Sabil al-Iman (n°78) - La langue arabe et l'universalité de la foi
- Nassera BENAMRA
- 29 sept.
- 8 min de lecture

La foi s’éclaire dans la diversité des langues,
Et l’arabe n’est qu’une étoile dans la constellation des signes.
Le Message est unique, mais les mots sont multiples,
La Lumière est une, mais les chemins sont innombrables.
L’arabe dans le dessein divin
Lorsque le Coran fut révélé, au VIIᵉ siècle, l’arabe était déjà une langue de poésie raffinée, de transmission orale et de mémoire collective. Dieu l’a choisie pour porter Son dernier message, non par privilège ethnique, mais parce qu’elle possédait une capacité unique à exprimer la concision, la force et la profondeur de la révélation. Allah dit :
« Nous l’avons fait descendre, un Coran en arabe, afin que vous raisonniez. »
Sourate 12, verset 2
L’arabe fut ainsi un écrin choisi pour un contenu universel. Mais réduire l’Islam à cette langue serait trahir son essence. Le Coran rappelle :
« Et parmi Ses signes, la création des cieux et de la terre, et la diversité de vos langues et de vos couleurs. »
Sourate 12, verset 22, verset 22
La pluralité des langues n’est pas une menace, mais une sagesse divine.
La confusion contemporaine : arabe = musulman ?
Aujourd’hui, dans certains discours médiatiques occidentaux, trois réalités sont confondues :
L’arabe : une langue et une culture.
Le musulman : un croyant en l’Islam.
L’islamiste : un adepte d’une idéologie politique.
Cet amalgame, souvent entretenu par ignorance ou par calcul, nourrit suspicion et peur. On entend : « Il parle arabe, donc il est musulman », ou pire : « Il est musulman, donc il est radicalisé. » La réalité, pourtant, est plus riche :
Des millions d’Arabes sont chrétiens, au Liban, en Égypte, en Syrie.
Des communautés juives arabophones ont vécu des siècles au Maghreb et au Moyen Orient.
En France, des milliers d’étudiants choisissent l’arabe à l’université, sans aucun lien religieux.
Dans les quartiers populaires, des chansons mêlant arabe et français deviennent des hymnes identitaires, partagés bien au-delà des mosquées. L’arabe est langue de vie et de culture, pas une frontière religieuse.
L’école française et la langue arabe
En 2020, le président Emmanuel Macron déclara que l’arabe devait avoir « toute sa place à l’école », afin qu’il ne soit pas appris uniquement dans des structures parallèles. Imaginons un lycéen qui choisit l’arabe comme langue vivante, au même titre que l’allemand ou le chinois. Ce choix ouvre des portes :
Compréhension des cultures du Moyen Orient et du Maghreb.
Perspectives dans la diplomatie, le commerce, la recherche.
Dialogue accru avec un monde de plus de 400 millions de locuteurs.
Pourtant, certains y voient une « islamisation ». Cette réaction montre l’urgence de rappeler : la langue arabe est une clé de savoir, pas une menace.
La foi ne se limite pas à une langue
Parler arabe ne fait pas d’un homme un musulman, pas plus que parler latin ne fait d’un homme un chrétien.
Le Coran l’affirme : « Nous n’avons envoyé de Messager qu’avec la langue de son peuple, afin de les éclairer. » (14 :4)
Chaque prophète reçut la révélation dans sa langue : Moïse en hébreu, Jésus dans l’araméen de Galilée, Mohamed ﷺ en arabe. Mais le Message, lui, transcende toutes les langues. Aujourd’hui, des millions de musulmans en Indonésie, au Sénégal, en Turquie ou en France vivent leur foi sans parler arabe. Leur cœur est musulman même si leur langue diffère. La foi est universelle, la langue n’est qu’un outil.
Témoignages de la diversité
Une convertie française raconte : « J’ai découvert l’Islam en français. J’ai appris plus tard à lire le Coran en arabe, mais ma foi avait déjà fleuri avant de connaître l’alphabet ». Un professeur de linguistique confie : « J’enseigne l’arabe à des étudiants non musulmans. Ils y trouvent un trésor intellectuel et une clé de compréhension des civilisations. »
Dans certaines églises d’Orient, la messe se célèbre en arabe, rappelant que cette langue n’appartient pas à une religion, mais à une humanité plurielle. L’arabe est donc un pont entre les croyances, et non un mur.
Les dérives de l’amalgame
En France, la confusion entre arabe et Islam nourrit souvent la musulmanophobie :
Une personne parlant arabe dans le métro est perçue comme « étrangère », même si elle est française depuis plusieurs générations.
Un élève qui choisit l’arabe comme option scolaire pourrait être suspecté d’« intégrisme ».
Des familles transmettant l’arabe à leurs enfants sont accusées de « communautarisme ».
Pourtant, la France est déjà marquée par la pluralité linguistique : breton, corse, alsacien, basque. L’arabe, lui aussi, s’inscrit désormais dans le patrimoine linguistique de la nation.
L’universalité de l’Islam
L’Islam n’est pas la religion d’un peuple, mais un message pour l’humanité entière. L’arabe fut l’écrin du Coran, mais la foi se vit dans toutes les langues.
Un hadith prophétique rapporte que « Les croyants, dans leur affection, leur miséricorde et leur compassion mutuelles, sont comme un seul corps. »
Or, ce corps ne parle pas une seule langue. Il parle français à Paris, wolof à Dakar, ourdou à Karachi. L’unité des croyants réside non dans l’uniformité linguistique, mais dans la fraternité spirituelle.
Vers une pédagogie de la diversité
En France, il est nécessaire de réhabiliter la langue arabe comme :
Patrimoine culturel et richesse académique.
Outil de connaissance et d’ouverture au monde.
Langue partagée au-delà des appartenances religieuses.
Cela suppose :
Que les écoles offrent l’arabe comme elles offrent l’espagnol ou l’allemand.
Que les médias cessent de confondre langue, religion et idéologie.
Que les musulmans eux-mêmes témoignent que leur foi transcende la langue.
Ainsi, Sabil al-Iman, le chemin de la foi, s’éclaire par la diversité et non par la confusion. L’arabe fut l’écrin du Message, mais l’humanité entière en est l’héritière, car la foi ne s’enferme pas dans une langue : elle se vit dans chaque cœur, et s’élève dans chaque prière.
Le Coran est une lumière universelle,
La foi une route fraternelle.
Chaque langue est un témoin de l’infini,
Chaque peuple une couleur de l’harmonie.
*Article paru dans le n°78 de notre magazine Iqra.
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