Lumière et lieux saints de l'Islam, à la découverte des mosquées du monde (n°78) - Djamaa El-Djazaïr, la mosquée du large
- Guillaume Sauloup
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Par Noa Ory
Entre la mer et la ville, dans cette plaine où le soleil d’Algérie se dépose comme un voile d’or, s’élève un monument que le temps semblait attendre : Djamaâ El-Djazaïr, la Grande Mosquée d’Alger. Plus qu’un lieu de culte, l’ensemble s’impose comme une composition architecturale majeure du monde arabo-musulman contemporain, un dialogue entre l’immensité du ciel et la mesure humaine de la prière.
Édifié sur vingt hectares, le complexe s’inscrit dans un axe symbolique reliant la baie d’Alger aux collines du Sahel. La mer, visible à chaque détour, agit comme un miroir qui prolonge la blancheur du marbre et l’éclat des arcades. À l’ouest, le cours du Harrach borde les jardins, rappelant la présence ancienne de l’eau dans l’urbanisme islamique, principe de purification autant que de beauté.

Le plan s’organise autour d’une vaste esplanade qui conduit à la salle de prière principale. Celle-ci, d’une superficie de plus de vingt mille mètres carrés, peut accueillir jusqu’à cent vingt mille fidèles. L’espace, soutenu par de hautes colonnes élancées, se déploie sous une coupole de cinquante mètres de diamètre et soixante-dix mètres de hauteur. Le marbre blanc, les moucharabiehs de pierre, la lumière filtrée par la coupole compose un ensemble d’une pureté apaisante. Le décor, discret, joue sur la répétition des motifs géométriques, rappelant que la symétrie est ici une forme de prière.
À l’extérieur, les colonnades abritent de larges galeries donnant sur un patio planté d’orangers et de figuiers. L’eau des bassins y répercute la lumière du ciel et le murmure des pas. Cette disposition évoque à la fois les cloîtres andalous et les medersas du Maghreb, où le mouvement du jour rythme la vie spirituelle. Chaque façade, percée de baies en arc outrepassé, marie le dépouillement contemporain et la permanence des canons traditionnels.


Dominant l’ensemble, le minaret s’élève à deux cent soixante-cinq mètres, la plus haute du monde. Sa verticalité ne traduit pas une démesure, mais l’aspiration d’une civilisation qui cherche à inscrire la foi dans la modernité. Sa partie supérieure, vitrée, offre un belvédère sur la baie : un phare spirituel autant qu’un repère urbain. Le soir, sa silhouette s’allume comme une flamme dans le crépuscule, rappelant les anciens minarets qui guidaient jadis les marins.
Autour du sanctuaire s’articulent douze bâtiments complémentaires : une école coranique, une bibliothèque de plusieurs centaines de milliers d’ouvrages, un musée d’art islamique, une salle de conférences et des jardins suspendus. L’ensemble est conçu comme une cité du savoir, un pôle de rayonnement intellectuel où la culture et la foi se rejoignent sans s’opposer.


Résistant aux séismes, accessible par la route, le tramway ou même par la mer, le site incarne la maîtrise technique et la vision d’un urbanisme ouvert sur le monde. L’architecture de Djamaâ El-Djazaïr ne s’impose pas : elle s’élève doucement, portée par la lumière du large, à la manière d’une invocation silencieuse.
Ainsi, au cœur de la baie d’Alger, un monument relie désormais la mer au ciel, le savoir à la prière, et l’histoire d’un peuple à la promesse de sa continuité.


*article paru dans le n°84 de notre magazine Iqra.
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