Récits célestes (n°55) - Les préceptes de Luqman : une sagesse qui se renouvelle à chaque sonnerie d’école
- Guillaume Sauloup
- il y a 3 heures
- 5 min de lecture

Aux premiers souffles de l’automne, les villes retrouvent leurs voix familières : les portes des écoles et des universités s’ouvrent, les tables accueillent des cahiers neufs, et les élèves reprennent place dans des salles demeurées silencieuses tout l’été. C’est comme si la vie recommençait avec la première sonnerie et le premier cours dispensé.
Pourtant, dans le récit coranique, le commencement fut plus ancien et plus profond : un père assis auprès de son fils, non pas dans une école de pierre, mais dans l’école du cœur.
Luqman le Sage, à qui l’on ne connaît ni gloire ni pouvoir, s’assoit devant son fils, dont l’histoire n’a pas retenu le nom, pour délivrer la première leçon d’éducation : une leçon qui précède tous les abécédaires et s’élève au-dessus de tous les programmes.
Et la première de ses recommandations fut spirituelle et de foi : « Ô mon fils, n’associe rien à Allah, car l’association est une injustice immense » (Luqman : 13). Il en fit le fondement sur lequel reposent toutes les sciences, et le pilier qui soutient l’édifice entier de l’éducation. Car le savoir sans la foi est tel une branche sans racine, et la sagesse, selon la logique du Coran, consiste à placer chaque connaissance à sa juste place.
Puis il passa à l’adoration : « Ô mon fils, accomplis la prière » (Luqman : 17). Car la prière n’est pas un simple geste à effectuer, mais une mesure qui règle le temps et oriente la direction. Elle apprend à l’enfant le sens de la discipline avant même qu’il ne connaisse la sortie, la cloche ou l’emploi du temps. Elle l’éduque à comprendre que le temps ne se compte pas seulement en leçons, mais aussi en prières. Les recommandations se succèdent alors comme les portes d’une école complète : « Et endure ce qui t’atteint » (Luqman : 17), allusion à la patience face aux épreuves, une patience de détermination, non de soumission.
« Et ne détourne pas ton visage des gens avec arrogance, et ne foule pas la terre avec orgueil » (Luqman : 18), une éducation à l’humilité, afin que le savoir ne domine pas celui qui le possède en le rendant hautain, mais demeure parure de modestie plutôt que trône de suffisance.
« Sois modéré dans ta démarche et baisse le ton de ta voix » (Luqman : 19), sagesse de la mesure et de l’équilibre : « la vie ne se bâtit pas dans les clameurs, mais dans des pas sereins. »
Dans ces recommandations se résument toutes les dimensions de l’éducation : une foi qui redresse la clairvoyance, une adoration qui élève l’âme, une patience qui affermit le cœur, une humilité qui préserve le savoir, et une modération qui embellit la conduite. Le texte coranique a présenté la scène de l’éducation dans une maison où se rencontrent un père sage et un fils apprenant. De cette première demeure s’ouvrent les cercles de l’éducation en notre temps : l’école qui développe les compétences, et la société où mûrissent les fruits de ces préceptes.
Les préceptes de Luqman n’étaient pas une leçon figée dans le passé, mais un cheminement qui demeure vivant à chaque rentrée scolaire. Car chaque enfant qui franchit aujourd’hui le seuil d’une salle de classe se trouve à la place du fils assis devant le sage, et chaque enseignant qui se tient face au tableau prolonge ce père qui déposait la sagesse dans le cœur de son enfant.
Les préceptes de Luqman ne sont pas un récit historique, mais une école toujours vivante à travers le temps. Ils constituent la première leçon qui devrait précéder toutes celles des sciences, des mathématiques et des langues. Car une éducation qui éclaire sans la sagesse de Luqman peut bien enseigner l’alphabet, mais elle n’enseigne pas la sagesse ; et une école qui n’est pas porteuse de cette lumière peut former des générations qui savent écrire, mais qui ignorent quoi écrire.
*Article paru dans le n°76 de notre magazine Iqra.
À LIRE AUSSI :
Récits célestes (n°52) - Lorsque le Coran institua la balance : le modèle économique dans la Révélation ultime
Récits célestes (n°4) - Le Prophète Houd et la tribu des Aad