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Lumière et lieux saints de l'Islam, à la découverte des mosquées du monde (n°75) - La Grande Mosquée de Lisbonne


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Par Noa Ory

Il est des lieux où l’architecture ne se contente pas de bâtir des murs, mais ressuscite la mémoire d’un monde disparu. À Lisbonne, la capitale qui fut jadis une perle de l’Occident musulman, s’élève aujourd’hui une mosquée dont la silhouette semble dialoguer avec les vents de l’Atlantique et les échos d’el-Andalus : la Grande Mosquée de Lisbonne, ou le Centre islamique culturel.


Erigée au cœur de la fin du XXᵉ siècle, après des siècles de silence, elle est bien plus qu’un édifice cultuel. Elle est la réapparition d’une voix longtemps étouffée, la réconciliation d’un passé et d’un avenir, et le témoignage d’une foi qui sait attendre le temps du retour.


Une renaissance après des siècles d’absence


L’histoire de ce sanctuaire commence dans les années 1960, à une époque où la communauté musulmane portugaise, issue des anciennes colonies d’Afrique et d’Asie, cherchait à s’enraciner dans la métropole. Dix citoyens de Lisbonne cinq musulmans et cinq non-musulmans furent les premiers à formuler la demande audacieuse : ériger une maison de prière.La mairie refusa d’abord, comme si l’histoire n’était pas prête à se laisser réveiller. Mais la patience des croyants, soutenue par le dialogue et la tolérance renaissante du Portugal moderne, eut raison du temps. En 1979, le gouvernement accorda enfin son autorisation : la première pierre fut posée, et, six ans plus tard, en 1985, le premier appel à la prière résonna de nouveau sur les collines de Lisbonne.


Cette date marque symboliquement le retour de l’islam sur les terres de l’ancien Gharb el-Andalus, après une absence de plus de quatre siècles.


L’architecture de la mémoire et du dialogue


Loin d’un pastiche oriental, la mosquée de Lisbonne se distingue par une synthèse harmonieuse entre la tradition islamique et le génie lusitanien. Les architectes portugais António Maria Braga et João Paulo Conceição, conseillés par des maîtres venus de pays musulmans, ont imaginé une œuvre à la fois spirituelle et contemporaine : un espace où chaque pierre respire la lumière.


L’édifice, d’une superficie de près de 2 800 m², s’organise sur quatre niveaux : la grande salle de prière, coiffée de trois coupoles et dominée par une mînâra élancée, des espaces d’enseignement, une bibliothèque, des salles de conférences, et même un pavillon funéraire pour les rites mortuaires.

L’entrée principale, taillée dans un marbre azuré, accueille le visiteur comme un verset sculpté. Les portes, gravées de motifs géométriques et de calligraphies coraniques, ouvrent sur un mihrab somptueux, orné de marbres dégradés du vert à l’outremer, bordé de bois d’arabesque et de versets qui rappellent les splendeurs d’El-Qarawiyyin et de Cordoue.Les murs de brique rouge, couleur de la terre portugaise, ancrent le lieu dans son paysage occidental, tandis que les demi-coupoles intérieures, peintes de bleu céleste, élèvent le regard vers l’infini.


Et dans un recoin discret, un fragment de la Kiswa, la couverture de la Kaaba, offert par le Royaume d’Arabie saoudite, rappelle le lien indéfectible entre Lisbonne et les deux sanctuaires de l’islam. C’est une relique, mais aussi une métaphore : le tissu de la mémoire islamique se retisse ici, fil à fil, sur le bord de l’océan.


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Un centre de vie et de savoir


La Grande Mosquée n’est pas seulement un lieu de prière ; elle est un foyer vivant de culture, de science et de rencontre.Des cours de langue arabe et de civilisation islamique y sont donnés, une école pour les femmes et les nouveaux convertis y fleurit, et les enfants y apprennent le Coran dans la douceur du soir lisboète.Les conférences, expositions et séminaires qui s’y tiennent contribuent à faire connaître la pensée musulmane, à dissiper les ombres du malentendu, et à faire de ce lieu un pont entre l’Orient spirituel et l’Occident sécularisé


Dans ses murs se croisent savants, diplomates, étudiants et simples fidèles. Tous partagent cette conviction que la foi, lorsqu’elle est éclairée par la connaissance, devient un langage universel


Entre deux mondes : la symbolique d’un retour

Ce qui confère à la mosquée de Lisbonne une dimension presque mystique, c’est qu’elle se dresse là-même où l’islam avait jadis brillé, avant d’être effacé par l’histoire.Du VIIIᵉ au XIIIᵉ siècle, les terres portugaises, connues sous le nom d’el-Gharb, abritaient des cités arabophones, des poètes comme Ibn Bassam de Santarém, des savants comme Abû el-Walid el-Baji ou Ibn ‘Ammar de Silves.Leur souvenir, longtemps enseveli, semble trouver un écho dans le dôme turquoise de Lisbonne.


Ainsi, la Grande Mosquée n’est pas seulement un édifice du XXᵉ siècle ; elle est une résurrection andalouse, un message d’espérance : celui d’un islam européen, enraciné dans la culture, ouvert sur la modernité, et fidèle à son humanisme originel.


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La lumière sur l’océan


Quand tombe la nuit sur Lisbonne et que la mînâra s’illumine, les passants s’arrêtent un instant. Certains ne savent pas ce qu’ils regardent ; d’autres reconnaissent la forme familière d’une maison de Dieu.Mais tous, croyants ou non, sentent peut-être cette paix silencieuse que dégage la beauté lorsqu’elle sert le spirituel.


La Grande Mosquée de Lisbonne n’est pas seulement un monument : c’est un phare.Un phare qui éclaire à la fois la mémoire d’un passé glorieux et le chemin d’un avenir de dialogue.Et peut-être, au détour d’un soir, lorsque le muezzin élève sa voix sur les rumeurs de la ville, les vents de l’Atlantique chuchotent-ils encore ces mots d’el-Andalus :


« Là où la lumière s’en fut, Dieu la ramène. »



*article paru dans le n°81 de notre magazine Iqra.



                         

 

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1 commentaire


Sten Lena
Sten Lena
il y a 2 heures

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