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Le Hadith de la semaine (n°68) - Achoura : entre symbolique du salut et impératif d’une conscience civilisationnelle


D’après Abd Allah ibn Abbas, que Dieu soit satisfait de lui et de son père, il a dit :


« Lorsque le Prophète ﷺ arriva à Médine, il vit les juifs jeûner le jour de Achoura. Il demanda : '"Qu’est-ce donc que ce jour ?" Ils répondirent : "C’est un jour vertueux : c’est le jour où Allah sauva les Enfants d’Israël de leur ennemi, en conséquence, Moïse le jeûna." Le Prophète ﷺ dit alors : "Nous sommes plus en droit de nous réclamer de Moïse que vous." Il jeûna donc ce jour, et recommanda d’en observer le jeûne. »

Rapporté par El-Bukhari (n°2004) et Muslim (n°1130)


Il est rare qu’un seul moment du calendrier rassemble à la fois l’Histoire, la foi et les finalités spirituelles et morales, comme le fait le jour de ‘Achoura. Ce jour-là, lorsque le Prophète ﷺentra à Médine, il ne le laissa pas passer sans y prendre position. En voyant les juifs y jeûner, il interrogea, expliqua, puis jeûna ce jour et en recommanda le jeûne. Ce geste venait affirmer un principe fondamental : reconnaître la vérité où qu’elle se trouve. Cela s’inscrit dans les objectifs supérieurs de la Loi islamique, qui prône l’établissement de la vérité et de la justice, même si celle-ci est exprimée par un non-musulman. C’est aussi une éducation de la communauté à prendre conscience de l’histoire prophétique, non comme un simple souvenir, mais comme un chemin de guidance et d’élévation.


‘Achoura n’est plus simplement un jour où une communauté célèbre sa délivrance. Dans la législation islamique, il est devenu un jour où l’humanité tout entière est invitée à se souvenir que Dieu a établi des lois immuables dans l’univers : que l’injustice a un terme, que la justice est porteuse d’une promesse, et que l’unicité de Dieu est la véritable voie du salut. Le jeûne de ‘Achoura n’a pas été institué uniquement pour suivre l’exemple d’un prophète du passé ; il vient affirmer l’unité profonde des messages divins dans leur essence, et tisser un lien de continuité entre les différentes étapes de la prophétie à travers l’histoire.


Le Messager de Dieu ﷺ ne s’est ni abstenu, ni élevé au-dessus d’une pratique accomplie par une communauté non-musulmane : il en a fait un usage théologique, en a donné une portée éducative, et l’a consacrée par l’acte, jeûnant et enjoignant de jeûner, tout en conseillant de le précéder ou de le suivre d’un jour, afin de se distinguer, sans rupture ni hostilité.


Cette attitude révèle clairement l’un des objectifs de l’islam : l’instauration d’une paix sociale durable, l’évitement de la confrontation religieuse, et la valorisation de la pluralité comme incitation à la coopération autour des grandes valeurs universelles, telles que la justice, la miséricorde et la dignité humaine.


C’est ainsi que se manifeste l’essence de la tolérance islamique, qui ne rejette pas l’Autre en tant que tel, mais qui adopte à son égard une posture de discernement et d’équilibre : elle accepte ce qui est en accord avec la vérité, et s’oppose avec douceur à ce qui la contredit, affirmant que le salut n’est l’apanage d’aucun peuple en particulier, mais le fruit de la foi sincère, de la véracité intérieure et de la patience sur le chemin de Dieu.


Dans cette perspective, le jeûne de ʿAchoura cesse d’être un simple acte cultuel pour devenir un positionnement civilisationnel et un message de valeurs. Celui qui jeûne ce jour, en méditant le salut de Moïse, paix sur lui, face à Pharaon, renouvelle sa conviction que tout tyran est voué à périr, que la Puissance divine surpasse toutes les forces terrestres, et que celui qui se confie à Dieu verra même la mer s’ouvrir devant lui.


C’est là une illustration éloquente de l’un des objectifs profonds de la Loi islamique : raviver l’espérance dans les cœurs, et affermir le sens du salut pour ceux qui subissent l’injustice ou l’oppression. Et nul n’a peut-être plus besoin de ce message que le musulman vivant en Occident, là où les épreuves de l’exil se mêlent aux défis identitaires.


Ces significations portées par le hadith de ʿAchouraʾ ont franchi les frontières du temps pour parvenir jusqu’aux musulmans des différentes contrées, parmi lesquels ceux qui vivent en Occident, migrants, réfugiés, étudiants ou prêcheurs. Aujourd’hui encore, en Europe et ailleurs, une large communauté musulmane perpétue cette journée, non seulement par le jeûne, mais aussi par un renouvellement de la conscience religieuse, de l’identité spirituelle, et de l’attachement à la voie prophétique.


C’est ce qui fait de ʿAchoura une occasion annuelle de renouer avec les racines de la mission divine et de renforcer l’appartenance à la lignée prophétique, non pas dans une optique exclusive, mais dans une vision universelle conforme à la mission du Sceau des Prophètes.


Et malgré les multiples défis, pressions, et vagues de suspicion, de racisme, voire d’intimidation et de dénigrement, ces communautés musulmanes ont, dans leur grande majorité, su faire preuve d’un sens de l’équilibrée, et offrir de l’islam une image morale et civique conforme au droit, fondée sur le respect de l’Autre, le respect des engagements, et la contribution au bien commun.


