Récits célestes (n°56) - Nous t’avons suffi contre les railleurs
- Guillaume Sauloup
- il y a 5 jours
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Le Prophète ﷺ se tenait prosterné près de la Kaâba, le front posé sur les graviers, dans une humilité sincère, tandis que les notables de Quraych l’entouraient, vigilants. Certains s’approchèrent et déposèrent sur son dos les entrailles d’une chamelle, riant et se montrant du doigt, pensant que la moquerie briserait la majesté et que l’impureté ternirait la lumière de la prosternation.
Il resta prosterné sans relever la tête, jusqu’à ce que Fatima, رضي الله عنها, vînt écarter l’offense de son père et balayer la souillure. Mais cet épisode n’était qu’un parmi tant d’autres dans une longue suite de provocations. On l’avait traité de sorcier, de devin, de fou. La réponse ne fut pas un cri de colère, mais une parole céleste, nette, tranchante et définitive : « Nous t’avons suffi contre les railleurs » (Al-Hijr, 95).
Ce verset était une promesse divine, mais il constituait aussi une loi constante dans l’histoire des missions prophétiques. Allah s’est chargé de protéger Son appel contre toute atteinte de la moquerie, réduisant la provocation à ce qu’elle est réellement : un vacarme sans durée, un écho voué à se dissoudre dans les marges de l’Histoire.
Le mot « Nous t’avons suffi » (كفيناك) recèle à la fois la prévention et la sauvegarde, comme si le message demeurait dans une forteresse imprenable, que les tempêtes environnantes, fussent-elles violentes, ne sauraient ébranler.
À La Mecque, les railleurs s’étaient ligués pour atteindre le Prophète ﷺ par leurs paroles et leurs actes ; à Ta’if, les enfants furent lancés contre lui avec des pierres et des insultes. Mais le verset venait comme consolation et apaisement : la provocation n’a pas longue vie, et la protection est assurée.
Par la suite, et à travers toutes les époques, la provocation s’est drapée d’atours multiples : paroles blessantes, images déformées, ou gestes tapageurs. Les visages ont changé, mais le stratagème est resté le même. Le temps a passé, mais l’issue demeure inchangée : la provocation s’éteint, et le verset demeure.
Le sens de la suffisance divine va bien au-delà du simple éloignement du tort ; il s’agit d’une immunité de la Révélation contre toute main qui voudrait la déformer. La vérité n’a pas besoin d’une défense passionnelle, car elle porte en elle-même la sauvegarde qu’Allah lui confère. La faiblesse, lorsqu’elle est impuissante à produire l’argument, se déguise en raillerie. Mais le sens authentique n’est pas diminué par la moquerie ; au contraire, il peut gagner en éclat au milieu du vacarme, comme la lumière se fait plus manifeste encore, lorsque l’obscurité s’épaissit.
Depuis que cette parole est descendue, les provocateurs s’en vont l’un après l’autre, tandis que le Coran continue d’être récité. Les formes de la provocation se transforment, d’un mot à une caricature, d’une moquerie à un acte, mais la suffisance divine demeure inaltérable.
rteuse de cette lumière peut former des générations qui savent écrire, mais qui ignorent quoi écrire.
*Article paru dans le n°77 de notre magazine Iqra.
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