Récits célestes (n°68) - L’histoire de Youcef, paix sur lui, dans son ministère en Égypte
- Guillaume Sauloup
- il y a 15 heures
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Par Cheikh Mohamed Amine Haddou
Le prophète d’Allah, Youcef, paix sur lui, fut conduit en Égypte lorsque ses frères prétendirent qu’il était un esclave et le vendirent à des voyageurs venus puiser de l’eau près du puits où ils l’avaient abandonné. Ceux-ci le cédèrent au « Aziz » d’Égypte, le gouverneur de la ville, qui décela aussitôt en lui des signes d’excellence et recommanda à son épouse de bien le traiter. Le Très-Haut dit :
« Celui qui l’avait acheté en Égypte dit à sa femme : “Accueille-le avec bonté ; peut-être nous sera-t-il utile, ou le prendrons-nous pour fils.” C’est ainsi que Nous avons établi Youcef dans ce pays, afin de lui enseigner l’interprétation des récits. Allah a toujours pleine maîtrise de Ses desseins, mais la plupart des gens ne le savent pas. »
Sourate Youcef, verset 21
Youcef vécut un certain temps dans la maison de l’Aziz. Puis, à la suite d’une épreuve des plus rudes, il fut jeté en prison injustement. Or le roi fit un songe et demanda à ceux qui étaient versés dans l’art de l’interprétation, c’est-à-dire les spécialistes de l’exégèse des rêves et des visions, d’en donner l’explication. Incapables d’en saisir le sens, ils avouèrent leur insuffisance et allèrent jusqu’à nier que ce songe pût relever des visions susceptibles d’être interprétées. Les gens se tournèrent alors vers Youcef, paix sur lui, qui se trouvait encore incarcéré [1], et il en donna l’interprétation. Il y ajouta même des orientations et des conseils sur la manière d’affronter la crise annoncée, avant qu’elle n’advienne et après qu’elle se serait produite. Le Très-Haut dit, relatant cet épisode : « Le roi dit : “Je vois en songe sept vaches grasses dévorées par sept vaches maigres, ainsi que sept épis verts et d’autres, totalement desséchés. Dignitaires de la cour, éclairez-moi sur mon rêve, si vous êtes capables d’en donner l’interprétation.” Ils répondirent : “Ce ne sont que des rêves confus ; quant à l’interprétation des songes, nous n’en savons rien.” Alors celui des deux prisonniers qui avait survécu et s’était souvenu de Youcef après un long temps dit : “Je vous en donnerai l’explication ; envoyez-moi donc vers lui.” Il se rendit auprès de Youcef et lui dit : “Youcef, homme de vérité, donne-nous l’interprétation de ces sept vaches grasses que dévorent sept vaches maigres, et de ces sept épis verts et d’autres desséchés. Peut-être pourrai-je retourner vers les gens afin qu’ils comprennent.” Youcef dit : “Vous cultiverez la terre pendant sept années consécutives ; ce que vous récolterez, laissez-le dans ses épis, sauf la faible part que vous consommerez. Puis viendront sept années rudes qui dévoreront ce que vous aurez préparé pour elles, à l’exception du peu que vous conserverez avec soin. Ensuite viendra une année où les gens seront secourus par la pluie et où ils pourront presser (le fruit des moissons)”. » (Sourate Youcef, versets de 43 à 49).
La vision s’accomplit exactement selon l’interprétation qu’en avait donnée Youcef. Le roi et ses ministres suivirent ses conseils et ses orientations pour affronter la crise, si bien qu’ils en sortirent indemnes. Le roi, admiratif devant la sagesse de Youcef, exprima alors le désir de le rencontrer et envoya quelqu’un le chercher en prison. Le Très-Haut dit : « Le roi dit : “Amenez-le-moi.” » (Sourate Youcef, verset 50). Youcef refusa toutefois de quitter la prison avant que son innocence ne soit pleinement établie concernant l’accusation dont il avait été injustement chargé. L’affaire se déroula ainsi conformément à ce qu’il avait exigé.