C’est ici que se révèle toute la richesse du paradoxe d’‘Achoura : à une époque où certains peinent à accepter la diversité au sein de la société, les musulmans commémorent un jour dont le fondement repose justement sur la reconnaissance de l’histoire d’une autre communauté, et sur l’affirmation que l’histoire des autres mérite d’être honorée, dès lors qu’elle porte en elle l’unicité de Dieu et la défense de la vérité.


Ce qui réconforte, c’est que plusieurs chercheurs et observateurs occidentaux impartiaux ont eux-mêmes reconnu cette présence musulmane équilibrée. Ils ont souligné que, malgré les différences religieuses et culturelles, les musulmans ont su s’imposer comme un facteur de stabilité, un acteur de la production et un maillon essentiel de la société civile. La communauté musulmane, dans sa grande majorité, n’a pas été un fardeau ni une source de désordre ; bien au contraire, elle a offert un modèle de respect des lois, d’éducation des générations, d’engagement dans l’action sociale et caritative, et de célébration des valeurs partagées.

 

C’est ce que reflètent les institutions religieuses musulmanes, au premier rang desquelles figure la Grande Mosquée de Paris, reconnue pour sa présence forte et active dans les sphères culturelles, religieuses, sociales et même politiques.


N’est-ce pas là le véritable sens du salut de Moïse ? Que le faible devienne un bâtisseur, et que l’opprimé sorte de la vallée de l’asservissement vers l’horizon vaste du message et de la responsabilité ?


En contexte européen, ‘Achoura est ainsi devenue une occasion qui allie mémoire historique, élévation spirituelle et rayonnement civilisationnel, dans la sérénité, la dignité et sans provocation, mais avec sagesse, équilibre et clarté.


Parmi les enseignements essentiels qu’il convient de méditer, figure le lien établi par le Prophète ﷺ entre le jeûne de ce jour et un objectif expiatoire explicite : « J’espère de la part d’Allah, que par ce jeûne, Il efface, les péchés de l’année écoulée. »


Ainsi, le jeûne d’‘Achoura ne se limite pas à la commémoration historique : il est un acte de purification de l’âme, d’élévation du cœur, de recentrage du lien avec Dieu. C’est une école spirituelle où la patience face à la faim et l’abstention des plaisirs devient un entraînement pour former des générations capables d’endurer les épreuves de la vie.


Et quoi de plus nécessaire, aujourd’hui, pour les musulmans vivant en Occident ? N’ont-ils pas, plus que d’autres, le besoin d’éduquer leurs enfants à la patience, à la confiance en Allah, et à la conviction que l’adversité ne justifie jamais la déviance, mais bien au contraire, appelle à plus de lucidité, de constance et de foi ?


Ce n’est pas le jeûne seul qui incarne ces finalités élevées : la zakat s’inscrit elle aussi dans cette perspective globale de ‘Achoura. Elle purifie les biens, soutient les nécessiteux, et répare les fractures des sociétés en évitant d’en laisser certains de ses membres à l’abandon.


Lorsqu’elle est donnée sincèrement et avec discernement, la zakat représente en Occident une contribution directe à la cohésion sociale, réalisant les finalités islamiques de justice et de solidarité, sans clameur ni confrontation.


Elle est une prolongation du secours et du soutien, dans leur dimension sociale cette fois, visant à rétablir la justice et l’entraide entre les composantes de la société, redonnant ainsi au musulman son rôle réformateur et civilisateur dans son environnement occidental.


Le culte de ʿAchouraʾ, compris dans cette vision holistique, devient une halte spirituelle annuelle pour rappeler la sagesse divine dans la gouvernance de l’univers, la justice de Ses décrets, et Sa miséricorde envers Ses alliés, tout en offrant à la communauté musulmane une opportunité de renouer avec ses racines prophétiques et d’enraciner sa présence dans la modernité sans se détacher du passé, ni se dissoudre dans le présent.


Quelle noblesse alors dans le jeûne de ʿAchoura, lorsqu’il est accompli en pleine conscience, qu’il ne se limite pas à honorer la mémoire de Moïse, paix sur lui, mais qu’il ranime l’esprit de fermeté, de coexistence, de contribution, et rappelle au musulman qu’il est l’héritier des valeurs des Prophètes, non pour les conserver passivement, mais pour les incarner, les vivre, et les partager sans peur ni arrogance.


Tel est l’esprit de ʿAchoura dans l’islam et une facette de ses nobles finalités, tout comme devrait l’être chaque célébration religieuse : un appel à vivre ses enseignements avec le cœur, la langue et l’action.



*Article paru dans le n°72 de notre magazine Iqra.


 


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2 commentaires


The reflections on ‘Achoura really hit home—it's a day that goes beyond historical commemoration to embrace spiritual elevation and social unity. It's like how in Sprunki Retake, every move and every beat connects you to something bigger, reminding us that perseverance, unity, and justice are all part of a larger rhythm of life. Whether it's fasting or just reflecting on the values it brings, it's a beautiful moment of connection with deeper truths.

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cyslette54
07 juil.

This hadith beautifully illustrates recognizing truth wherever it may be found. It reminds me of strategically building a team in Pokerogue , using the Pokerogue Dex to find the perfect type matchups, drawing parallels to seeking wisdom and understanding from diverse sources. Just as the Prophet ﷺ learned from the Jewish community's observance of Achoura, we can learn from different perspectives to achieve a greater understanding of faith and morality.

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