérêt des musulmans, et en se tenant à l’écart des querelles idéologiques et des clivages partisans. Son objectif est clair : faire de sa tribune un espace d’appel à Allah et à l’élévation morale, et non un podium d’agitation politique ou de surenchère partisane. C’est pourquoi nous affirmons, dans ce contexte, que malgré sa clarté, sa transparence et la constance de ses positions, la Grande Mosquée de Paris continue malheureusement de faire l’objet d’accusations infondées de la part de certaines parties, qui lui prêtent des orientations religieuses, intellectuelles ou politiques qu’elle rejette catégoriquement. Tout comme elle refuse avec fermeté d’être instrumentalisée dans quelque conflit idéologique, doctrinal ou partisan que ce soit.
Son identité est limpide, ses positions sont publiques, et sa méthode est constante : rassembler les cœurs, non les diviser ; construire, non détruire.
La Grande Mosquée de Paris ne se considère ni comme un parti, ni comme le porte-voix d’une école juridique ou doctrinale particulière. Elle ne s’engage pas dans les luttes des uns contre les autres, mais élève la bannière de la modération.Elle refuse d’être entraînée dans les classifications réductrices ou les clivages partisans, et affirme avec constance : « nous ne voulons ni d’un salafisme qui heurte, ni d’un soufisme qui divague, ni d’un activisme partisan qui vocifère. Nous ne flattons personne, nous ne calomnions personne, nous expliquons, nous conseillons. »
En résumé, la voie de la Grande Mosquée de Paris est celle du Coran, et son itinéraire est celui de la clarté. Elle transmet le conseil sans jamais imposer, elle appelle au dialogue sans exclure, elle répond avec sagesse et exhorte avec bienveillance. Elle ne se tient que là où se tient la vérité, et ne s’affilie qu’à l’islam. Non pas à ceux-ci, ni à ceux-là, mais à l’unité de la communauté, à sa préservation, et au rassemblement de ses membres autour d’une parole commune.
Louange à Allah, Seigneur des mondes.
*Article paru dans le n°66 de notre magazine Iqra.
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