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Sabil al-Iman (n°90) - Je resterai migrant toute ma vie… Et pourtant Dieu a fait de l’exil un chemin de foi aujourd’hui

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Par Cheikh Khaled Larbi

Ils marchent sans carte et sans promesse écrite, le regard chargé d’adieux, le cœur plein d’inquiétude. Le monde les compte, les classe, les réduit, mais Dieu, Lui, voit l’épreuve bénite. On les appelle migrants, comme si le mot suffisait à dire la vie. Mais dans le Livre, l’exil n’est jamais une honte : il est parfois l’ultime fidélité à l’âme qui survit.


L’exil dans le Coran : non pas une faute, mais une épreuve révélatrice


Le Coran n’aborde jamais l’exil comme un échec moral.


Il ne le présente ni comme une trahison, ni comme une lâcheté. Au contraire, il pose une question décisive :


« أَلَمْ تَكُنْ أَرْضُ اللَّهِ وَاسِعَةً فَتُهَاجِرُوا فِيهَا »

« La terre de Dieu n’était-elle pas assez vaste pour que vous émigriez ? »

Coran, 4 :97


L’exil devient alors une réponse à l’injustice, un refus de l’écrasement, un sursaut de dignité.


Partir n’est pas toujours choisir le confort ; parfois, c’est refuser la mort intérieure.


Le Coran fait de l’exil un moment de vérité, où l’homme découvre ce qu’il est prêt à perdre pour préserver ce qu’il est.


Le Prophète ﷺ : migrant par sagesse, non par faiblesse


Le Prophète Mohamed ﷺ fut lui-même migrant à deux reprises : vers l’Abyssinie, puis vers Médine.


Ces départs n’étaient ni improvisés ni subis. Ils étaient stratégiques, spirituels, visionnaires.


Il quitte La Mecque non par peur, mais parce que la mission exige un espace où respirer.


La Hijra devient ainsi un acte prophétique, une pédagogie du mouvement, une leçon éternelle : quand la vérité est étouffée, elle doit parfois changer de lieu pour survivre.


Trois vertus que l’exil grave dans le cœur


La migration révèle, parfois dans la douleur, trois vertus fondamentales du chemin de foi :


  • la patience (sabr) : face à l’humiliation, au rejet, à l’attente interminable.


  • la confiance (tawakkul) : face à l’inconnu, aux routes sans garantie, aux lendemains sans certitude.


  • la résistance intérieure : face à la déshumanisation, quand l’homme est réduit à un statut, un dossier, un soupçon.

Le Prophète ﷺ a dit : « Sache que la victoire vient avec la patience, que le soulagement suit l’épreuve, et que la facilité accompagne la difficulté. » (Hadith authentique)

L’exil devient alors une école spirituelle sévère, mais profondément formatrice.


La hijra intérieure : le migrant que nous sommes tous


Le migrant quitte plus que sa terre.


Il quitte parfois : la peur, l’injustice, la haine transmise, l’humiliation devenue norme.


Il part pour sauver son âme, avant même de sauver sa vie.


Mais le Coran m’a appris autre chose encore : même immobile, le croyant migre.


Il migre de l’ignorance à la connaissance, de la peur à la confiance, du chaos intérieur à la paix.


Le Prophète ﷺ l’a résumé ainsi : « L’émigré est celui qui abandonne ce qu’Allah a interdit. »


La Hijra n’est donc pas qu’un déplacement géographique ; elle est une transformation intérieure permanente.


Migrer comme on traverse ses blessures


Ils traversent les frontières comme on traverse ses propres fractures. Ils portent le ciel sur le dos, mais l’espoir  dans  les  mains.  Ils  avancent avec des papiers fragiles, mais une foi tenace.


Ils me verront migrant toute ma vie, avec leur regard figé sur l’origine.


Mais Dieu, Lui, voit le chemin choisi, l’effort consenti, la dignité préservée.


Je resterai migrant aux yeux des hommes, mais voyageur vers Dieu dans le secret des pas.


Car parfois, quitter sa terre n’est pas une défaite, c’est une foi qui refuse de se renier.


L’exil n’est pas toujours une perte, il est parfois une promesse cachée.


Et sur le chemin de l’Iman, Dieu transforme la route en miséricorde, et l’épreuve en lumière voilée.



*Article paru dans le n°90 de notre magazine Iqra.



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