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Le Hadith de la semaine (n°64) - Les dix jours de Dhu al-Hijjah : entre mise en pratique et défis en terre d’Occident


D’après Abd Allah ibn Omar, qu'Allah les agrée, lui et son père, le Messager d'Allah ﷺ a dit : « Il n’est pas de jours plus grands aux yeux d’Allah, ni durant lesquels les bonnes œuvreslui sont plus aimées que ces dix premiers jours de Dhoul Hijja.Multipliez donc, en ces jours les formules de Tahlil (La ilaha illâ Allah), de Takbir (Allahu Akbar) et de Tahmid (Al-Hamdou liLlāh)» (Hadith Authentique rapporté par al-Tabarani dans El-Mu’jam al-Kabir]


Lorsque reviennent à nous les dix jours de Dhu al-Hijja, nous ne percevons pas seulement des jours bénis, mais de véritables haltes spirituelles profondes. Elles offrent aux cœurs épuisés une échappée hors du tumulte matérialiste, particulièrement dans les sociétés occidentales, où les signes apparents de la religion s’effacent des rues, et où le Takbir ne résonne point sur les places publiques.


Et pourtant, pour celui qui en saisit la portée, ces jours sont une faveur divine, une brise céleste rappelant au croyant engagé que les portes de l’agrément divin demeurent grandes ouvertes à qui y saura frapper sincèrement.


Le Prophète ﷺ nous l’a enseigné : il n’est pas de jours plus aimés d’Allah, ni d’actions plus méritoires que celles accomplies durant ces dix jours. Ce ne sont donc pas de simples moments de dévotion, mais des instants de vérité où les cœurs sont mis à l’épreuve, les intentions sondées, et où les âmes en éveil s’élèvent par l'évocation d'Allah. Les formules de Takbīr, de Tahlil et de Tahmid ne sauraient se réduire à des mots murmurés : elles sont le battement intérieur du cœur croyant, affirmant qu’au-delà du vacarme de ce monde, il existe une Réalité suprême digne de notre retour, de notre recentrement : Allah, Seigneur des mondes.


La beauté de ces jours réside aussi dans leur universalité : chacun les vit selon sa condition. Le pèlerin à La Mecque les goûte dans le tawaf (la Circumambulation), le Saï et la station à Arafat.


Le musulman en France ou ailleurs les vit dans la frustration, la nostalgie, la prière discrète, le jeûne volontaire, ou un Allahu Akbar soufflé à voix basse dans son foyer ou son lieu de travail. Et si les haut-parleurs n’emplissent pas l’air du Takbīr, les cœurs, eux, savent élever l’écho du Tawhid jusqu’aux cieux.


Le Takbir devient alors exercice de foi : affirmation qu'Allah est plus Grand que toute contrainte, toute distance, tout manque de moyens.


L’acte de sacrifice (El-Oudhiyah) offre, lui aussi, une symbolique puissante. Ce n’est point l’écoulement du sang qui importe, mais l’offrande de soi. Es-tu capable d’abandonner une part de toi, une mauvaise habitude, une distraction, un confort, par amour pour Allah ? C’est l’assujettissement du cœur qui est visé, non la forme extérieure. Car l’Islâm ne se réduit pas aux rituels : il se réalise dans la profondeur dessens.

 

Puis vient le jour de ʿArafa, ce jour où la terre tremble sous les invocations des foules assemblées à Arafat : ils répondent à l’appel, ils pleurent, ils espèrent la miséricorde. Un jour où les rangs s’effacent : un même vêtement, une même direction, une même invocation. Plus de riches ni de pauvres, plus de statuts ni de titres : l’être humain, seul, face à son Seigneur, dépouillé de tout ce qu’il croyait être, et posséder. Et pour celui qui n’est pas physiquement présent, la miséricorde d’Allah ne lui est pas fermée : une intention pure, une larme de désir, un jeûne sincère, suffisent à faire descendre Sa clémence.


En France, ton voisin ignore peut-être la grandeur de ce jour, et ton entreprise ne prévoit aucun aménagement pour le jeûne. Mais tu choisis de jeûner malgré la fatigue, tu proclames le Takbir même à voix basse, tu offres ton sacrifice sans enfreindre la loi. Car tu sais que dans ces exercices silencieux réside un secret d’élévation, une voie de purification. Et si tu es empêché de jeûner, alors au moins, queton cœur reste vivant : nourri de dhikr, habité de dou’as, tendu vers le ciel.


Ces dix jours, avec leur lumière, leur Takbir, leurs prières, leurs jeûnes et leurs sacrifices, constituent un moment singulier dans l’année. Ils nous rappellent que la religion ne se limite pas aux édifices, mais s’incarne dans nos gestes quotidiens : un choix du bien, un regard vers Allah, une sincérité avec soi-même.


Et ils nous disent, doucement : tu n’es pas seul. Quelle que soit ta situation, quelle que soit ton étrangeté, il existe en toi quelque chose que nul ne peut t’arracher : la foi.


   Il n’est pas nécessaire que les autres comprennent chacun de tes actes, ni qu’ils discernent le sens de chaque rite. Toi, tu sais pourquoi tu fais ce que tu fais. Et tu comprends que, parfois, une pratique discrète dans un pays qui n’en célèbre pas la valeur, peut être plus éloquente que mille sermons.


La foi vécue dans le silence, l’oubli ou la contrainte, est souvent la plus sincère, la plus profonde. Non parce qu’elle fait du bruit, mais parce qu’elle jaillit d’une source pure.


Et celui qui ne partage pas cette foi peut se tenir devant toi, interpellé, intrigué par cette constance, ce renouveau, ce rayonnement intérieur. Peut-être ne trouvera-t-il pas de réponse rationnelle.


Mais au fond de lui, il sentira qu’il y a là quelque chose de vrai, une voix intérieure qui lui murmure que l’être humain, quelle que soit sa position ou l’époque dans laquelle il vit, il reste en quête d’un moment de pureté, d’un élan qui l’élève au-dessus de la matière, d’une lueur qui lui rappelle que le chemin vers Allah demeure toujours ouvert.



*Article paru dans le n°68 de notre magazine Iqra.


 


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