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Focus sur une actualité (n°75) - Dix ans après le 13 novembre : le souvenir d’une nuit qui hante encore

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Par Noa Ory

Dix ans après et le temps semble si proche. Cette nuit-là, Paris s’est arrêté brutalement. Les rues bruissaient encore de vie quelques minutes avant, puis plus rien, juste le vacarme des sirènes, les messages qui s’enchaînaient sur les téléphones, les écrans allumés partout. On se souvient tous de ce silence qui a envahi l'espace, on se souvient encore de cette peur, cette sidération collective, où personne n'arrive à comprendre ce qui se passait autour de lui, mais on a tous senti que quelque chose qui va basculer notre quotidien est arrivée.


Aujourd’hui, la ville reprend son souffle mais avec beaucoup de mesures de vigilance citoyenne. Paris cette ville animée reprend son rythme de vie, les terrasses sont pleines, les concerts aux RDV, mais, il suffit d’évoquer le Bataclan, Saint-Denis, rue de Charonne,  pour que tout remonte, le souvenir est collectif. C’est vrai, il s’est transformé, mais il reste là, dans la mémoire collective, dans nos récits même si ils ne sont pas racontés.


C’est justement ce que cherche à comprendre le programme « 13-Novembre », lancé dans les semaines qui ont suivi les attentats. Ce grand projet de recherche, mené par des équipes du CNRS, de l’Inserm et de l’université Paris 1, s’est intéressé à la façon dont les souvenirs évoluent avec le temps. Sur comment chacun continue de porter cet événement dans sa mémoire ? Et comment la société choisit de se souvenir ?


Pendant dix ans, Francis Eustache avec l’historien Denis Peschanski, qui avaient déjà travaillé sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et sur le 11-Septembre. avaient la volonté de comprendre les interactions entre les différentes formes de mémoire traumatique qui existe déjà chez eux et l’étude « 13-Novemvre » traite justement ce phénomène.


Avec des centaines de participants entre  rescapés, proches, riverains, simples témoins. Ils ont raconté ce qu’ils avaient vu, entendu, ressenti. Puis, deux après, quatre ans plus tard, ils sont revenus, parfois changés, parfois encore marqués par le choc. Les chercheurs ont ainsi accumulé des milliers d’heures d’entretiens, une matière rare pour comprendre ce que devient un souvenir collectif quand le temps passe.


Ces échanges et ces expériences ont donné naissance à une mémoire vivante, en mouvement, jamais figée. Certains racontent que tout est resté clair, comme si c’était arrivé hier. D’autres, au contraire, sentent leurs souvenirs s’effacer peu à peu, se brouiller, jusqu’à ne plus se rappeler des détails. Mais tous partagent cette même certitude : on n’oublie jamais vraiment, et on ne revient pas tout à fait à la vie d’avant.


Derrière ces récits, il y a aussi une dimension presque thérapeutique. Comprendre comment la mémoire fonctionne chez ces témoins, c’est aussi une façon d’apprendre à mieux soigner les blessures invisibles. Certains rescapés disent avoir encore l’impression que le temps s’est arrêté, ce jour-là. D’autres, avec les années, ont trouvé une manière de tenir à distance les images, les bruits, les odeurs ou même la lumière de cette nuit.


Le programme « 13-Novembre », ce n’est pas seulement un travail de mémoire : c’est aussi un pont entre la science et l’humain, une manière de mettre des mots sur ce que beaucoup ont vécu sans toujours pouvoir le dire.


Dix ans plus tard, Paris vit, avance, se reconstruit. Pourtant, cette date reste gravée, comme un rappel de la fragilité du monde et du fait que personne n’est totalement à l’abri du terrorisme. On se souvient, non pas pour raviver la douleur, mais pour comprendre comment une société apprend à se relever, à guérir, et à retrouver un peu d’espérance.



*Article à paraître dans le n°85 de notre magazine Iqra.



 

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