Une fois l’innocence de Youcef pleinement reconnue, le roi d’Égypte désirait ardemment le compter parmi ses proches conseillers et l’intégrer au cercle de ses ministres et dignitaires, car il avait constaté en lui la probité, le savoir et une rare excellence. Le Très-Haut dit : « Le roi dit : “Amenez-le-moi ; je veux l’attacher à ma personne.” Et lorsqu’il lui eut parlé, il dit : “En ce jour, tu jouis auprès de nous d’un rang établi et d’une entière confiance”. » (Sourate Youcef, verset 54).
Lorsque le roi proposa donc à Youcef une charge au sein de son administration, ce dernier suggéra d’être nommé responsable des trésors d’Égypte, c’est-à-dire préposé à leur gestion, à leur garde et à tout ce qui relevait de leur administration, estimant posséder les qualités nécessaires pour assumer une telle fonction, ainsi que la compétence et la rigueur qu’elle exigeait. Allah, Le Très-Haut dit : « Il dit : “Confie-moi les trésors du pays ; je suis bon gardien et homme de savoir”. » (Sourate Youcef, verset 55).
Certains exégètes ont écrit : « Le fait que Youcef, paix sur lui, ait proposé lui-même d’être investi de cette charge relève de la préparation intérieure à se consacrer aux intérêts de la communauté, selon la voie des gens de vertu et d’excellence, dont les âmes s’épanouissent à mettre leur science au service du bien commun. C’est pourquoi il ne demanda ni richesse personnelle, ni avantage matériel de ce monde ; il demanda plutôt à être chargé des trésors du royaume afin de préserver les biens, d’en assurer une répartition juste, et de faire preuve de sollicitude envers la population dans leur collecte et dans leur distribution à ceux auxquels ils étaient destinés. » (Ibn ‘Âshûr, At-Tahrir wa-t-Tanwir, vol. 13, p. 8.)
Telle fut la destinée de Youcef : voir son sort aboutir à devenir ministre en Égypte, cette terre qui n’était ni la sienne ni celle de ses ancêtres. Il devint pourtant l’un des meilleurs ministres qu’ait connus l’Égypte de cette époque et l’un de ses plus habiles administrateurs, comme en témoigne son attitude exemplaire face à la crise provoquée par la famine qui frappa le pays et les contrées voisines. Allah, Le Tout-Puissant, dit : « C’est ainsi que Nous affermîmes Youcef dans le pays : il s’y établissait où il voulait. Nous accordons Notre miséricorde à qui Nous voulons, et Nous ne laissons pas perdre la récompense des bienfaisants. » (Sourate Youcef, verset 56).
[1] Ibn Kathîr dit : « Cette vision faite par le roi d’Égypte fait partie de ce que Dieu, exalté soit-Il, avait prédestiné pour être la cause de la sortie de Youcef, paix sur lui, de la prison, en homme honoré et élevé en dignité. En effet, le roi avait vu ce songe qui le frappa d’effroi et l’étonna quant à sa signification et à son interprétation. Il convoqua alors les prêtres, les notables de son royaume et ses émirs, leur raconta ce qu’il avait vu et leur demanda d’en donner l’interprétation. Mais ils ne surent rien en dire et s’excusèrent auprès de lui, affirmant qu’il ne s’agissait que de “rêves confus”, c’est-à-dire un mélange de visions sans cohérence dont ce songe relevait selon eux… Le roi reconnut alors le mérite de Youcef, paix sur lui, la profondeur de son savoir et la précision de son discernement dans l’interprétation des rêves. Il dit donc : “Amenez-le-moi”», autrement dit : faites-le sortir de prison et conduisez-le en ma présence. »
(Tafsîr Ibn Kathîr, 2/251-252)
*Article paru dans le n°89 de notre magazine Iqra.
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