Le Hadith de la semaine (n°85) - L’amour de Médine et la bénédiction des patries : éclairages prophétiques pour les cœurs en exil
- Guillaume Sauloup
- il y a 3 heures
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Par Cheikh Younes Larbi
D’après notre mère, la Dame des Croyants, ‘Aïcha, (qu’Allah l’agrée), le Prophète صلى الله عليه وسلم a dit :
« Ô Seigneur, fais-nous aimer Médine comme Tu nous as fait aimer La Mecque, ou davantage. Déplace sa fièvre vers El-Juhfa. Seigneur, bénis pour nous notre Mudd et notre Sâʿ. »
Rapporté par Mouslim : 102
Ce noble hadith nous livre une image véridique de la période de l’Hégire : lorsque le Prophète صلى الله عليه وسلم et ses Compagnons durent quitter La Mecque, terre de leur enfance et de leur mémoire, pour rejoindre Médine. Ils y découvrirent un environnement nouveau, dont le climat rude et les maladies pesaient sur leurs corps déjà éprouvés. Abou Bakr et Bilâl, qu’Allah les agrée, furent atteints de fièvre, et la nostalgie de La Mecque étreignait leurs cœurs ; Bilâl invoquait même son Seigneur pour qu’Il lui fasse revoir ses montagnes, ses vallées et ses sources.
Cette scène rappelle avec force ce que vivent aujourd’hui de nombreux musulmans établis en terres d’exil : le passage d’un milieu familier à un autre aux climats, aux cultures et aux atmosphères spirituelles différents ; un sentiment de manque pour les visages connus, la langue maternelle, l’appel à la prière, autant de repères sociaux et religieux. C’est pourquoi la supplication du Prophète صلى الله عليه وسلم fut le plus parfait des remèdes : il demanda au Très-Haut d’insuffler dans les cœurs l’amour de Médine comme l’amour qu’ils portaient à La Mecque, voire plus, de bénir leur subsistance et d’écarter d’eux les causes de gêne et de souffrance.
Ainsi, ce hadith nous enseigne que l’amour de la patrie est une disposition naturelle, que l’Islam ne rejette point mais qu’il élève et purifie, la faisant passer du simple attachement affectif à un sens supérieur au service de la foi, de la dignité humaine et du bien commun. Cette compréhension est essentielle pour nos enfants établis en Occident, qui peuvent éprouver une forme de double appartenance : ils chérissent la terre d’où viennent leurs familles, tout en grandissant dans une terre devenue à son tour une patrie où ils apprennent, travaillent et élèvent leurs enfants.
Par conséquent, le musulman vivant en Occident peut aimer le pays qui l’accueille, œuvrer pour son bien et invoquer la bénédiction divine sur lui, sans renoncer pour autant à son identité spirituelle ni à son lien profond avec la Oumma. Ce hadith nous indique d’ailleurs l’importance de demander à Allah la santé, la sécurité et la bénédiction dans le nouveau lieu de vie. Autrement dit : malgré les défis de santé, de solitude, d’adaptation ou d’économie que rencontrent les expatriés, ils sont appelés à recourir au Très-Miséricordieux par l’invocation, à améliorer leurs conditions, et à œuvrer pour établir un environnement sain pour leurs enfants, tout comme le Prophète صلى الله عليه وسلم qui priait pour ses Compagnons afin qu’ils jouissent d’un air pur, d’une nourriture bénie et d’une santé préservée.
Parmi les leçons profondes de ce hadith : la bénédiction ne dépend pas seulement du lieu, mais du sens que la foi et l’action vertueuse donnent à ce lieu. Allah bénit le Sâʿ‘ et le mudd des Compagnons, bien qu’ils se trouvent dans un environnement difficile. De même, Allah peut accorder la bénédiction aux musulmans d’Occident, où qu’ils soient, s’ils purifient leurs intentions, s’attachent au bien et cheminent avec science, sagesse et miséricorde.
Enfin, ce hadith restaure en nous la certitude que l’intégration positive est possible, et que l’amour d’un nouveau pays ne supprime pas l’amour du pays d’origine ; il lui ajoute plutôt une dimension humaine plus vaste, comme les Compagnons aimèrent Médine sans cesser d’aimer La Mecque.
Qu’Allah fasse de nos demeures en Occident des foyers d’obéissance et de sérénité ; qu’Il nous accorde l’amour des terres où nous sommes nés, l’amour des pays qui nous ont accueillis ; qu’Il bénisse nos familles et nos enfants, et qu’Il nous accorde le bien où que nous nous trouvions.
Amin !
*Article paru dans le n°88 de notre magazine Iqra.
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